Etats-Unis : Trump avait demandé à l'ex-patron du FBI s'il était visé par une enquête

La polémique est toujours très vive après le renvoi de James Comey par Donald Trump. Celui-ci se retrouve sur la défensive.

Le président américain Donald Trump, le 10 mai 2017 à la Maison-Blanche, à Washington
Le président américain Donald Trump, le 10 mai 2017 à la Maison-Blanche, à Washington (AFP/JIM WATSON)

    «Je lui ai demandé». Le président américain Donald Trump a admis jeudi qu'il avait demandé trois fois au désormais ex-directeur du FBI James Comey s'il était visé par une enquête, une intervention pouvant être interprétée comme une tentative d'interférence ou d'intimidation.

    Lors d'une interview sur NBC, le président a rapporté deux conversations téléphoniques. «J'ai dit "Si c'est possible, pouvez-vous me dire s'il y a une enquête sur moi ?" Il a dit qu'il n'y avait pas d'enquête sur moi», a-t-il expliqué, en référence aux investigations en cours sur des liens entre des proches du président américain et la Russie durant la campagne électorale de 2016.


    «Il voulait rester le chef du FBI et j'ai dit que j'y réfléchirai», a raconté M. Trump. «Et ce jour-là il m'a dit que je n'étais pas visé par une enquête, ce que je savais déjà de toute façon». Du point de vue juridique, ces propos peuvent s'apparenter à des pressions du président sur le patron du FBI.


    Poser cette question «pourrait s'apparenter à une tentative de corruption (...) ou tout au moins d'une obstruction de la justice dans laquelle Comey aurait été idiot de tomber en offrant l'assurance» que Donald Trump n'était pas visé par l'enquête, explique la juriste Laurence Tribe.

    Une demande de «loyauté» refusée par Comey ?

    Selon le «New York Times», le président américain aurait par ailleurs demandé à James Comey une promesse de loyauté, lors d'un dîner organisé une semaine après son entrée à la Maison Blanche. D'après le journal, qui cite deux associés de M. Comey, ce dernier aurait refusé de donner un tel engagement, mais aurait assuré Trump de son «honnêteté». Le quotidien new-yorkais n'était pas en mesure de dire si ce dîner était le même que celui évoqué par le président sur NBC.

    La porte-parole de la présidence Sarah Huckabee Sanders, citée par le journal, aurait toutefois réfuté cette version.

    Interférence russe

    Le FBI enquête depuis l'été dernier sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle américaine de 2016, et sur une éventuelle coordination entre des membres de l'équipe de campagne Trump et la Russie. Ces contacts de président à directeur du FBI ont étonné le sénateur républicain Lindsey Graham, qui a promis de «poser la question».

    La Maison Blanche peinait cependant à établir avec clarté la séquence ayant conduit à l'éviction, rarissime, du chef du FBI, a fortiori alors qu'il supervisait de près une enquête très sensible sur le plan de la sécurité nationale.


    Dans le même entretien à NBC, Donald Trump affirme que si la Russie avait interféré avec l'élection, ce serait «horrible». «Il n'y a pas de collusion entre moi, ma campagne et les Russes», a-t-il martelé.


    Donald Trump a également expliqué qu'il avait de toute façon l'intention de limoger M. Comey, prenant ses distances avec la version de la Maison Blanche selon laquelle il n'avait agi qu'après la recommandation du ministère de la Justice, mardi.
    «J'allais le limoger quelles que soient les recommandations», a-t-il affirmé. «C'est un hâbleur, un fanfaron».


    Ces commentaires désobligeants n'étaient pas du goût des élus du Congrès, y compris républicains. «Il avait le droit absolu de licencier le directeur du FBI pour n'importe quelle raison», a dit Lindsey Graham. «Le problème, ce sont les raisons incohérentes qui ont été données».

    Hommage appuyé

    Plus tôt jeudi, le directeur par intérim du FBI a cherché à rassurer un Congrès secoué par ces événements sur l'indépendance de l'enquête. «Le travail des hommes et des femmes du FBI continue quels que soient les changements de circonstances, quelles que soient les décisions», a déclaré Andrew McCabe, ex-numéro deux de la police fédérale, lors d'une audition au Sénat.
    «Il n'y a eu aucune tentative d'entraver notre enquête à ce jour», a-t-il ajouté.


    Se posant en garant de l'intégrité de l'enquête, M. McCabe s'est engagé à ne pas informer le président Trump ou la Maison Blanche sur son avancée. Et il a promis de prévenir le Congrès en cas de tentative du pouvoir d'intervenir dans l'enquête, qu'il a qualifiée de «hautement importante» alors que la Maison Blanche tente d'en minimiser l'importance.


    Au risque d'agacer le président, M. McCabe a enfin rendu un hommage appuyé à M. Comey. «Je peux aussi vous dire que le directeur Comey était largement soutenu au sein du FBI, et le reste encore aujourd'hui», a-t-il dit dans une cinglante réponse à la Maison Blanche, qui affirme depuis mardi que M. Comey avait perdu la confiance de ses agents.


    Cette audition était la première apparition en public d'Andrew McCabe, qui a pris temporairement les rênes du FBI en attendant la nomination et la confirmation d'un nouveau directeur. L'opposition démocrate continue cependant de réclamer la nomination d'un procureur spécial pour superviser l'enquête, mais aucun élu républicain ne soutient cette demande, qui a peu de chance d'aboutir sans pression de la part de la majorité.