Italie : Rome croule sous les ordures

Italie : Rome croule sous les ordures
Les déchets ménagers envahissent la ville. (MARCELLE PADOVANI)

La Ville éternelle croule sous les déchets. Dimanche, Matteo Renzi organise une opération de nettoyage qui vise autant à dégager les rues encombrées d'ordures qu’à pointer l’inertie et l’incapacité manifeste de Virginia Raggi, élue maire 5 étoiles depuis juin 2016, à gérer la cité.

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Rome n'aura jamais été aussi sale. Papiers gras, vieux journaux, canettes de bière, cartons crottés, poubelles débordantes et, surtout, sacs en plastique malodorants (la chaleur aidant,  23 à 25° à la mi-journée)... tous ces déchets se décomposent, attirant les mouches et les rats (dont on estime le nombre à 3 par habitant, soit 9 millions de rongeurs en tout). Et n'oublions pas les matelas, l'électroménager, les vieilles chaussures, les vieux vêtements, les chiffons souillés...

Et tout cela s'accumule, à des degrés divers, du Colisée au Trastevere, de la via Salaria à la piazza San Giovanni. Donc, dans les lieux les plus fréquentés, et les plus évocateurs de la Ville éternelle, capitale de la chrétienté. "Quelle capitale ? Une ville du tiers-monde", ironise le marchand de journaux de la via San Francesco à Ripa au Trastevere qui, pour ouvrir son kiosque chaque matin à 5 heures, doit dégager, à coups de pied, un amoncellement d'emballages et de déchets divers.

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Pire que dans les années d'après-guerre

Même dans l'après-guerre, lorsque des quartiers entiers n'étaient guère mieux tenus que les villages de la périphérie et qu'on voyait encore passer des moutons sur la Piazza del Popolo, Rome n'offrait pas un tel spectacle.

C'est en tout cas l'avis des vieux Romains. Ceux-là même qui, pour ne pas effrayer les touristes, se chargent, presque avec honte, d'amasser les ordures au coin des rues pour libérer les trottoirs. Le tout dans un climat de rage mal contenue à l'endroit de "la" responsable numéro un du désastre : Virginia Raggi, maire de Rome sous l'étiquette 5 étoiles depuis bientôt un an et qui n'a pris aucune décision en la matière.

5.000 tonnes d'ordures par jour

Matteo Renzi, ex-Premier ministre, à peine réélu secrétaire du Parti démocrate, a saisi la balle au bond : il organisera dimanche le "grand nettoyage" de la ville avec des volontaires en tee-shirt jaune, armés de balais et de pelles, qui devront faire "piazza pulita" dans la capitale. "Un spot anti-Raggi", disent ses détracteurs en voyant la pub où les "volontaires " sont semblables à des "fourmis du bien". Mais les Romains ne s'en plaindront pas qui avaient apprécié, il y a quelques mois, que même l'ambassadrice de France à Rome, Catherine Colonna, avait aidé à balayer les saletés accumulées devant le palais Farnèse : "Il Messaggero", le quotidien de la capitale, lui avait rendu hommage.

La parabole de Renzi, ex-enfant chéri de l'ItalieComment en est-on arrivé à cette situation ? D'abord parce que Rome produit 5.000 tonnes d'ordures par jour. C'est beaucoup. Ensuite parce que le ramassage sélectif ne couvre pas 50% de l'ensemble des déchets produits. Ensuite parce que la maire, élue en juin 2016, issue du Mouvement 5 étoiles, ne brille guère pour sa préparation à la gestion de la chose publique, qu'elle soit nationale ou municipale.

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L'incompétence des "grillini"

A 38 ans, Virginia Raggi, avocat de formation, est l'illustration parfaite de l'incompétence des "grillini" de Beppe Grillo (les affidés du leader populiste). Elle ne cesse de multiplier les gaffes – elle a changé 5 membres de son staff en trois mois. Et sous-estime ouvertement le problème de la gestion des déchets, au point d'en nier l'urgence. Elle parle de complot ourdi contre la municipalité par "les pouvoirs forts" et par son principal adversaire politique, le Parti démocrate de Matteo Renzi qui gère, lui, la région Latium. Laquelle partage avec la municipalité la responsabilité du recyclage des ordures.

Les rats, les ordures, et puis tous ces touristes... Rome étouffe !Mais la vérité est beaucoup plus prosaïque : la mairie a fermé, il y a six mois, la décharge publique de Malagrotta, aux portes de Rome, sans en ouvrir une autre ; et se déclare hostile aux incinérateurs. Moyennant quoi, Rome doit exporter vers d'autres régions la gestion de ses déchets et même carrément vers l'Autriche. Mais le gouvernement de Vienne a fermé provisoirement ses usines de retraitement pour en effectuer une révision d'ensemble. Et personne ne sait encore quand elles rouvriront...

"Aucun complot donc et aucun mystère autour des ordures romaines" , diagnostique Chicco Testa de l'association très écolo Legaambiente , "seulement le résultat d'une profonde incompétence". En attendant Rome ressemble plus à Calcutta qu'à Berlin .

Marcelle Padovani

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