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Nigeria: le pays dans l'incertitude après une nouvelle hospitalisation du président

Un homme lit un journal dont la Une revient sur les questions de santé du président Muhammadu Buhari, à Lagos, le 8 mai 2017

Un homme lit un journal dont la Une revient sur les questions de santé du président Muhammadu Buhari, à Lagos, le 8 mai 2017 - PIUS UTOMI EKPEI, AFP

Le président nigérian, Muhammadu Buhari, hospitalisé à Londres début mars, est de nouveau retourné en Grande-Bretagne pour raisons médicales. Le pays est dans l'incertitude craignant que ces absences répétées, ralentissent la lutte contre la corruption dans le pays.

Muhammadu Buhari avait prévenu les 190 millions de Nigérians en rentrant de Londres début mars, après huit semaines d'absence pour raisons médicales: il y en aurait d'autres. Dimanche soir, le président de 74 ans est retourné en Grande-Bretagne, laissant son pays dans l'incertitude.

Personne au Nigeria n'était dupe de la mauvaise santé du chef de l'Etat, qui n'a assisté à aucun conseil des ministres depuis un mois. Mais son départ précipité, quelques minutes après avoir rencontré 82 lycéennes de Chibok libérées des mains du groupe jihadiste Boko Haram, a pris tout le monde de court.

Son porte-parole, qui a annoncé la nouvelle dans un communiqué, n'a donné aucune indication sur la durée de ce nouveau séjour ni la nature de sa maladie, assurant qu'il ne s'agissait que d'une visite de contrôle pour "passer des examens médicaux supplémentaires".

La lutte contre la corruption menacée

"Le temps qu'il doit passer à Londres sera déterminé par les médecins", a-t-il insisté, soulignant que le "président souhaite rassurer tous les Nigérians qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter".

Le Nigeria s'interroge toutefois sur ces absences prolongées du chef de l'exécutif. Certains craignent le ralentissement qu'elles peuvent entraîner, notamment dans la lutte contre la corruption endémique qui gangrène l'administration, priorité affichée du président au pouvoir depuis deux ans.

La prochaine élection présidentielle est prévue en février 2019. Beaucoup au sein de la société civile et de l'opposition appellent le président à démissionner s'il n'est pas en état de diriger le pays d'ici là. Ses proches, eux, restent silencieux, affirmant que le gouvernement peut poursuivre son travail en l'absence de Muhammadu Buhari.

"De ce que je vois, le président reste à la tête (du cabinet) et ses directions politiques sont mises en place", a déclaré dimanche dans un communiqué Bola Tinubu, pilier du parti au pouvoir, le All Progessives Congress (APC).

Désigner un président intérimaire

La Constitution nigériane ne prévoit aucune limitation de temps de vacance du pouvoir, souligne l'avocat défenseur des droits de l'Homme Femi Falana, qui a écrit la semaine dernière une lettre ouverte au président réclamant sa démission.

Elle stipule toutefois que le poste doit être remis au vice-président pendant l'absence du chef de l'Etat.

"Ce qui est important, c'est que Yemi Osinbajo (le vice-président) soit désigné comme président intérimaire. Il n'y a aucun doute, Buhari fait confiance à son adjoint", affirme l'avocat.

Bâtons dans les roues

Mais Debo Adeniran, de la Coalition des leaders contre la corruption (CACL), estime que "l'attitude de Buhari a été cruciale dans les succès de la guerre contre la corruption" obtenus jusque-là. "Un séjour prolongé à Londres va forcément affecter la dynamique. Des personnes, mais aussi des institutions d'Etat impliquées dans ce combat vont être ralenties par son absence", explique-t-il.

Le Sénat, dont plusieurs membres sont visés par des enquêtes, a d'ailleurs profité de l'absence prolongée du chef de l'Etat en début d'année pour mettre des bâtons dans les roues de l'Agence nationale anti-corruption, en rejetant le candidat choisi par Muhammadu Buhari pour la diriger.

"Osinbajo va devoir faire le travail de deux personnes", regrette M. Adeniran. "Nous prions pour que Buhari revienne au plus vite reprendre son poste. Mais si sa santé ne le lui permet pas, il ne pourra pas conduire des politiques efficaces."

Questions sensible

L'ancien ministre de la Santé Alphonsus Nwosu, qui appartient désormais à l'opposition, suggère que l'APC devrait déterminer en concertation si "le président est assez solide pour continuer à diriger le pays ou pas".

"Le piège est que Osinbajo ne peut pas prendre de décisions importantes sans en référer à son supérieur, ce qui peut freiner la gouvernance", dénonce l'opposant.

La question de la santé du chef de l'Etat est sensible au Nigeria depuis qu'en 2010 le président Umaru Yar'Adua est décédé de problèmes rénaux, longtemps cachés au grand public.

Son hospitalisation à l'étranger avait déclenché des mois d'incertitude politique, mais à la différence de Muhammadu Buhari, il n'avait pas désigné son adjoint pour assurer la vacance du pouvoir.

C'est après l'annonce de sa mort que le Sénat avait finalement porté au pouvoir le deuxième personnage de l'Etat, le vice-président Goodluck Jonathan, pour le reste de son mandat. Goodluck Jonathan avait ensuite remporté la présidentielle de 2011.

G.D. avec AFP