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Politique

Comment Macron met en danger Les Républicains

Avec la nomination à Matignon d'Edouard Philippe, et l'appel d'élus Les Républicains à l'ouverture, Emmanuel Macron fracture la droite comme il le souhaitait. Désormais, Les Républicains risquent d'être réduits aux seules valeurs de la Manif pour tous, ce qui les met en grand danger.

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Manif pour Tous en octobre 2016 à Paris.

Il existe deux droites Les Républicains irréconciliables, et Macron en a joué pour les fracturer au grand jour.

(c) AFP

Fracture is coming. A droite après la gauche. Camp après camp, Emmanuel Macron transforme en marcheurs blancs ceux qu’il croise. Après les socialistes, en passe d’être effacés de l'histoire, c’est au tour de la droite et de son mouvement, Les Républicains.

Dans quelques semaines, passées les législatives, le grand parti de la droite risque d’en être réduit à ce que lui promettait la victoire de François Fillon à la Primaire: une émanation politique de la Manif pour tous et ses satellites, recroquevillée sur des valeurs sociétales ultra-catholiques emportant avec elles une vision identitaire de la société, le tout accompagné d’un projet social néo-thatchérien. A deux pas de l’alliance avec le Front national, qui va s’inscrire dans le même sillon.

Non, contrairement à ce qu’écrivent et disent les éditorialistes de l’ancien monde, 2017 n’est pas 1958, quand le général de Gaulle revenu au pouvoir par la grâce du coup de force du 13 mai, imposa la Ve République et sa vision fédératrice.

Non, les législatives à venir, que la République En Marche devrait remporter bien plus facilement qu'on ne l’imagine, ne sont pas 1962, quand le général après avoir dissout l’Assemblée, imposa l’élection du président au suffrage universel et obtint une majorité à sa main.

Et non, l’appel des 22, puis des 23 et des 24, en attendant davantage, n’est pas l’appel de 1974, quand Jacques Chirac imposa au vieux parti gaulliste, l’UDR, avec son appel des 43, l’alliance avec Valéry Giscard d’Estaing en route vers l’Elysée.

Non, 2017 n’est pas la reprise de pièces déjà jouées dans l’ancien monde politique, et qui serait alors compréhensible et accessible, à des cerveaux encore ancrés dans un autre espace-temps. 2017 est une création originale. Une re-création même des clivages, qui débouchera, dans un an, cinq ans ou peut être plus encore sur un réaménagement complet du traditionnel clivage droite-gauche. 2017 est bel et bien une refondation.

Le divorce des droites acté par Juppé

Le Parti socialiste est mort, et le socialisme avec. Il n’est plus qu’une nostalgie, condamnée à devenir à En Marche ce que les radicaux de gauche lui furent depuis 1971, une petite force d’appoint électoral.

Quant à la droite, elle n’est promise ni à l’effacement, ni à la substitution, mais au repli identitaire.

Les commentateurs de l’instant, qui pensent qu’Alain Juppé ne compte plus depuis qu’il a officiellement renoncé à devenir, le 6 mars dernier, le remplaçant du défaillant Fillon, seraient bien inspirés de relire ce qu’il disait de la droite dans son discours testamentaire. « le noyau des militants et sympathisants LR s'est radicalisé » avait-il dit au lendemain de la manifestation de soutien au candidat de la droite en déroute morale. Juppé avait acté le divorce entre les droites.

Ecoutons alors Alain Juppé commentant la nomination d’Edouard Philippe à Matignon. En trois temps.

Temps 1, l’approbation du choix: « C’est un ami » et « Il a donc je crois toutes les qualités pour assumer la fonction difficile que le président de la République vient de lui confier et je lui souhaite bonne chance. »

Temps 2, malgré tout, la réaffirmation de l’existence d’une droite républicaine: « Pendant cette campagne, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je soutiendrais les candidats investis par LR et l'UDI, ils portent une plateforme politique qui pour l'essentiel me convient ».

Temps 3, l’annonce de l’inévitable clivage, à droite, entre ceux qui seront dans l’opposition et ceux qui entreront dans une majorité bâtie selon les clivages dictés par le macronisme en marche : «Si la droite et le centre ne sont pas majoritaires à l'Assemblée nationale, le pays ne comprendrait pas que nous nous engagions dans une opposition systématique. Il faudra alors trouver les voies et les moyens d'un travail constructif dans l'intérêt de la France. »

Il n’entre aucune part d’ambiguïté dans le message d’Alain Juppé, qui annonce ce qui paraît de plus en plus probable à mesure que les heures passent… Il existe deux droites Les Républicains irréconciliables, et Macron en a joué pour les fracturer au grand jour.

Ceux que Juppé diagnostiquaient « radicalisés » en mars dernier, pour l’essentiel la droite identitaire crispée sur les valeurs portées par la Manif pour tous, ne céderont pas au macronisme politique. Bien joué, les Wauquiez, Ciotti et autres Sens commun seront l’opposition idéale au président Macron.

 

Le pendant à droite de la France insoumise de Mélenchon

La droite de la fermeture et du refus des mouvements du monde va ainsi se replier sur elle-même. Certes, cette droite du populisme-chrétien est majoritaire à droite, c’était là le sens de la leçon à tirer de la victoire de Fillon à la Primaire de la droite et du centre, mais elle est minoritaire dans le pays.  Elle est en passe de devenir le pendant, à droite, de ce qu’est la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon gauche, à savoir le cartel des conservateurs du monde ancien. Condamnée à un long hiver oppositionnel.

Certains se réjouissent déjà de la fracture. « Tant mieux » disent-ils, « Débarrassés de Juppé, Philippe, NKM, Estrosi et les autres, la droite va pouvoir reconstruire le grand RPR des années 70-90, le seul vrai grand parti de la droite populaire et gaullienne ». Purgée des libéraux, des sociaux, des orléanistes, des centristes, ceux-là pensent que la droite va pouvoir renouer avec elle-même et redevenir, pour le coup, gaullienne. Mais ceux-là se trompent tout autant, qui jugent l’instant historique propice à la construction d’un grand parti souverainiste identitaire de droite, ratissant jusqu’à la gauche souverainiste à la Onfray ou Sapir. Déjà, il va leur falloir apprendre à composer avec l'éternel fantôme qui hante Les Républicains : Nicolas Sarkozy...

En vérité, la refondation Macron accouche d’une majorité politique identifiée à la majorité sociologique du pays. Patriotes vs nationalistes. Progressistes vs conservateurs. Ouverts vs fermés. Européens vs indigènes. Républicains vs identitaires. Et ces clivages, qui n’en forment qu’un en réalité, opposent un seul bloc de progrès à trois blocs conservateurs, antagonistes et concurrents, rivaux et ennemis, condamnés à se disputer des électorats sociologiquement minoritaires et éclatés. Un à l’extrême droite. L’autre à l’extrême gauche. Le dernier à la droite extrême. Front national, France insoumise et Les Républicains… Tous conservateurs. Tous identitaires. Tous isolés. Tous repliés. Et surtout, tous irréconciliables.

 

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