CANNES - Sans prévenir, ils arrivent dans les locaux d'un groupe pharmaceutique. "Melton Pharm, assassins!", scandent-ils tout en arrosant les bureaux de faux sang. Dans le premier extrait de "120 battements par minute" de Robin Campillo, présenté ce samedi 20 mai au festival de Cannes, l'association Act Up est en pleine action coup de poing.
Comme Adèle Haenel, qui incarne la militante Sophie dans ce long-métrage du réalisateur des "Revenants", les activistes de l'association de lutte contre le sida fondée en France en 1989 ont rarement eu froid aux yeux lorsqu'il s'agissait de mettre en place des actions chocs.
Dans les années 90, Act Up, créée à Paris deux ans après sa grande sœur américaine par Didier Lestrade, est connue pour ses coups d'éclat, ses mises en scène impeccables et ses méthodes de militantisme spectaculaires. Quand Act Up s'attaquait à une personne ou à un groupe problématique, les conséquences se faisaient sentir. "A cette époque, pour faire avancer un dossier, on agitait la menace de prévenir Act up. Et ça marchait...", racontait à L'Express un ancien responsable de l'association.
Préservatif sur l'obélisque de la Concorde
L'une des actions les plus connues d'Act Up est celle de "l'encapotage" de l'obélisque de la Concorde à Paris le 1er décembre 1993. Un préservatif géant rose financé par la marque Benetton pour faire passer un message simple: "Sida, que cesse cette hécatombe". L'une de leur plus grande réussite médiatique.
Les "zaps", leur marque de fabrique
Plus généralement, ce sont ce qu'Act Up appelle les "zaps", des actions spectaculaires organisées minutieusement pour interpeller "face à des situations inextricables, que des rendez-vous, des pressions ou le dialogue n'ont pu résoudre", peut-on lire sur le site de l'association, qui font l'ADN de cette association.
Dans un article de 1999, L'Express raconte ce zap conduit contre le laboratoire Abbott, accusé de délivrer en trop faible quantité un nouveau médicament pour les séropositifs. "C'est un zap de vengeance. Abbott refuse d'aller au-delà de 40 malades pris en charge pour toute la France. Ils se foutent de nous. Alors, allez-y, défoulez vous!", raconte Didier Lestrade. Croix en bois sur le sol, affiches sur les murs, faux sang projeté dans des préservatifs ont suivi.
L'association est également connue pour ce slogan fort qui restera dans les mémoires: "silence = mort". A l'époque, des milliers de personnes mourraient du sida, les homosexuels en premier lieu.
Tous comme pour leurs multiples "die in", lorsque des militants s'allongeaient sur la voie publique pour symboliser les morts du sida. Comme ce 1er décembre 1994 en plein milieu des Champs Elysées, ou, plus récemment, devant Notre-Dame de Paris en 2009 pour protester contre les propos du pape Benoît XVI sur le préservatif.
Si aujourd'hui, l'association connaît quelques difficultés financières et des forces militantes un peu plus clairsemées, elle n'en continue pas moins à agir, 28 ans après sa création. En témoigne par exemple le faux sang versé sur la façade de la fondation Lejeune, dont la directrice était Ludovine de la Rochère, également présidente de la Manif pour tous.
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