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TribuneAgriculture

Le « château d’eau » du Finistère menacé par l’épandage d’une ferme-usine

Dans le Finistère, le massif des monts d’Arrée est un site remarquable classé Natura 2000 et fournissant en eau une partie du département. Or, explique l’auteure de cette tribune, une ferme-usine de volailles veut y épandre ses déjections. Les opposants se rassembleront dimanche 14 mai.

Renée Labrière habite à La Feuillée (Finistère) et fait partie du collectif Préservons les monts d’Arrée.


La Feuillée est une petite commune des monts d’Arrée, ancien massif granitique et schisteux situé dans le centre Finistère, site inscrit Natura 2000 et appartenant au Parc naturel régional d’Armorique. Le paysage de ces montagnes qui « culminent » à 385 mètres est magnifique avec ses landes et ses étranges sommets en forme de dômes ou d’arêtes qui s’élancent vers le ciel. Le sol acide couvert de bruyères, d’ajoncs, de genêts et de droséras (plantes carnivores) possède aussi de nombreuses tourbières et constitue l’habitat de plusieurs espèces endémiques. C’est dire si la biodiversité est présente sur cet espace !

Près de 300 km de chemins de randonnées traversent les monts d’Arrée.

Hélas, ce bel environnement est fortement menacé, car la Bretagne, qui concentre une grande partie de l’industrie agricole française tant en porcs qu’en volailles, n’a pas encore tiré les leçons de ses erreurs. Et contre toute attente, les autorités de cette région continuent à accorder des autorisations d’extension d’exploitations agricoles et, par conséquent, des autorisations d’épandage des déjections des animaux. Les terres épandables se faisant de plus en plus rares, les industriels de l’agriculture (on ne parle plus d’agriculteurs !) doivent aller de plus en plus loin de leur exploitation pour trouver d’autres endroits à polluer.

C’est ainsi que sont arrivées dans plusieurs mairies des monts d’Arrée, pour enquête publique, des demandes d’épandage pour le compte d’une ferme-usine passant de 65.000 à 250.000 poulets (destinés à l’exportation au Moyen-Orient). Cette exploitation est située sur la commune du Tréhou, à environ 30 kilomètres des surfaces destinées à l’épandage… Dans le dossier présenté, il est fait mention de la possibilité de création, à terme, d’un deuxième poulailler !

Ces montagnes sont le « château d’eau » du Finistère 

A la clôture de l’enquête publique, le 13 avril dernier, une délégation d’habitants des monts d’Arrée et de représentants d’associations s’est rendue au Tréhou, afin de remettre à M. Gazin, commissaire-enquêteur, l’ensemble des courriers et des pétitions sur papier. Nous lui avons fait part, de vive voix, de nos inquiétudes auxquelles il a répondu que le dossier incriminé « respectait les règlements ». Bien sûr, cette réponse ne préjuge en rien de la décision définitive qu’il rendra d’ici la fin mai, mais elle n’a rien de rassurant. De plus, il nous a également précisé que c’était le préfet qui prenait la décision ultime, et qu’il n’était pas obligé de suivre les recommandations des commissaires-enquêteurs !

Parallèlement, le conseil municipal de La Feuillée a donné le 27 avril 2017 un avis défavorable (onze voix contre et trois voix pour) à la demande d’extension de l’élevage avicole de l’EARL du Menven, sur la commune du Tréhou.

Bien sûr, on entend toujours des phrases du style « Il faut bien que tout le monde vive ! », « On a toujours fait comme cela ! », « Les dossiers d’enquête sont réalisés par des professionnels, on peut leur faire confiance ! ». A ces arguments avancés par les partisans de l’agriculture intensive, je réponds NON et NON, à la fois pour préserver l’environnement local et pour protéger la Bretagne tout entière.

L’eau est omniprésente sur les flans des monts d’Arrée, où il est pratiquement impossible de dénombrer les sources.

Le tourisme vert et durable est très développé dans notre région. De nombreux sentiers sillonnent le territoire et permettent aux amateurs de randonnées pédestres, équestres ou de cyclotourisme de profiter de cette nature sauvage et de sa beauté magique. Les nuisances olfactives générées par les déjections et le défoncement des chemins non adaptés à la taille des engins agricoles assurant le transport des déjections auront un impact négatif considérable sur ce tourisme pour lequel s’investissent tant les collectivités que les particuliers.

Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Déjà, les entreprises feuillantines dépendant directement de la bonne qualité de l’eau (Nomad Yo, fabrique de spécialités végétales fermentées bio, la brasserie An Alarch, Terre feuillantine, ferme de culture de plantes médicinales et aromatiques), les apiculteurs professionnels et amateurs qui profitent de la pureté relative de l’endroit ou les propriétaires de chevaux s’inquiètent des conséquences que des épandages contenant bactéries et antibiotiques (largement utilisés pour prévenir et combattre les maladies liées aux conditions d’élevage intensif) auront sur l’écosystème.

De plus, ces montagnes sont le « château d’eau » du Finistère. En effet, du fait de leur situation géographique et de leur altitude, elles sont en tête des bassins versants qui, de ruisseaux en rivières, alimentent en eau de consommation les grandes villes du département. Cette eau termine sa course dans la Manche ou l’océan Atlantique.

De par la topographie des lieux, tous les épandages dans les monts d’Arrée seront systématiquement situés près de zones humides et, dans le cas de La Feuillée, contiguës au périmètre de captage des eaux !

Revenir à un modèle agricole fondé sur la qualité et non sur la quantité 

Depuis des dizaines d’années, les commissaires-enquêteurs, les chambres d’agriculture, les préfets des départements bretons affirment que toutes les demandes d’épandage sont « réglementaires ». Tout est étudié, calculé, mesuré. Pas de problème ! Tout est sous contrôle !

Alors, expliquez-moi pourquoi il y a autant de nitrates dans les analyses des eaux destinées à la consommation ? Pourquoi la Bretagne est-elle la première région française sur le plan de la consommation d’eau en bouteille ? Pourquoi la principale station de pompage des eaux provenant des monts d’Arrée doit-elle s’arrêter quand il y a trop de pollution (cyanobactéries, ammoniaque) ?

Des droséras sur le point de s’ouvrir.

Nul n’ignore que les côtes bretonnes sont envahies par ces marées vertes qui souillent les plages, portent préjudice à la pêche littorale et s’avèrent mortelles lors de leur décomposition. De nombreux scientifiques et chercheurs démontrent, preuves à l’appui, que ces pollutions proviennent d’apports excessifs en azote, issus principalement de l’agriculture. Pourquoi ne sont-ils pas écoutés ?

Il est urgent que les pouvoirs politiques s’emploient à rapprocher agriculteurs et non-agriculteurs afin que tous ensemble, en tant que citoyens responsables, nous puissions revenir à un modèle agricole fondé sur la qualité et non sur la quantité, sur la recherche de la santé de la terre, de ceux qui la travaillent et de l’ensemble de ses habitants.


TITION ET RANDONNÉE MILITANTE

Plus de 2.600 citoyens, mobilisés contre ces pratiques agricoles insensées, ont déjà signé la pétition en ligne. Le collectif Préservons les monts d’Arrée organise une randonnée militante le dimanche 14 mai.

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