Au Brésil, la corruption jusqu’à l’écœurement
Enregistré en flagrant délit, le président Temer est à son tour atteint par le gigantesque scandale de corruption qui éclabousse une centaine de politiques. Les Brésiliens sont dans la rue.
Cela fait trois ans que le Brésil vit au rythme du scandale Petrobras. Démarrée sur fond de corruption et de détournement d’argent public impliquant la compagnie pétrolière d’État, l’affaire Petrobras a jeté une lumière crue sur la cupidité de la classe politique, tous partis confondus, et des milieux d’affaires brésiliens. Une centaine de politiciens sont déjà mouillés.
Cette fois, c’est le président de centre droit Michel Temer, 76 ans, qui est dans l’œil du cyclone. Mercredi, le journal O Globo a rendu public un enregistrement sonore dans lequel le chef de l’État approuve le versement de pots-de-vin à son ancien allié Eduardo Cunha, un temps président de la Chambre des députés, et aujourd’hui en prison, « pour qu’il garde le silence ».
L’auteur de l’enregistrement pirate ? Le patron du géant brésilien de la viande JBS, impliqué dans un scandale de bœuf avarié et diverses affaires de corruption. Il s’assure ainsi la clémence de la justice…
Michel Temer répète mordicus qu’il ne démissionnera pas. Mais trois de ses ministres ont quitté le gouvernement et les Brésiliens sont descendus dans la rue, dès jeudi soir, pour exiger son départ.
« Dehors Temer »
« Nos politiques nous font honte, et Temer en premier. Aujourd’hui, il est clair qu’il est corrompu. Il n’y a pas d’autre issue qu’une nouvelle élection », dit Paulo, un retraité venu avec une pancarte « Dehors Temer ». Si Temer démissionne ? Selon la Constitution, la fonction serait provisoirement exercée par le président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia, sous le coup d’une enquête dans le scandale Petrobras…
Touchés par la dégringolade économique et un taux de chômage de 15 %, les Brésiliens sont exaspérés. Le 10 mai dernier, c’est l’ancien président de gauche Lula, si populaire durant ses mandats (2003-2010), qui était entendu par un juge, toujours pour Petrobras. Quant à la droite conservatrice, alliée depuis un an du président Temer, son chef de file Aécio Neves a lui aussi été enregistré à son insu quand il demandait 500 000 € pour les avocats qui le défendent dans un dossier de… corruption.
Sans oublier que si Temer est arrivé au pouvoir, c’est parce qu’il était le vice-président de Dilma Roussef (2010-2016), la dauphine de l’icône Lula, démise de ses fonctions pour maquillage de comptes publics. Roussef s’est toujours posée en victime d’un complot de Temer et Cunha, celui qu’il faut arroser en prison « pour qu’il garde le silence ».
« On veut que Temer dégage, mais surtout on veut des élections, directes et tout de suite », dit Tatiana. La professeure de l’Université de Rio reprend là un slogan bien connu. Il était utilisé dans les années 1980 à la fin de la dictature militaire.