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    Sur CNews, 5 hommes et 1 femme se demandent si «la parité est la chose la plus stupide de notre temps»

    Ce mercredi dans «L'Heure des pros» sur CNews, on se demandait si la parité en politique n'était pas «la chose la plus stupide de notre temps». Récit d'un débat entre 5 hommes et une femme sur «ce gadget» qu'est la parité au sein d'un gouvernement.


    Mise à jour le 31 août: Ajout de la réaction du CSA après les propos tenus par le président de la Licra jugés «transphobes» par Act-up.


    Ce mercredi matin sur CNews, Pascal Praud, présentateur d'émissions de débat sur la chaîne, a posé cette question dans L'heure des Pros: «La parité est-elle la chose la plus stupide de notre temps?»

    4 hommes et 1 femme pour en parler

    Manque de chance, la nouvelle star de la chaîne info de Vincent Bolloré n'a pas réussi à trouver un nombre égal d'hommes et de femmes pour aborder cette question. Pour en parler, il y a donc:

    • L'animateur Pascal Praud
    • Le chanteur et candidat aux législatives, Francis Lalanne
    • Le président de la Licra, Alain Jakubowicz
    • Le directeur de Mediascop, Arnauld Champremier-Trigano
    • L'éditorialiste de Valeurs actuelles, François d'Orcival
    • Et la journaliste Isabelle Saporta


    Une majorité d'hommes donc. «Oui, mais ça on le regrette», balaie l'animateur à l'antenne avant de prendre cet exemple pour ouvrir son débat:

    «On ne construit pas une équipe de football avec des critères qui sont autre que de prendre les meilleurs. Voilà. On ne dit pas, on va prendre un blanc, on va prendre un noir.»

    Apparemment, celui qui est initialement journaliste sportif n’a pas eu connaissance des révélations de Mediapart sur les quotas discriminatoires mis en place dans le foot français pour limiter le nombre de joueurs de type africains et nord-africains. Pascal Praud, qui souhaite «se faire un peu provocateur», suggère ensuite que Macron puisse choisir de nommer un gouvernement composé «de 15 hommes»... «ou de 15 femmes d'ailleurs».

    Alors qu'elle souhaite répondre à la question, la journaliste Isabelle Saporta est... immédiatement coupée.

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    Elle s'agace:

    «Alors regardez, j'ai deux secondes la parole que je me la fais couper par Monsieur l'avocat (Alain Jacubowicz, ndlr). Si vous voulez, c'est un truc de fou quand même.»

    Isabelle Saporta a toutefois tenu bon pour développer ses arguments: «La parité, oui c'est nécessaire. La question de principe, c'est toujours de se dire "on devrait prendre les gens à qualité égale", mais ce n'est jamais le cas. (...) Lorsque l'on est sur des critères de qualité, il n'y a jamais de femme. Oui, il faut imposer des femmes», explique-t-elle, en rappelant au passage qu'elle n'a pas eu la parole lors du premier débat de l'émission sur l'ENA et l'énarchie.

    «À moins qu'on ait un transgenre, ou je ne sais quoi»

    Ensuite, la journaliste est encore coupée par François d'Orcival, éditorialiste à Valeurs actuelles, qui estime que ces questions de parité, «c'est sans fin». Quelques minutes plus tard, Alain Jakubowicz qualifie la parité au gouvernement de «véritable gadget» et pense qu'il vaudrait mieux lutter contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Les deux mesures étant, si l'on suit sa démonstration, impossibles à mener de front en même temps. Il se fend enfin d'un bon mot sur les personnes «transgenres» ou les «je ne sais quoi», qui fait rire aux éclats son auditoire masculin:

    «Commençons d'ailleurs à mettre un nombre pair, si on veut avoir une égalité totale entre hommes et femmes. Avec 15 ministres, ça va être difficile, à moins que peut-être on ait un transgenre, ou je ne sais quoi. On est vraiment dans le délire.»

    C'est ensuite Francis Lalanne qui livre ses arguments, reprenant le terme de «gadget» à propos de la parité et affirmant que «tout principe discriminatoire n'est pas bon». Mais il tient tout de même à nuancer certains propos tenus sur le plateau et s'excuse «de faire un peu la fille par ce qu'il y en a besoin» (comprendre, défendre la parité au sein du gouvernement). «Macron a raison» de vouloir un gouvernement paritaire, ose-t-il lâcher.

    Praud, d'Orcival et le festival de clichés

    Au cours du débat les hommes présents sur le plateau s'accordent à dire que le plus important serait de lutter contre les inégalités de salaires entre hommes et femmes. Pascal Praud nous apprend alors que «le seul politique à vouloir que la loi impose l'égalité des salaires aux entreprises» se nomme... Manuel Valls. Une affirmation parfaitement fausse.

    François d'Orcival choisit ensuite l'exemple de l'École nationale de la magistrature (ENM) pour nuancer ce constat beaucoup trop accablant à son goût sur le sexisme d'aujourd'hui. L'échange est un délice.

    «- François d'Orcival: L'école de la magistrature qui fournit quand même l'ensemble de tout ce qui est les tribunaux dans notre pays...

    - Pascal Praud: Et qui sont tous de gauche.

    - Arnauld Champremier-Trigano: Mais non!

    - Pascal Praud: Bah c'est vrai!

    - François d'Orcival: L'école de la magistrature est composée à 85% d'élèves femmes. Donc est ce que nous avons également confiance dans une justice d'hommes et une justice de femmes?»

    Isabelle Saporta résume alors la pensée de l'éditorialiste de Valeurs Actuelles –que le reste des invités ne semble pas avoir compris–, qui tend à dire que lorsqu'«une profession est composée majoritairement de femmes, elle devient médiocre». François d'Orcival entame alors des justifications qu'il est incapable d'achever: «Le jugement d'une femme devant un cas particulier...». À noter par ailleurs que si les femmes représentent 80 % des diplômés de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) et près 60 % des juges, elles n'occupent que... 30 % des échelons les plus élevés. Francis Lalanne conclut finalement le débat en regrettant «que l'on ait pas parlé de la sensibilité des femmes».

    En décembre dernier déjà, quatre hommes (dont Alain Jacubowicz) et deux femmes évoquaient dans cette même émission «la ségrégation sexuelle dans certains quartiers». Un moment de sexisme très gênant résumé ainsi par Les Inrocks à l'époque: «Dans un extrait de 8 minutes extrêmement pénible à regarder, la journaliste et militante féministe (Rokhaya Diallo) fait face aux remarques consternantes de sexisme d’Alain Jacubowicz, Pascal Praud, Jean-Claude Dassier et Lydia Guirous.»


    Mise à jour le 31 août avec la réaction du CSA

    Après les propos tenus par le président de la Licra, Alain Jakubowicz, sur les personnes «transgenre», Act Up a saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

    «Commençons d'ailleurs à mettre un nombre pair, si on veut avoir une égalité totale entre hommes et femmes. Avec 15 ministres, ça va être difficile, à moins que peut-être on ait un transgenre, ou je ne sais quoi. On est vraiment dans le délire», avait déclaré Alain Jakubowicz.

    L'association juge ces propos transphobes et «infamants pour les personnes trans, les renvoyant à un entre deux sexes ou entre deux genres, alors que seul compte le genre ressenti et vécu par la personne et non celui assigné à la naissance».

    Mais dans une lettre envoyée le 2 août, le CSA considère «qu'en dépit de la grande maladresse des propos» du président de la Licra, «aucun encouragement à des comportements discriminatoires n'était caractérisé».

    «Sachez que nous déplorons vivement cette décision qui perpétue la tolérance dans l’espace médiatique et public de propos dénigrant, insultant, les personnes transgenres», répond à son tour Act Up qui rappelle que «les propos transphobes sont des violences symboliques qui perpétuent les clichés les plus éhontés sur les trans et créent du rejet au quotidien».