DOCUMENTAIRETélévision: Les multiples injustices des patientes malades du cœur

Pourquoi les femmes malades du cœur ne sont pas traitées comme les hommes?

DOCUMENTAIREUn documentaire diffusé mardi sur France 5 s’intéresse à la hausse des accidents cardiaques chez les femmes, victimes de nombreuses injustices…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Un documentaire diffusé sur France 5 mardi soir s'intéresse aux maladies cardiovasculaires
  • Contrairement aux préjugés, elles sont la première cause de mortalité chez les femmes
  • Elles cumulent quantité d'injustices à chaque étape de la maladie: prévention, diagnostic, traitement...

C’est une inégalité homme-femme dont on parle peu… et qui pourtant tue. Le documentaire Le cœur des femmes : attention fragile !*, de Cécile Moirin, diffusé mardi sur France 5, se penche sur les accidents cardiaques qui touchent de plus en plus de femmes, même jeunes… Des patientes qui cumulent les risques et les injustices.

Méconnaissance

« Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes, prévient Cécile Moirin, la réalisatrice. Le cancer du sein tue huit fois moins ! » Et pourtant, la prévention n’en est qu’à ses balbutiements.

« Il y a un plan cancer, mais pas de plan cœur », critique Claire Mounier-Véhier cardiologue au CHRU de Lille et présidente de la Fédération française de cardiologie. Il serait pourtant utile, car les femmes qui luttent contre ces maladies cardiovasculaires (AVC, infarctus...), multiplient difficultés et injustices…

Les grandes oubliées de la prévention

« Elles sont victimes d’une succession de pertes de chances », résume la cardiologue. Premier problème : on imagine souvent un homme âgé et gros quand on parle infarctus. « Mais cela fait 15 ans que les femmes sont également touchées par ces maladies, assure Cécile Moirin. Des femmes de plus en plus jeunes. Avec un chiffre alarmant : le nombre de femmes de moins de 45 ans hospitalisées pour un problème cardiaque augmente de 5 % chaque année depuis quatre ans…

Pourquoi ? Aujourd’hui les femmes ont adopté le même mode de vie que les hommes avec tabac, alcool, sédentarité et stress. « Sept infarctus sur dix sont dus au tabac », reprend la cardiologue.

Or, la prévention ne s’est pas vraiment adaptée. « Les femmes n’y pensent pas… et les médecins non plus, regrette la réalisatrice. On va plus rarement proposer un bilan cardiaque ou un test d’effort à une femme. » Et le cliché a la peau dure… même pour des personnes informées. « En tant que journaliste santé je pensais que les femmes étaient protégées par leurs hormones, reconnaît Cécile Moirin. Mais aujourd’hui, elles fument, boivent, leurs hormones ne les protègent plus. » Au contraire même, les femmes sont plus sensibles à ces accidents lors de la grossesse et de la ménopause…

Difficulté à diagnostiquer

Autre frein : le problème cardiaque est plus difficile à détecter chez les femmes que chez les hommes. « Les femmes ne ressentent pas forcément une douleur au thorax et au bras, mais un essoufflement à l’effort, des palpitations, des douleurs au dos ou à l’estomac, synthétise la cardiologue. Et quand on a un arrêt cardiaque chez une femme, il est plus souvent mortel. »

Opération et traitement plus lourds

Mais même une fois le diagnostic posé, les femmes ne sont pas sorties d’affaire. D’abord parce que l’opération est plus compliquée pour les patientes. « Les artères des femmes sont plus fines et quand elles avancent en âge, elles sont plus tortueuses. C’est donc plus compliqué de poser un stent [ce petit ressort qui soulage l’artère bouchée] », reprend Cécile Moirin.

Mais aussi parce qu’une fois l’opération terminée, le traitement médicamenteux a plus d’effets secondaires pour les patientes que les patients… Et le documentaire d’évoquer ce problème, qui touche toutes les maladies : la recherche teste ses médicaments surtout sur les hommes… « On a décidé que la grossesse et les fluctuations hormonales pouvaient fausser les résultats des essais cliniques, résume la réalisatrice. Donc l’immense majorité des médicaments sont testés à 80-90 % sur les hommes. Les essais cliniques sont donc biaisés parce qu’on ne peut pas être sûr qu’ils sont aussi efficaces et quels seront leurs effets secondaires sur les femmes. Or, les hommes et les femmes ne sont pas faits pareil ! »

Et parfois à l’avantage des femmes ! La cardiologue insiste sur une bonne nouvelle : une bonne hygiène de vie est très efficace pour protéger la santé des femmes. « Limiter l’alcool (deux unités par jour), manger sain, bouger a un effet protecteur sur le risque d’infarctus plus important chez une femme que chez un homme. Il n’y a pas d’âge pour la prévention, même une femme de 60 ans après un infarctus si elle change son mode de vie diminue de 25 % son risque de récidive. »

Un « sexisme » du corps médical ?

En se penchant sur ce « sujet passionnant et méconnu », Cécile Moirin a donc découvert « une forme de "sexisme", pas volontaire, mais la médecine est depuis longtemps faite par des hommes et pour des hommes. Il y a des études qui montrent qu’une femme qui arrive devant un cardiologue aura moins de chance d’être écoutée que si c’est une cardiologue. »

Un traitement inégal bien illustré dans le documentaire par le témoignage de Nathalie, qui s’est rendu compte après des mois d’errance médicale qu’une de ses artères était bouchée. « Pour lui [mon médecin], je n’étais pas dans le tableau classique de la personne qui présente un problème cardiaque, résume cette patiente. Je lui ai dit, vous devez certainement me prendre pour une hystérique… »

* « Le cœur des femmes : attention fragile ! », documentaire de Cécile Moirin, diffusé dans Enquête de santé, diffusée sur France 5 mardi à 20h45.

Illustration d'un électrocardiogramme.
Illustration d'un électrocardiogramme.  - Pixabay

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