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L'étrange université évangélique qui forme les élites à Pyongyang

L'Université des Sciences et de la Technologie à Pyongyang.

La scène est pour le moins insolite. Traversant la cour en ordre serré et au pas cadencé, une «troupe» d'étudiants portant complet noir, chemise blanche, cravate rouge et attaché-case se rend au réfectoire en chantant à l'unisson l'hymne au président: «Notre commandant suprême Kim Jong-un, nous le défendrons avec nos vies!» Ainsi commence la journée à la très discrète Université des Sciences et de la Technologie de Pyongyang (PUST), étonnante institution privée où des dizaines d'évangéliques des Etats-Unis, d'Europe et de Corée du Sud forment les futures élites nord-coréennes.

C'est précisément dans cette université que travaillait Kim Hak Song, citoyen étasunien arrêté samedi pour «actes hostiles et criminels». Il s'apprêtait à quitter le pays après avoir collaboré quelques semaines à la ferme expérimentale du département agricole de la PUST. Quinze jours plus tôt, un compatriote avait déjà été placé en détention: Kim Sang-duk, alias Tony Kim, professeur de comptabilité à la PUST. Ils s'ajoutent à deux autres Etasuniens emprisonnés en Corée du Nord, augmentant la pression sur Washington alors même que les tensions nucléaires entre les deux ennemis atteignent déjà des niveaux alarmants.

Espoirs d'ouverture

Des arrestations sans rapport avec l'université, a assuré lundi un communiqué de la direction. Officiellement, il n'y a donc pas lieu de bouleverser le quotidien de cette académie privée créée en 2010 par James Chin-kyung Kim, un chrétien évangélique de 80 ans, né en Corée mais installé aux Etats-Unis depuis les années 1970 et porteur aussi d'un passeport chinois. Avec le soutien financier de diverses œuvres d'entraide évangéliques aux Etats-Unis, en Europe et en Corée du Sud, cet établissement unique en son genre donne des cours d'anglais, de sciences et de technologie à quelque 500 étudiants triés sur le volet par le régime nord-coréen. C'est-à-dire, en l'occurrence, les enfants des élites au pouvoir.

Pour les dizaines de professeurs, qu'ils soient bénévoles ou sponsorisés par des œuvres de charité, leur mandat est aussi humanitaire qu'académique: il s'agit d'offrir une ouverture vers le monde aux futures élites de ce pays hermétique. Mais aussi, sauver des vies en fournissant au régime les connaissances techniques pour booster la production agricole, dans un pays qui ne s'est jamais remis de la famine des années 1990. L'an dernier, relève l'agence Reuters, les Nord-Coréens n'ont reçu qu'une ration quotidienne de 360 grammes entre avril et juin.

Appui à un régime répressif

Cela dit, la PUST fait l'objet de bien des critiques aux Etats-Unis. Des ONG l'accusent de former les futures élites du régime le plus répressif de la planète, sans obtenir grand-chose en retour. Les profs ont interdiction de parler de religion et de politique, l'internet est censuré, les e-mails sont interdits, ainsi que les réseaux sociaux et les sites d'information. L'université est un internat gardé par l'armée et fermé aux visiteurs. On ne le connaît que par un reportage de la BBC réalisé sous surveillance en 2014 et par le livre-témoignage de la romancière Suki Kim, qui y a enseigné en 2011. Enfin, l'académie a beau assurer qu'elle ne verse pas un centime au régime, elle ne convainc pas tout le monde. Pyongyang n'autorise rien pour rien.