16 civils ont été tués lors d'un raid de l’aviation du régime dans le village d'Al-Faleh, dans l'est du gouvernorat d'Alep, en début de semaine.

16 civils ont été tués lors d'un raid de l'aviation du régime dans le village d'Al-Faleh, dans l'est du gouvernorat d'Alep, en début de semaine.

Photo fournie par Brita Hagi Hassan

"Le martyre des Syriens continue pendant que le monde regarde ailleurs". C'est le cri lancé par Brita Hagi Hassan. Il a dirigé entre 2015 et 2016 le Conseil local d'Alep-Est, formé après que la rébellion en a chassé les forces du régime, en 2013. Cet ingénieur de 40 ans, natif de la capitale économique de la Syrie, a assisté au siège et aux innombrables bombardements imposés aux quartiers les plus peuplés d'Alep par le régime de Bachar el-Assad avant que ces quartiers soient vidés de leur population.

Publicité

Parti de la ville en juillet 2016 pour aller demander de l'aide aux pays européens, il n'a pas pu y retourner, en raison du siège imposé par l'armée du régime. Il vit désormais dans l'arrière-pays d'Alep. Contacté par L'Express, il témoigne des difficultés de millions de Syriens vivant dans les zones tenues par les rebelles, en particulier dans les gouvernorats d'Alep et d'Idleb dans le nord du pays, soumises depuis des mois à des frappes aériennes.

Quelle est la situation dans les régions d'Idleb et d'Alep, tenues par les rebelles, où a trouvé refuge la population évacuée d'Alep-Est?

Le déplacement de populations ne s'est pas limité à la ville d'Alep. Il touche aussi les habitants de nombreuses régions de Syrie. Les conditions de vie des civils, installés dans des camps, pour la plupart, sont extrêmement difficiles. Les besoins vitaux les plus élémentaires ne sont pas assurés: beaucoup n'ont accès qu'à une eau insalubre. Et l'afflux de déplacés, en provenance des zones assiégées du reste de la Syrie se poursuit en direction de cette région, surpeuplée par rapport à ses capacités d'accueil.

TEMOIGNAGE >> Médecins sous les bombes, ils racontent l'enfer des hôpitaux

La situation est aussi très dégradée en raison des bombardements continus depuis des mois. La plupart des hôpitaux et des centres de protection civile ont été détruits. Seuls fonctionnent encore ceux qui se trouvent sur la frontière syro-turque, ce qui est très insuffisant.

Le rapport de force entre groupes djihadistes et forces rebelles affecte-t-il les conditions de vie de la population dans ces régions?

Nous sommes contre Al-Qaïda et contre l'extrémisme. Daech et Al-Qaïda sont des fabrications du régime. C'est lui qui a sorti les djihadistes de ses prisons, lui qui les a laissés entrer en Syrie afin de donner à cette révolution, qui réclamait liberté et dignité, la couleur noire du terrorisme, dont personne ne veut en Syrie. À ce jour, l'armée libre [ASL] est la seule à les avoir combattus. C'est elle qui les a chassés d'Alep et de dizaines de villages et, récemment, de la périphérie de Damas. Elle demeure la seule capable de les chasser de toute la Syrie.

Le régime, lui, surfe sur le confessionnalisme et contribue à alimenter le terrorisme. Au lieu de combattre Daech ou Al-Nosra, il tue les civils, femmes et enfants compris, détruit les infrastructures vitales, à commencer par les centres de santé ou de protection civile.

Pensez-vous que l'accord de "désescalade" conclu à Astana sous l'égide de la Russie puisse offrir une voie de sortie de la guerre?

L'objectif affiché des discussions à Astana est la création de zones prétendument "sûres". Rien de tel ne s'est produit jusqu'à présent. Bombardements, migrations forcées, sièges de villes et de quartiers entiers, affamés, se poursuivent.

LIRE AUSSI >> Des villes vidées de leur population après des années de siège

Le véritable objectif du régime d'Assad est clair: il s'agit de changer l'équilibre démographique du pays. La poursuite méthodique de déplacements de populations en est la preuve [De larges pans de population issues des villes ou quartiers hostiles au régime -en majorité sunnites, alors que le clan au pouvoir est alaouite, sont forcés de quitter ces zones, afin de permettre au régime de reprendre la main sur la "Syrie utile"]

Les frappes aériennes ont-elles diminué depuis l'annonce d'un accord sur des zones de "désescalade" par la Russie?

La diminution récente des bombardements dans le nord de la Syrie a été de pair avec leur augmentation dans les autres régions, aux alentours de Hama notamment, et la poursuite des déplacements de populations.

L'accord d'Astana, comme les précédents cessez-le-feu, est mort-né. Nous ne croyons pas à sa mise en application alors que nous avons demandé sans relâche un cessez-le-feu et l'arrêt des combats qui détruisent hommes, maisons et même la végétation.

Ces combats ont détruit 70% de la Syrie, coûté la vie à 600 000 Syriens et abouti au déplacement de 12 millions de personnes. Comment attendre la mise en oeuvre d'un cessez-le-feu, quand ceux qui sont désignés comme les garants - l'Iran et la Russie - sont les principaux responsables de ces crimes ?

Depuis qu'ont commencé les négociations à Astana, le feuilleton de la déportation des milliers de Syriens s'est poursuivi: Daraya, près de Damas, lors du sommet Astana 1, Le quartier de Waer à Homs pendant Astana 2; Astana 3 pour Madaya et Zabadani et Astana 4 pour Barzé et Qaboun. Et le feuilleton continue, sous les yeux insensibles du monde entier.

Publicité