Capital : Hassan Rohani, le président sortant, est attaqué sur son bilan économique par ses adversaires. Celui-ci est-il réellement catastrophique ?

Mohammad Amin : La population iranienne attendait beaucoup de l’accord sur le nucléaire, entré en vigueur en 2016 : celui-ci a levé une partie des sanctions dont était victime le pays à cause de son programme nucléaire controversé. Malheureusement, il n’y a pas eu de retombées concrètes pour la population. Le chômage est toujours élevé (12,5% officiellement, mais il atteint plus de 40% selon des économistes indépendants), la baisse de l’inflation (de 35% en 2013 à 9% en 2017) ne s’est faite qu’au prix d’une récession, et de nombreuses banques ou caisses de retraite sont aujourd’hui en faillite. Cela s’explique par le fait qu’il est toujours compliqué de faire du business en Iran : de nombreuses banques ne veulent pas financer des projets. Mais aussi parce que l’Iran n’est toujours pas une économie de marché et qu’il s’agit même de l’une des plus fermées du monde : le guide suprême Ali Khamenei et les Pasdarans (une milice à son service, ndlr.) contrôlent plus de 50% du PIB, notamment les banques, les assureurs et de nombreux acteurs pétroliers. Ce sont eux qui détiennent les clés de la politique économique, Hassan Rohani n’a presque aucun levier. En le rendant responsable de la mauvaise situation économique du pays, ils essayent de détourner l’attention de la population pour la garder sous contrôle.

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Capital : Pourtant, la levée des sanctions a été très bénéfique pour l’industrie pétrolière, dont les exportations ont bondi. Pourquoi cela n’a-t-il pas amélioré la situation économique du pays ?

Mohammad Amin : Oui, l’Iran a plus que doublé ses exportations de pétrole entre 2013 et 2017 (de 1 million de barils par jour à 2,4 millions aujourd'hui), mais ces recettes supplémentaires sont utilisées par le régime iranien pour ses aventures guerrières, notamment en Syrie (selon mes estimations, 10 milliards sont dépensés annuellement pour l’effort de guerre là-bas mais aussi pour maintenir les structures du pouvoir en place), mais aussi en Irak ou au Yémen. L’économie iranienne est l’otage de ces guerres extérieures, qui servent à légitimer l’existence des Pasdarans.

Capital : Donald Trump, le président américain, est-il une menace pour l’accord ? Il a promis de le déchirer pendant la campagne présidentielle et été très véhément envers le pays.

Mohammad Amin : Je ne pense pas qu’il remettra l'accord en cause, mais il sera très vigilant sur son application. Il a déjà d’ailleurs pris quelques mesures : il a sanctionné le géant chinois ZTE à cause de ses relations avec une société de télécommunication en Iran. Et contrairement à Barack Obama, qui avait organisé sa politique au Moyen-Orient en fonction de ses rapports avec l’Iran, Donald Trump semble plus prompt à s’opposer aux ingérences du régime iranien. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne trouveront pas un moyen de s’entendre : si l’Iran renonce à sa politique belliqueuse, Donald Trump sera sûrement prêt à trouver un terrain d'entente.