Lisez ce qui a valu à Raïf Badawi 1000 coups de fouets, et le prix Sakharov 2015

Le Saoudien, militant des droits de l'homme, est actuellement en prison pour avoir exprimé sa pensée. Nous reproduisons des extraits de son blog.

Par Romain Capelle

Publié le 30 octobre 2015 à 14h45

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h58

Le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit 2015 vient d'être attribué au Saoudien Raïf Badawi. Ce prix, remis par le Parlement européen chaque année depuis 1988 (son premier récipiendaire fut Nelson Mandela, cinq ans avant son prix Nobel de la paix), a été créé pour honorer une personnalité qui a apporté « une contribution exceptionnelle à la lutte pour les droits de l'homme dans le monde » et pour « attirer l'attention sur les violations des droits de l'homme tout en apportant un soutien aux lauréats ainsi qu'aux causes pour lesquelles ils se battent ».

Raïf Badawi est un blogueur et militant saoudien, fondateur du site Free Saudi Liberals (un blog où il invitait aussi d'autres contributeurs à débattre sur des sujets politiques et religieux) et dont nous vous parlions déjà en janvier 2015. Il est emprisonné depuis 2012, et condamné pour « insulte à l'islam » et « apostasie » à deux peines de 600 puis 1 000 coups de fouets, peine suspendue à cause de son état de santé et grâce (probablement) à la mobilisation internationale. A la suite de menaces, sa femme et ses trois enfants se sont depuis exilés au Canada.

Mais qu'a-t-il donc fait pour « mériter » un tel châtiment ? D'abord, il n'a  fait qu'écrire. Ensuite, il a surtout critiqué le régime de son pays, l'Arabie Saoudite, et particulièrement ses positions par rapport à la religion, sur un mode volontiers irrévérencieux et parfois sarcastique. Bref, c'est sa liberté d'opinion qui a été sanctionnée. Un petit aperçu de la très grande subversivité de ses propos avec ces morceaux choisis – traduits à partir d'une sélection de ses écrits, déjà traduite en anglais par le Guardian avec la collaboration d'Amnesty International :

“Les Etats basés sur une idéologie religieuse n'ont rien à part la peur de Dieu et une incapacité à se confronter au réel.”

« Un Etat religieux a pour principale préoccupation de répandre la culture de la mort et de l'ignorance parmi son peuple quand nous avons besoin de modernisation et d'espoir. Les Etats basés sur une idéologie religieuse n'ont rien à part la peur de Dieu et une incapacité à se confronter au réel. Regardez ce qui est arrivé après que les peuples européens aient réussi à bannir le clergé de la vie publique et à le cantonner à ses églises. Ils ont été humanistes et ont [promu] l'esprit des Lumières, la créativité et la rébellion. Les Etats basés sur la religion confinent leur peuple dans le cercle de la foi et de la peur. »

« Aussitôt qu'un penseur commence à révéler ses idées, vous allez trouver des centaines de fatwas l'accusant d'être un infidèle juste parce qu'il a eu le courage de discuter de sujets sacrés. Je suis effrayé que des penseurs arabes aient à émigrer à la recherche d'air frais pour échapper au sabre des autorités religieuses. »

« Pour moi, le libéralisme signifie simplement vivre et laisser vivre. C'est un slogan superbe. Cependant, la nature du libéralisme  — particulièrement sa version saoudienne — a besoin d'être clarifiée. Il est encore plus important de décrire les caractéristiques et paramètres que recouvrent le libéralisme, ce à quoi l'autre bord, contrôlant et et clamant le monopole exclusif de la vérité, est si hostile qu'il est conduit à tout discréditer sans discussion ou compréhension complète de ce que le mot signifie. »

« La laïcité respecte tout le monde et n'offense personne. La laïcité est la solution pratique pour élever les pays (Arabie Saoudite incluse) du tiers monde vers le “premier monde”. »

« Aucune religion n'a aucune sorte de lien avec le progrès civique de l'humanité. »

Il y a quelques semaines, le Premier ministre français s'est enorgueilli de la signature de contrats d'armement de plusieurs milliards de dollars avec le royaume saoudien lors d'une visite à Riyad, tout en justifiant une grande discrétion sur la question des droits de l'homme dans le pays.

A lire :

L'annonce officielle de la remise du prix

Les écrits de Raïf Badawi traduits en anglais, sur le site du Guardian

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