Macron enthousiasme les eurodéputés, à l’exception des Français

Le nouveau président français était le principal sujet de conversation à Strasbourg durant la session du Parlement européen. Un enthousiasme international guère partagé par les eurodéputés français.

Le nouveau président français et son élan européen étaient sur toutes les lèvres à Strasbourg, pour la session plénière mensuelle du Parlement européen.

« Vous avez de la chance, vous avez « Ma-qu-eron ! » assure un journaliste roumain, ravi. Lundi, le quotidien « Die Zeit » avait rebaptisé Macron « Le Sauveur » sur sa Une, alors que le président français venait rencontrer la chancelière, pour un premier contact véritablement enthousiaste de part et d’autre.

« Félicitations, vous nous avez sauvé ! », confirme une élue allemande en rencontrant un de ses condisciples français. Des félicitations à n’en plus finir, que le président de la droite européenne reprend à son compte sans complexe. « On nous avait dit à Koblenz que 2017 serait l’avènement d’un nouveau monde (pour l’extrême droite). Mais Macron a gagné, et Mme Le Pen n’est même pas présente au Parlement européen », s’est félicité le président du groupe PPE, Manfred Weber, qui salue ce nouvel « espoir pour l’Europe ».

Cédric Villani : « l’Allemagne a conscience de ce qu’elle doit à Macron »

La victoire d’Emmanuel Macron a éloigné le spectre du Frexit, si redouté par l’Allemagne. Une situation qui devrait mettre de l’huile dans le moteur-franco allemand, selon Cédric Villani.

Un raccourci un peu rapide pour le président du groupe centriste, Guy Verhofstadt, qui craint que l’Europe ne se repose sur ce maigre laurier. « Les électeurs ont montré qu’ils voulaient un changement radical, mais qu’ils ne voulaient pas de cette Europe ! Maintenant il faut avancer, il faut faire le « wir schaffen das » de Mme Merkel: nous pouvons le faire ! »

Une réaction qui est aussi celle de Jean Arthuis, eurodéputé centriste et soutien d’Emmanuel Macron. « Il faut qu’il vienne au Parlement européen, il faut qu’il donne un électrochoc à ce simulacre de Parlement ! Il faut avancer vers un vrai budget, un vrai projet, sans quoi nous continuerons à nous agiter dans ce simulacre de Parlement ! ». Parmi les 7 eurodéputés centristes, deux élues ont été nommées ministres, Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez. Mais ces 7 élus sur 74 eurodéputés français sont bien les seuls à soutenir Macron pour l’heure.

En Marche divise aussi au Parlement européen

S’il suscite espoirs et attentes, le mouvement En Marche est aussi source de frustrations et de divisions, surtout chez les eurodéputés français.

La candidature de l’eurodéputée Marielle de Sarnez dans la 11ème circonscription parisienne fait l’objet de critiques à gauche. A 66 ans, elle en est à son quatrième mandat au Parlement européen, et ne remplit pas les critères d’En Marche, qui a notamment refusé Manuel Valls au motif qu’il avait déjà été élu député trois fois, soit la période maximale.

Il faut dire que la délégation socialiste française au Parlement européen se classe d’emblée dans l’opposition. « On voit que certains en France ont envie de découvrir une grande coalition. Nous, nous venons d’en sortir ici, pour des divergences de fonds, et nous continuerons de soutenir les candidats socialistes, et de gauche », rappelle Christine Revault d’Allonnes, chef de la délégation.

L’ambiance est globalement morose chez les socialistes, à qui le commissaire Pierre Moscovici est venu rendre visite en réclamant leur soutien. Le commissaire, qui se positionne en rassembleur de la gauche européenne, s’inquiète de la diminution du nombre de chefs d’Etats marqués à gauche, avec l’élection d’Emmanuel Macron. Après l’effondrement de Benoît Hamon au premier tour de la présidentielle, le moral pour les législative est en berne. « En Marche va faire un carton aux législatives, c’est sûr », assure une élue socialiste.

C’est tout juste si Edouard Martin, ex-syndicaliste d’Arcelor Mittal, garde un bon souvenir d’Emmanuel Macron en tant que ministre de l’Économie. « Il avait fait du bon boulot sur l’acier chinois » reconnaît l’eurodéputé, tout en se demandant si cela va continuer, d’autant que le projet de rapprochement entre En Marche et le parti centriste de l’ADLE semble plaider pour une position idéologique ultra-libérale, notamment sur les questions commerciales.

Des fractures profondes chez Les Républicains

Mais c’est sans doute chez les Républicains que la situation est la plus délicate. En nommant un juppéiste à la tête du gouvernement, le nouveau président est parvenu à diviser la droite en deux grands camps : les plutôt pour Macron, et les plutôt contre. Dans la première catégorie, on retrouve notamment Alain Lamassoure et Tokia Saïfi, qui ont signé un appel à soutenir Emmanuel Macron dès le 15 mai, avec 22 autres soutiens.

Une position que le chef de la délégation LR au Parlement européen, Franck Proust, condamne fermement. « C’est une question de respect : nous avons un combat à mener pour ces législatives, nous devons soutenir nos 577 candidats, ceux qui font partie de notre famille politique, nos amis » assure-t-il. « Macron a pris Édouard Philippe, ce n’est pas un premier ou un second couteau, c’est un troisième couteau » juge de son côté Françoise Grossetête, très remontée contre les transfuges.

Macron nomme Edouard Philippe à Matignon

Le député Les Républicains (LR) Edouard Philippe a été nommé sans surprise Premier ministre par Emmanuel Macron, au lendemain de l’investiture officielle du nouveau chef de l’État.

« Macron a réussi le hold-up du siècle sur cette élection, il a fait exploser le système politique français» reconnait Renaud Muselier, eurodéputé PPE, assurant qu’il s’interrogerait sur un éventuel soutien au gouvernement après les législatives. « A priori, le mouvement En Marche se situera plutôt du côté des centristes de l’ADLE », estime Franck Proust.

Les ex fervents soutiens de François Fillon se font discrets. « Mais les plus europhiles voient bien la ressource que représente Macron pour eux, ce sera un peu compliqué pour eux de se mettre en opposition frontale », note une source proche de la droite européenne.

Macron et Merkel ouvrent la porte à la réforme des traités européens

Les deux dirigeants veulent restaurer la dimension « historique » du couple franco-allemand et de réformer l’Europe, multipliant les gestes réciproques d’ouverture, comme sur la réforme des traités.

L’Allemagne voit un gouvernement de droite en France

Vue d’Allemagne, l’urgence est surtout d’aider Macron à construire une majorité solide, clé de la réussite du futur gouvernement. Reste à savoir quelle majorité. «Je souhaite que Les Républicains remportent les élections législatives car la France a besoin d’une majorité claire de droite et de centre-droit, seule capable de mener des réformes courageuses si indispensables » assure Manfred Weber à Euractiv.

Une vision qui tranche avec celle des élus français. La convergence de vues entre les politiques allemands et Emmanuel Macron semble en revanche plus évidente, notamment sur la réforme de la zone euro. « La France doit se réformer. Ensuite, seulement, nous pourrons évoquer les réformes au niveau européen et envisager une éventuelle révision des traités si cela s’avère nécessaire» assure le chef de file du PPE.

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