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Billet de blog 12 mai 2017

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Législatives: Mélenchon à Marseille, putain con!

Les choses ne sont donc peut-être pas si simples, si claires et si écrites d'avance qu'on a pu le faire croire à Jean-Luc Mélenchon, qui probablement ne connaît pas tout (et même probablement pas grand-chose !) de la vraie vie politique de Marseille!

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 Je ne sais assurément pas quelle sera l'issue de la "visite de courtoisie"que Jean-Luc Mélenchon, avant d'inscrire officiellement sa candidature dans la quatrième circonscription de Marseille, a jugé bon de rendre hier au maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, sans doute honoré par cette demande d'entrevue émanant d'un politique français d'un pareil "acabiTe" (il n'y a pas là de faute de frappe ; c'est en effet ainsi que le maire de Marseille prononce joliment ce terme). Puisque nous en sommes, pour un instant seulement rassurez-vous, aux aspects singuliers du français méridional et pour éclairer ce titre sybillin,  rappelons d'un mot que dans cette variété régionale de notre langue, de Marseille à Toulouse, "putain" est la virgule, "con" le point et "putain con" le point virgule à connotation exclamative ! 

Instruit par sa cuisante expérience dans le Pas-de-Calais en 2012 et par sa lourde défaite face à Marine Le Pen, suite à un parachutage irréfléchi et calamiteux, Jean-Luc Mélenchon, revenant sur sa promesse initiale de ne pas être candidat aux législatives pour se mettre en réserve de la République, a finalement , choisi une circonscription apparemment sans risque, à Marseille , celle du socialiste Patrick Mennucci, où le pape des Insoumis  avait obtenu l'un de ses meilleurs scores à la présidentielle. Il était en effet arrivé en tête à Marseille avec 90.847 voix et près de 25 % des suffrages exprimés. De quoi rêcer ! À vrai dire, et semble-t-il, car je ne suis nullement dans le secret des dieux, fussent-ils marseillais, ce choix a été depuis ce vote soigneusement médité et on a évité d'affronter le "frontiste national" local, Stéphane Ravier, qui, dans la crainte de devoir affronter Jean-Luc Mélenchon lui-même, avait renoncé à se porter candidat ; il vient soudain de changer d'avis, en apprenant sans doute que le leader de la France Insoumise avait choisi la quatrième circonscription et non la sienne, comme il le craignait! On ne peut toutefois que regretter que le championnat de France de football touche à sa fin, car cette circonstance empêchera notre futur candidat de se montrer au stade Vélodrome pour y applaudir l'OM sous les couleurs de ses supporters, car ses ennemis ("Parigot! Tête de veau!") ne manqueront pas de le décrire comme un supporter du PSG !

Il faut dire que la décision était délicate ;  non seulement, on pouvait hésiter entre Lille Toulouse et Marseille, où les scores de la France Insoumise avaient été très bons, mais, à Marseille même, le choix de la circonscription méritait réflexion et les avis étaient partagés. Beaucoup plaidaient pour la 4e circonscription et ses 39,09 % de voix insoumises, loin devant Emmanuel Macron (21,81 %) et Marine Le Pen (moins de 15 % !). Cette 4ème circonscription réunit l’hypercentre populaire de Marseille (Belsunce et Cie), soit trois arrondissements parmi les plus pauvres de France, et quelques zones plus aisées des 5e et 6e arrondissements. Elle englobe le Vieux-Port où M. Mélenchon a triomphé lors de son meeting présidentiel, le 9 avril, en marchant sur les eaux. « C’est le centre-ville, symboliquement fort, avec une population très mélangée, en difficulté sociale. J’ai poussé à fond pour que Jean-Luc vienne ici », assure l’écologiste Sophie Camard, l’ex-chef de file EELV-Front de gauche aux régionales 2015, qui, désormais sans parti, sera sa suppléante.

A Marseille, l’annonce a bien entendu soulevé l’enthousiasme des "Insoumis". Dans la 4e circonscription, ils ont acclamé ce choix en assemblée générale et adopté une motion saluant une venue « porteuse d’espoir et en cohérence avec le programme de “L’avenir en commun” », dans une ville marquée « par la corruption des élus », « la situation indigne des écoles », « la précarité des travailleurs pauvres ». Un tel constat n’empêchera pas toutefois , on l'a vu, M. Mélenchon de rendre visite « par courtoisie », au maire (Les Républicains) Jean-Claude Gaudin et à la maire de secteur (PRG) Lisette Narducci, élue au département en binôme avec l’ex-patron du PS local, Jean-Noël Guérini, elle-même ennemie personnelle jurée de Patrick Mennucci. À Marseille, plus qu'ailleurs "qui se ressemble s'assemble" et "les ennemis de mes ennemis sont mes amis"! 

Les choses ne sont donc peut-être pas si simples, si claires et si écrites d'avance qu'on a pu le faire croire à Jean-Luc Mélenchon, qui probablement ne connaît pas tout (et même probablement pas grand-chose !) de la vraie vie politique de Marseille!

Patrick Mennucci, député sortant,  (PS-EELV), d'abord un peu ébahi d'un tel choix, a immédiatement joué la carte du chauvinisme local et de l'anti-parisianisme, dénonçant ce « parachutage » et qualifiant son adversaire de « nomade électoral » et de « député plateau télé ». « Quelle est la logique politique de venir dans la circonscription d’un député de gauche qui a fait son boulot, a été d’une loyauté absolue à son candidat, a défendu l’amnistie sociale des syndicalistes ?" a-t-il déclaré à l'envi!

Même s’il a perdu, en 2014, la bataille municipale et sa mairie de secteur, P. Mennuci garde de solides  et efficaces réseaux  locaux ! Né à Marseille, il y a fait toute sa longue et tortueuse carrière politique, sous diverses bannières et avec des amitiés multiples. Candidat à la mairie de Marseille en vue des élections municipales de 2014, il a publié en septembre 2013,  un livre programme Nous les Marseillais dans lequel il s'attaque au système « mafieux » qu'il connaît mieux que personne, et qui, selon lui,  a été mis en place par Jean-Noël Guérini, dont il a lui-même mené la campagne municipale en 2008 ! Un expert je vous dis !

Avec un tel adversaire et dans le contexte marseillais, les choses ne seront ni simples ni faciles pour J.L. Mélenchon et cela d'autant que les deux hommes se connaissent bien ! Furieux, Patrick Menucci fait état de son regret et de sa stupeur que  Mélenchon ait choisi "la seule circonscription de l'arc méditerranéen où le Front national n'a aucune chance d'être au second tour (14,3 % au premier tour de la présidentielle), où la droite ne peut l'emporter (10,8 % au premier tour de la présidentielle)". Il montre ainsi, selon lui, que "son seul combat [ de Mélenchon ], le sens de son engagement politique est le combat gauche contre gauche".Il ajoute :"Je n'attaquerai jamais l'homme, mais je compte bien démasquer le vrai visage de son projet", qui, aux yeux de l'auteur de ces propos, ne diffère en rien de celui de Macron !

Le dessous des cartes ne peut-être ignoré et la partie de cartes qui se dféroule n'est en rien celle de Pagnol, y compris dans ses aspects judiciaires ! Lisons donc  La Provence ! À peine Patrick Menucci est-il élu, en juin 2012, député (PS) de la circonscription en cause qu'un recours est formé par Omar Djellil, l'un des "petits" candidats - sans étiquette, au parcours politique plus que sinueux - compilant nombre d'irrégularités supposées, dont des achats de votes, parfois à grands renforts de billets de 20 et 50 euros en pleine rue.

  1. Mennucci contre-attaque alors en déposant plainte. Si le Conseil constitutionnel  écarte la tentative d'annulation de l'élection, la brigade criminelle de la sûreté départementale estime que nombre d'attestations versées au dossier sont frauduleuses. Parmi ces faux témoignages, recueillis principalement dans les quartiers de la Belle-de-Mai et de Félix-Pyat, l'un aurait été rédigé dans un tramway, plusieurs autres dans la mairie même des 2 et 3e arrondissements, celle de Lisette Narducci (cf. ci-dessus), que l'on a dit manipulée par Jean-Noël Guérini pour barrer la route à... Patrick Mennucci lors de ces législatives (cf ci -dessus pour ces affaires très "marseillaises"). 

Tout cela dure de puis des années, notre justice allant comme toujours à pas comptés !

"Pour l'heure, trois hommes sont mis en examen pour "établissement d'une attestation faisant état d'un fait inexact", dont Farid Soilihi, lui aussi autre "petit" candidat de cette élection, et dont plusieurs "faux témoins" affirment qu'il prétendait recueillir ces attestations pour Lisette Narducci ; la justice n'a pas encore ciblé de commanditaire. Omar Djellil, à l'origine du recours, et qui a reçu sur un plateau une seconde fournée d'attestations, assure être "le dindon de la farce!

La Provence, en la circonstance, est la source majeure pour cet imbroglio politico-judiciaire incompréhensible pour un non -marseillais et qui s'inscrit dans la crise du PS local, naguère l'une des premières "Fédé" de France ! À lire sur ce point Romain Capdepon, Prix 2016 de la Fondation Varenne (Fondation pour la Promotion et Valorisation des métiers du Journalisme).

"Bien sûr, je voulais la mort politique de Mennucci mais pas à ce prix-là, avec de telles magouilles", jure l'un des protagonistes, assurant avoir voulu retirer ce recours alors qu'il nourrissait des doutes quant à l'honnêteté des témoignages. Dans une lettre au vitriol adressée au Procureur en mai 2014, et que La Provence a pu consulter en exclusivité, l'homme affirmait même qu'"informée de mon désir de ne plus saisir les Sages, madame Narducci me fit convoquer en urgence dans son bureau et me supplia de ne pas mettre un terme à la procédure (...). Elle me jurait que ces attestations étaient authentiques". 

"C'est pour tenter de se forger enfin une opinion que la juge d'instruction Cathy Escola a organisé le 28 janvier dernier une confrontation entre Omar Djellil, Lisette Narducci, Michelle Azoulay, tous trois sous le statut de témoin pour l'heure, ainsi qu'Abdourazak Bakari, l'un des faux témoins mis en examen, et Farid Soilihi, mis en examen lui aussi... lequel ne s'est pas présenté. "Normal, on lui a, à coup sûr, demandé de ne pas venir parce que sinon, il aurait tout avoué concernant Mesdames Azoulay et Narducci : que la première était à la manoeuvre et que la seconde est coupable d'avoir su mais de n'avoir rien dénoncé", peste Djellil...

[...]

Alors que la juge n'a pas décidé de mettre en examen Omar Djellil, Lisette Narducci et Michelle Azoulay, le Parquet a trois mois pour faire connaître sa position..."

Vous suivez ? Moi non, mais c'est tout Marseille et Jean-Luc Mélenchon ferait bien d'y songer ...lui !

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