Les forcenés qui menacent de faire sauter leur usine attendent Macron
Les salariés du sous-traitant automobile GM&S, dont la liquidation doit être prononcée le 23 mai, menacent de tout faire sauter
Vu de loin, le piquet de grève semble bien sympathique. Pas de banderole, un brasero à l'entrée de l'usine et une poignée de gendarmes qui n'hésitent pas à engager la conversation avec les employés autour d'un café. Pourtant, à quelques dizaines de mètres de l'entrée, la citerne de gaz qui alimente les machines domine cette scène avec une menace écrite au marqueur : "On va tout péter!" Au sol, une dizaine de bonbonnes de propane sont reliées par un fil électrique. Le tout est connecté à ce qui ressemble à un détonateur. Devant ce bricolage artisanal, Eric Solitaire, vingt-huit ans d'ancienneté, précise : "Ce n'est pas du pipeau! Regardez dans quel état on est. On va peut-être nous dire : vous cassez vos machines et votre usine. Mais Renault et Peugeot, ils cassent combien d'emplois!"
Les salariés détruisent un outil par jour
Eric a vu ce site, qui fabriquait des trottinettes dans les années 1960, tourner avec plus de 700 employés. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 277 à fabriquer des carters d'huile ou des éléments de portières pour les deux géants de l'automobile français. Les salariés soupçonnent ces derniers d'avoir réduit leurs carnets de commandes au profit d'industriels étrangers, jusqu'à la mise en redressement le 2 décembre 2016. Depuis, aucun repreneur ne s'est engagé. En avril, Eric et ses collègues ont multiplié les actions devant les sites industriels de Renault et PSA. Sans succès. Désormais la liquidation de GM & S semble inéluctable. Elle sera prononcée le 23 mai. Ce n'est que dans ce cas que les salariés disent vouloir initier le compte à rebours de leurs explosifs. Pour donner du poids à leur menace, ils détruisent un outil par jour. Une machine par semaine. Au chalumeau. "La casse de ces machines, affirme Vincent Labrousse, délégué CGT, ça symbolise la casse des vies des employés. Ça ne nous amuse pas."
Sentiment d'abandon. Impression de faire les frais de l'entre-deux politique au sommet de l'Etat : le nouveau président de la République n'est pas encore aux affaires et François Hollande est en train de faire ses cartons. "On dirait que personne n'a la main", déplore Patrick Brun, délégué CGT. Comme lui, la plupart de ses collègues, déboussolés, cultivent le paradoxe : personne ne croit en Emmanuel Macron , mais tous en appellent à lui. "Il est temps qu'on ait un président qui se soucie de nos compétences. S'il veut venir, il faut que ça aille vite. S'il veut vraiment aider, il monte dans sa caisse et puis il se ramène!" Leur espoir, c'est que l'Etat, actionnaire des deux constructeurs, puisse peser sur les carnets de commandes et leur demande de maintenir le niveau d'activité de l'usine. Cela soulagerait aussi tout le bassin d'emploi : GS & M, ce sont pas moins de 800 emplois induits. Un début de réponse leur sera peut-être donné lundi, lors d'une réunion en préfecture. Ils ne savent pas encore si les représentants des constructeurs automobiles seront présents. Eux seront là, debout, fidèles à leur credo qu'ils répètent à qui veut l'entendre : "Tant qu'on est debout, on n'est pas morts."
Jean-Sébastien Soldaini (Europe1), La Souterraine (Creuse)
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