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Plainte

Attentat au camion-bélier de Berlin : la police accusée de falsification

Le ministre régional de l’Intérieur du Land de Berlin a déposé plainte contre la police locale, qu'il accuse d'avoir maquillé des négligences dans l’enquête sur l’attentat du marché de Noël.
par Nathalie Versieux, correspondante à Berlin
publié le 19 mai 2017 à 16h24

C’est une accusation lourde : la ville-Etat de Berlin a accusé la police criminelle locale LKA d’avoir falsifié un document dans l’enquête sur l’attentat au camion bélier du marché de Noël, le 19 décembre. Une plainte contre le LKA a été déposée par le ministre régional de l’Intérieur, Andreas Geisel, SPD, convaincu que les 12 victimes de l’attentat seraient toujours en vie sans les ratés des services de police. Un ministre de l’Intérieur qui porte plainte contre sa police… L’affaire suscite un vif émoi dans le pays.

Cocaïne, amphétamines, cannabis

Lorsqu'il prend le volant du camion volé à un routier polonais, le 19 décembre 2016, Anis Amri aurait pu, voire dû, se trouver depuis longtemps en prison. Deux documents sont au centre du scandale. Le premier, daté du 1er novembre 2016, est un rapport d'une policière de la division de lutte contre le terrorisme du LKA. Elle y assure qu'Anis Amri «est impliqué dans un trafic de stupéfiants en bande organisée». Il est question de cocaïne, d'amphétamines et de cannabis. Les enquêteurs savent qu'Amri est en contact avec le réseau de trafic de cocaïne, contrôlé à Berlin par une poignée de familles libanaises, au plus tard depuis juillet 2016. A cette époque, il avait en effet été impliqué dans une attaque au couteau aux allures de règlement de comptes, dans un bar à chicha appartenant à l'une des familles du milieu. A défaut de pouvoir coffrer le Tunisien pour ses activités terroristes, faute de preuves suffisantes qu'il préparait bien un attentat, les enquêteurs auraient pu, au plus tard début novembre, l'incarcérer pour l'importance de son activité de dealer.

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«Il faut l’admettre»

Conscients de cette négligence, les enquêteurs du LKA auraient alors manipulé les dossiers, selon les conclusions provisoires du rapport de Bruno Jost, commissaire chevronné à la retraite, nommé par la ville pour enquêter sur les pannes dans cette affaire. Le 17 janvier, un commissaire du LKA produit donc une nouvelle note au dossier Amri, antidatée du 1er novembre 2016, attestant de simples «soupçons de trafics de stupéfiants» au sujet du terroriste. De simples «soupçons» n'auraient pas permis de l'envoyer en prison. L'affaire apparaît au grand jour en mars dernier : lors de son enquête sur l'enquête, Bruno Jost s'aperçoit que le contenu papier du dossier Amri ne correspond pas au contenu de son dossier informatique… «Quand on travaille sous pression, il peut arriver qu'on fasse des erreurs. Mais lorsque ça arrive, il faut l'admettre ouvertement. Chercher à dissimuler les failles ne fait qu'empirer les choses», souligne le ministre régional de l'Intérieur Andreas Geisel, décidé à faire toute la lumière sur le scandale.

L’affaire Amri a choqué l’opinion en Allemagne, alors que les pannes semblent s’être succédé autour du cas de ce Tunisien débouté du droit d’asile que la République Fédérale n’avait pu expulser faute de coopération de la part des autorités tunisiennes. L’Allemagne s’était ensuite interrogée sur la fuite du terroriste, en train, via les Pays Bas, la France et l’Italie, alors qu’il était l’homme le plus recherché de toute l’Europe.

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