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Libye / Migrants

Les garde-côtes libyens interceptent des migrants secourus par une ONG

L'équipage du navire de secours au migrants de l'ONG Sea Watch a vécu un moment de frayeur mercredi 10 mai au matin au large de la Libye. Alors qu'il venait d'aborder une embarcation de migrants en détresse dans les eaux internationales, les garde-côtes libyens se sont interposés et ont ramené de force les migrants à terre.

Des migrants à proximité des côtes libyennes, le 29 septembre 2015.
Des migrants à proximité des côtes libyennes, le 29 septembre 2015. REUTERS/Ismail Zitouny
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L'incident s'est déroulé mercredi matin, à 8h03 exactement. Sur la vidéo de bord du SeaWatch, on voit la proue du navire de face à une mer vide. Soudain une vedette rapide des garde-côtes libyens apparaît à babord, en travers, les moteurs poussés à fond. La vedette coupe alors la route du SeaWatch, à quelques mètres à peine – une manœuvre dangereuse et formellement interdite par le droit maritime.

Cet incident a eu lieu alors qu'un zodiac du SeaWatch s'était déjà porté au secours d'un bateau en bois qui prenait l'eau, bondé, avec 493 personnes à bord. Certes, le SeaWatch avait reçu l'ordre du centre de coordination des secours en mer à Rome de laisser le commandement de l'opération aux Libyens à leur arrivée. « Nous avons reçu un mail disant que les garde-côtes libyens allaient prendre le commandement de l'opération. Nous avons trouvé ce message assez étrange car cela n'était jamais arrivé jusqu'à présent. Mais nous n'aurions eu aucun problème avec ça si le reste de l'opération s'était déroulé correctement », raconte Ruben Neugebauer, porte-parole du bateau.

L'équipage suspend alors les opérations et essaient de contacter les garde-côtes libyens. « Les garde-côtes libyens n'ont donné aucune instruction. Ils sont simplement arrivés sur place en allant très très vite avec leur bateau de patrouille rapide. Ils ont quasiment heurté notre bateau. C'était vraiment dangereux, et pour nous et pour eux. Et en fait, je crois qu'ils on voulu faire une démonstration de force », analyse Ruben Neugebauer.

Les gardes-côtes sont donc intervenus d'autorité, sans communiquer avec SeaWatch. Tous les migrants ont été ramenés en Libye, où ils vont être placés dans des centres de rétention. Des centres de sinistre réputation.

Côté libyen, le discours est tout autre. Un porte-parole affirme que le navire de l'ONG a « tenté d'empêcher le travail des gardes-côtes en voulant récupérer les migrants sous prétexte que la Libye n'est pas sûre ».

Ils essayent d'utiliser les garde-côtes libyens pour les interceptions, ce qui est illégal. L'Union européenne ne veut pas se salir les mains et elle sait très bien qu'un navire européen a l'interdiction de refouler les migrants vers la Libye, vu que la Libye ne peut pas être considérée comme un «refuge sûr». Le droit international est très clair à ce sujet : les personnes en détresse en mer doivent être conduites en lieu sûr. Alors aujourd'hui, ils essayent une nouvelle astuce : en équipant les gardes-côtes libyens, en les formant, ils veulent les utiliser pour refouler les gens. Cette politique aggrave la situation, non seulement en mer, mais aussi à terre, en Libye. Par ailleurs, jusqu'à cet incident, nous n'avions jamais connu de situation où les Libyens avaient obtenu le commandement d'une opération en mer. A priori, cela ne nous aurait pas posé de problème, si les opérations de secours avaient été conduites de manière régulière.

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Ruben Neugebauer, porte-parole de SeaWatch

Léonard Vincent


■ Les garde-côtes libyens avaient-ils le droit d'intervenir ?

Du point de vue du droit, cet incident se situe dans une zone grise : d'importantes dispositions du droit maritime et du droit humanitaire ont été violées. Mais légalement, les garde-côtes libyens avaient le droit d'intervenir.

L'incident de jeudi a eu lieu à 20 milles des côtes, dans ce qu'on appelle la « zone contiguë ». En mer, elle se situe entre les eaux territoriales et la Zone économique exclusive, qui se trouve avant les eaux internationales à proprement parler. Les garde-côtes pouvaient donc intervenir dans un cadre précis : il fallait que l'embarcation en détresse soit identifiée comme venant du territoire libyen, et que par exemple des passeurs se trouvent à bord.

Cela dit, le Centre de coordination des secours en mer en Italie leur avait confié le commandement de l'opération, leur donnant donc le droit de donner des ordres au navire de l'ONG.

En revanche, ce qui leur était interdit, c'est la manœuvre effectuée une fois sur les lieux : ils ont mis la vie des passagers du SeaWatch et des migrants en danger.

Plus grave : ramener les migrants en Libye constitue une violation du principe de « non-refoulement » de la Convention de Genève, qui interdit le refoulement de demandeurs d'asile potentiels. Enfin, les personnes en détresse en mer doivent être conduites dans un « port sûr », ce qui n'est pas le cas de la Libye.

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