La France est notoirement mauvaise à faire élire des femmes au Parlement. Dans ce domaine, elle est aujourd'hui classée 63ème mondiale.
Mais il y a de l'espoir! Avec la fin du cumul des mandats et l'arrivée de nouvelles forces politiques qui disent encourager les candidatures féminines, la parité effective n'a jamais semblé aussi proche. Cela veut-il dire qu'on va régler ce problème de la parité le 18 juin prochain?
Pas exactement, mais la prochaine Assemblée sera plus proche de la parité qu'on ne l'imagine. Sur les cinq principales forces politiques, deux si ce n'est trois se dirigent vers des groupes réellement paritaires. La mauvaise nouvelle, en revanche, est que le FN, et surtout les Républicains, seront probablement la seule chose qui nous séparera d'une Assemblée paritaire.
L'inégalité d'investiture
L'inégalité d'investiture
Avant toute chose, comment mesure-t-on la parité ? On peut par exemple regarder si les partis, sur les candidatures déjà annoncées, ont investi 50 % de femmes :
À l'exception spectaculaire des Républicains, tous les partis sont proches de 50 %. Ce n'est pas très étonnant: investir près de 50 % de femmes à l'échelle nationale est depuis 2012 littéralement le minimum légal. Cette loi cache néanmoins un paradoxe: en 2012, les partis devaient présenter autant de femmes que d'hommes, et malgré cela l'Assemblée Nationale est restée largement masculine.
Cela est assez simple à expliquer. Les partis investissent bien 50 % de femmes, ils les investissent simplement dans des circonscriptions plus difficiles à remporter. (Par exemple, chez Les Républicains, c'est un homme qui est investi à Versailles, et une femme à Saint-Denis.) Cette inégalité d'investiture est pernicieuse et très efficace. Mais on peut néanmoins la mesurer, en regardant combien de femmes sont investies dans les circonscriptions les plus "gagnables". (J'ai déterminé la "gagnabilité" des circonscriptions en me basant sur le score du 23 avril ; ce qui veut dire par exemple que la circonscription la plus facile pour le PS est celle où Hamon a obtenu son meilleur score.)
Le Front National n'a apparemment jamais revendiqué la parité comme une valeur cardinale, et cela se voit. Le manque de parité est particulièrement frappant dans les premières dizaines de circonscriptions, les seules véritablement à la portée du FN : il est peu probable que le groupe FN puisse dépasser les 40 % de femmes. Le graphique tend à suggérer que le FN ne veut qu'éviter de perdre des subventions, mais laisse quand même les circonscriptions gagnables majoritairement à des hommes.
En apparence, la France Insoumise converge rapidement vers 50 % de femmes. Le problème pour eux est que leur plafond électoral semble bas, voire très bas: non seulement leur groupe ne sera vraisemblablement pas véritablement paritaire, mais si la France Insoumise ne remporte que leurs meilleures circonscriptions, ils risquent de se retrouver avec très peu de femmes.
Le PS a une courbe qui a l'air vraiment paritaire, même si leur plus faible proportion de femmes est aux alentours des 60 députés, score qui leur semble être promis. Quant à En Marche, leur groupe parlementaire sera probablement assez proche de la parité vu qu'ils dépasseront probablement largement la barre des 100 députés.
Les Républicains ne sont même pas proches d'une parité effective. D'abord, les 22 circonscriptions où Fillon a fait ses meilleurs scores sont quasiment toutes tenues par des hommes (à l'exception de NKM et Brigitte Kuster). Mais surtout, la proportion de femmes dans les circonscriptions ne décolle pas jusqu'à la 200ème. En d'autres termes, LR est plus ou moins condamné à avoir un groupe parlementaire composé seulement d'un quart de femmes.
Une projection (approximative) de la prochaine Assemblée
Tous ces graphes n'ont vraiment de sens que si on prend en compte les rapports de force aux législatives. Faisons donc une projection de répartition de sexes en se basant sur les chiffres de l'institut Opinion Way. Au vu de l'incertitude autour des législatives, ces projections sont très grossières et approximatives, mais elles montrent deux tendances suffisamment claires pour être soulignées.
D'abord, on s'oriente vers à peu près 40% de femmes à l'Assemblée, soit une progression de plus de 13 points. D'autre part, le PS et EM auront vraisemblablement des groupes quasi-paritaires, ainsi que la France Insoumise si ils sont capables de dépasser un certain seuil. Mais surtout, les Républicains et, dans une moindre mesure le FN, plombent les scores de la parité dans ces projections. Si on les retire du jeu, on obtient des assemblées quasi paritaires.
Dans quelle mesure est-ce grave ? Revenons au classement de tout à l'heure, et voyons ce que la France donnerait dans ce celui-ci avec ou sans le plombage des Républicains :
- Assemblée actuelle :26,3 % — 63ème mondialeAssemblée simulée : 39,6 % — 14ème mondialeAssemblée simulée sans LR : 48,4 % — 4ème mondiale
La conclusion est simple. En termes de parité électorale, les Républicains sont ce qui sépare une bonne Assemblée Nationale d'une Assemblée championne mondiale.
Pour être clair, dans l'ensemble, ces investitures me rendent optimistes sur la parité au Parlement. La perspective d'une Assemblée Nationale à 40% de femmes est évidemment enthousiasmante. Si cela est confirmé, le chemin parcouru en 10 ans (grâce à des efforts venant des deux côtés de l'échiquier politique) serait formidable. Une Assemblée proche de la parité s'ajouterait à des assemblées départementales et régionales qui sont déjà paritaires, malgré les imperfections que cela cache. Mais le fait de voir un parti nous empêcher d'être un modèle mondial en termes de parité est très frustrant.
Sceptique ? J'ai mis les données utilisées sur GitHub.
Une version longue de cet article est disponible ici.
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