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Climat

La hausse rapide du méthane alarme les climatologues

Alors que la conférence sur le climat s’est ouverte à Bonn lundi 8 mai, les scientifiques s’alarment : le taux de méthane, le deuxième gaz à effet de serre après le CO2, augmente à toute vitesse dans l’atmosphère.

La quantité de méthane dans l’atmosphère augmente de façon extrêmement rapide. Bien plus que prévu par les scientifiques. Un article publié en avril dans le journal Atmospheric Chemistry and Physics par un comité de 72 chercheurs fait état de cette augmentation inquiétante et de ses causes. Cette publication fait suite à deux articles publiés coup sur coup en décembre 2016 par la même équipe : l’un dressait l’inventaire mondial du méthane sur la période 2000-2012 tandis que le deuxième s’inquiétait du rôle croissant du méthane dans le changement climatique.

Après une stagnation entre 2000 et 2007, la concentration atmosphérique de ce gaz a crû chaque année de 5 partie par milliard (ppb/an). Les dernières données issues du réseau de référence de l’Agence américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA) indiquent que ce chiffre est passé à 12.7 ppb/an en 2014 pour redescendre jusqu’à 9.45 ppb/an en 2016.

« Au cours des années 2014 et 2015, la concentration de méthane (CH4) a augmenté à une vitesse inégalée depuis les années 1980, explique Marielle Saunois, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et coordinatrice de l’inventaire mondial du méthane. La concentration de méthane dans l’atmosphère est actuellement plus de 2,5 fois plus importante qu’en 1750, avec 1.842 ppb (parties par milliards) en 2016. »

Evolution de concentration de méthane dans l’atmosphère, comparée aux scénarios de réchauffement.

Des chiffres inquiétants : ils signifient que nous suivons le pire scénario du Giec (Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) qui prévoit une augmentation de 3,3°C à 5,5°C d’ici 2100. En effet, le méthane est le deuxième gaz à effet de serre en importance après le dioxyde de carbone (CO2), mais il est 28 fois plus réchauffant que ce dernier sur une période de 100 ans. Alors que la Cop23 aura lieu du 8 au 18 mai 2017 à Bonn, en Allemagne, les négociations oublient quasiment de prendre en compte ce gaz.

Il est vrai que l’une des grandes problématiques du méthane est qu’il n’est pas aisé de mesurer précisément ses émissions. Ni même de savoir d’où elles proviennent. Il existe en effet de nombreuses sources de ce gaz, et de nombreux puits de stockage. La première cause de sa production est la dégradation de la matière organique dans un milieu sans oxygène, un phénomène naturel. « Le méthane provient en partie de processus microbiens, diffus et donc difficiles à estimer », dit Marielle Saunois.

D’après les études du Global Carbon Project qui a publié le dernier inventaire mondial du méthane, 34 % de ses émissions proviendrait de l’agriculture et de la gestion des déchets, tandis que 36 % sont naturelles, dues en majorité aux zones humides puis aux lacs, océans et permafrost.

« L’autre source de méthane est lié à des fuites lors du dégazage naturel des sols et lors de l’usage de combustibles fossiles », poursuit la chercheuse. Rien que l’exploitation de combustibles fossiles comme par exemple le gaz de schiste causerait 19 % des émissions. Les données recueillies sur la période entre 2002 et 2012 montrent une augmentation continue des sources anthropogéniques. Et entre 2008 et 2012, les émissions proviendraient en majorité des tropiques et en particulier d’Amérique du Sud et de l’Asie du Sud et de l’Est.

Le « budget » planétaire du méthane.

Alors quelle est la cause de la brusque et récente croissance des émissions de méthane ? Les scientifiques ne le savent pas encore. L’année la plus forte, 2007, a été marquée par un pic d’émission provenant d’Arctique. Ce phénomène marginal serait dû à des températures anormalement élevées. Pour la période qui a suivi, plusieurs hypothèses se développent. La plus importante, qui considère les nombreux scenarii déjà élaborés par d’autres scientifiques, suggère que ces émissions proviennent en majorité de l’agriculture et des déchets. L’équipe de Marielle Saunois estime dans l’article publié en avril que l’agriculture et les déchets contribuent ensemble à émettre 16 Teragrammes (soit 16 milliard de kg) par an, tandis que les émissions liées aux combustibles fossiles atteindraient environ 7 Tg/an.

Il est certain qu’une politique ciblant l’agriculture et la gestion des déchets aurait des conséquences positives. « Des actions auraient un effet rapide car le méthane ne reste pas longtemps dans l’atmosphère, dit Marielle Saunois, il a une durée de demi-vie de 10 ans environ » , c’est-à-dire que la moitié de sa quantité disparait en dix ans, beaucoup plus rapidement que ce n’est le cas pour le dioxyde de carbone.

Pour réduire les émissions de méthane, une part de la solution est de réduire la taille des élevages et de les nourrir à l’herbe.

Selon le rapport du 3e groupe de travail du Giec en 2014, l’agriculture et la foresterie représentent la première source d’émissions de gaz à effet de serre avec environ 24 % de l’ensemble. Derrière les nombreux articles sur les pets des vaches, aucune remise en cause ou modification de notre système agricole n’a vu le jour. Plusieurs propositions ont pourtant été étudiées par des associations ou par le Giec dans ses mesures d’atténuation. Ainsi l’institut Solagro a imaginé un scénario écologique d’utilisation des terres : Afterres 2050. Ce document préconise de réduire la taille des élevages, de favoriser le pâturage en plein air, et de nourrir les animaux à l’herbe. Cela réduirait en effet le temps de pré-digestion dans l’estomac des ruminants, et ainsi la fermentation qui produit des gaz comme le méthane. Pour la gestion des déchets, la méthanisation à petite échelle permettrait de récupérer et de transformer le méthane. Reste à voir si ces solutions seront mises en œuvre.

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