Quand le PS voulait ficher ses militants un peu trop «En Marche»

Une semaine avant le premier tour de la présidentielle, le PS a envoyé une lettre à ses Premiers secrétaires fédéraux, leur demandant les noms et les coordonnées des militants qui auraient soutenu un autre candidat que Benoît Hamon. Une méthode qui divise le parti.

 Dans cette lettre, Solférino demandait les noms et coordonnées des militants PS ne soutenant pas Hamon.
 Dans cette lettre, Solférino demandait les noms et coordonnées des militants PS ne soutenant pas Hamon. Capture écran

    14 avril 2017. La Commission nationale des conflits (CNC) du Parti socialiste (PS) envoie une lettre à tous les Premiers secrétaires fédéraux du parti, que nous nous sommes procurée. L'objet du courrier est le suivant : les «décisions du Premier secrétaire», Jean-Christophe Cambadélis, datées du Bureau national du 6 avril, «concernant les camarades qui ont pris la responsabilité de soutenir un autre candidat que celui issu des Primaires citoyennes [...] : Benoît Hamon.»


    Concrètement, Solférino appelle ses secrétaires fédéraux à divulguer les noms de tout militant socialiste qui ferait campagne pour un autre candidat que Benoît Hamon, comprenez pour Emmanuel Macron, qu'importe qu'ils aient simplement appelé à faire barrage au FN dès le premier tour ou qu'ils aient fait activement la campagne d'En Marche ! Un document interne signé de la main de Laurent Azoulai, président de la CNC.

    Un «courrier scandaleux»


    Le PS veut être informé du moindre pas de côté d'un de ses «camarades». Mais pour mettre sur pied cette liste, en vu d'une procédure d'expulsion, Solférino a besoin de preuves. Alors, le communiqué donne le mode d'emploi : «Afin de constituer des dossiers aussi incontestables que possible, je te remercie de bien vouloir adresser à la CNC, dans les plus brefs délais, tout élément factuel qui indiquerait la manifestation d'un soutien d'un camarade du Parti, quel qu'en soit la forme, à un autre candidat que celui du Parti (articles de presse, interviews, expressions sur les réseaux sociaux, mails, tracts, etc…)». Autant d'éléments à charge qui doivent être transmis avec «les coordonnées des camarades concernés».


    Dans une des fédérations, on est encore très remonté contre ce «courrier scandaleux». On nous précise que «des fédés ont répondu, disant que ça rappelait des vieilles méthodes, des heures sombres de l'Histoire, etc.». Mais pour d'autres, comme Philippe Dussert, Premier secrétaire de la fédération des Hautes-Pyrénées, c'est une initiative emplie de «cohérence». Pour lui, il faut «choisir son étiquette, savoir où on habite», ce qui n'empêche aucunement de gouverner ensemble par la suite. Il met toutefois une nuance à la lettre de Solférino : lui et sa fédération préfèrent gérer tout ça en interne et au niveau local en envoyant un courrier aux «camarades», et non pas à la CNC.

    Eviter la «chasse aux sorcières»


    Qu'ils soient d'accord ou non avec les directives du parti, tous dénoncent unanimement le «deux poids, deux mesures» entre cette chasse aux militants et le sort des cadres, Manuel Valls, Jean-Yves Le Drian et Gérard Collombs en tête. Philippe Dussert trouve «aberrant» et «incompréhensible» que les «concernés en premier chef» ne soient pas inquiétés. Le Premier secrétaire fédéral du Val-de-Marne, Jonathan Kienzlen, également conseiller régional d'Île-de-France, met en opposition le «militant qui, la veille du premier tour, finit par dire qu'il va voter Macron par peur du FN» et «l'élu ou le cadre qui fait campagne pour En Marche ! depuis le premier jour».


    De toute façon, selon lui, l'aventure sera «infaisable», à moins de virer à la «chasse aux sorcières». Il s'agace : «Dois-je mettre des échafauds à tous les coins de rue ? Si on met tout le monde dehors, c'est un suicide collectif.» Néanmoins, pour lui, une chose est sûre, ceux qui sont candidats, suppléants ou qui font sciemment campagne contre un candidat PS doivent être exclus. Mais pour les simples militants, Cyril Chappet, Premier secrétaire fédéral de Charente-Maritime, opte pour une «démarche conciliante» et nous assure qu'il voudra bien «s'occuper des militants quand Collomb sera officiellement exclu». Et d'ajouter : «Plutôt Desmoulins que Robespierre».