Justice-robot. Fantasme ou réalité ?

Par Philippe Créhange

Des algorithmes pour prendre une décision à la place d'un juge. Si la cour d'appel de Rennes expérimente bien depuis un mois un logiciel de prédiction, son premier président temporise.

Les algorithmes ? « Un outil un peu plus sophistiqué qu'il faut prendre comme un élément d'appréciation complémentaire », estime Xavier Ronsin, premier président de la cour d'appel de Rennes.
Les algorithmes ? « Un outil un peu plus sophistiqué qu'il faut prendre comme un élément d'appréciation complémentaire », estime Xavier Ronsin, premier président de la cour d'appel de Rennes. (Photo P.C.)

Dans le futur, les magistrats prendront-ils leurs décisions grâce à de savants calculs informatiques, les fameux algorithmes ? L'expérimentation lancée par les cours d'appel de Rennes et Douai (59) permet au moins de poser le sujet sur la table. La chancellerie a proposé à celles-ci de tester un logiciel lancé par une start-up, fondée par un élève avocat. 

Aide à la décision

Grâce à l'ouverture des données (open data), le jeune entrepreneur a acquis les informations issues de la base de données propre aux magistrats (Jurica), qui recense toutes les décisions prises par les cours d'appel en France. Avec son logiciel, Predictis, il peut, par exemple, établir une moyenne des indemnisations décidées dans des affaires similaires dans l'Hexagone, à partir de mots-clés. Une révolution qui enflamme le monde judiciaire même si elle ne concerne aujourd'hui que les chambres civiles, sociales et commerciales. 

Avec un tel système, n'y a-t-il pas en effet un risque de voir le magistrat supplanté par la machine dans la prise de décision ? Pour Xavier Ronsin, premier président de la cour d'appel de Rennes, « c'est un fantasme absolu. Ce n'est pas de la justice prédictive, c'est juste une aide à la décision. Les magistrats ont déjà des instruments et des barèmes. C'est un outil un peu plus sophistiqué qu'il faut prendre comme un élément d'appréciation complémentaire. » Et d'y voir des vertus. 

« En amont d'un procès, cela pourrait nous donner une idée des écarts par rapport à une moyenne des indemnisations allouées ». Le magistrat rennais, grand défenseur de la médiation, estime qu'un tel système pourrait contribuer à désengorger les tribunaux. Les informations issues de l'algorithme pourraient, par exemple, inciter les parties à négocier avec une compagnie d'assurance plutôt que de s'engager dans une longue et souvent coûteuse procédure.

« Le pénal, c'est tabou ! »


Ce système pose néanmoins question. Comme les taxis, la justice peut-elle être à son tour ubérisée ? « Ce n'est pas de l'ubérisation car on ne casse pas la justice ou les avocats. Ce n'est pas une justice-ordinateur », répond Xavier Ronsin. Mais si le système fait ses preuves pour le civil, le social ou le commercial, pourquoi le pénal, avec des dossiers plus lourds, ne pourrait-il pas être concerné lui aussi à l'avenir ? « Le pénal, c'est tabou ! Il est hors de question en l'état que l'on réduise une peine au produit d'un algorithme », martèle le magistrat.

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Et de rappeler le principe très français de la personnalisation des peines. « Chaque peine est adaptée aux faits et à la personnalité ». Avec les lois françaises autour des données personnelles, on imagine mal, en effet, un algorithme commencer à analyser les informations sur les profils des justiciables pour ensuite établir un jugement. « En France, ce serait un choc culturel ». Quant à l'expérimentation en cours, un bilan sera dressé en juin. « On va en discuter avec les collègues de Douai et on verra. » D'autres logiciels pourraient aussi être analysés. Car pour le moment, les magistrats-testeurs ne semblent pas vraiment emballés.

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