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Cannes 2017 : « Petit paysan », la solitude de l’éleveur luttant contre un mal invisible

Le premier long-métrage d’Hubert Charuel, fils d’agriculteurs, évoque avec force l’isolement d’un homme et l’écroulement d’un monde.

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Publié le 21 mai 2017 à 06h41, modifié le 12 avril 2018 à 15h40

Temps de Lecture 2 min.

L’acteur français Swann Arlaud à Cannes, le 20 mai 2017.

Semaine de la critique

Bonne pioche à la Semaine de la critique. Ce Petit paysan, présenté en séance spéciale, samedi 20 mai, est le premier long-métrage d’un jeune homme de 31 ans, Hubert Charuel, issu d’une famille d’agriculteurs champenois. Celui-ci s’était d’abord tourné vers des études vétérinaires, avant d’intégrer la Fémis en section « production » et d’en sortir diplômé en 2011.

Cette fiction sur les difficultés d’un éleveur de vaches laitières, inspirée des épisodes de panique liés à l’épidémie de la vache folle ou à celle de la fièvre aphteuse, Charuel l’a tournée dans la ferme même de ses parents (qu’il fait également apparaître dans de petits rôles), moins comme un banal retour aux origines que pour explorer de l’intérieur les angoisses dévorantes d’un milieu peu représenté au cinéma.

L’engrenage infernal qu’il décrit rend compte très précisément du « paysage » psychologique de son protagoniste

Or, Petit paysan ne doit pas sa force au seul fait que son réalisateur sache parfaitement de quoi il parle. L’engrenage infernal qu’il décrit rend compte très précisément, et avec une grande clarté, du « paysage » psychologique de son protagoniste. Pierre (Swann Arlaud, très impressionnant) est aux petits soins pour la trentaine de vaches qu’il élève. Hormis les visites de ses parents et de Pascale (Sara Giraudeau), sa sœur vétérinaire, il vit seul dans son exploitation laitière, sans beaucoup de temps à consacrer aux autres.

Alors que les journaux télévisés font état de l’apparition d’une épidémie, et que des troupeaux entiers sont abattus par mesure de précaution, Pierre constate qu’une de ses vaches en présente les symptômes. Pour ne pas perdre son cheptel, il décide d’étouffer l’incident et de ne rien déclarer aux autorités sanitaires.

Lire le portrait : Sara Giraudeau, fausse naïve

Thriller psychologique

Très vite, le récit endosse les codes du thriller psychologique, emboîtant le pas d’un personnage sous pression qui s’engage dans une voie de dissimulation et de mensonge. Solitaire et maniaque, Pierre pèche par une excessive volonté de contrôle, luttant seul contre la propagation d’un mal invisible qui suscite chez lui une véritable obsession.

S’enclenche alors la double mécanique du déni et de la paranoïa : en cherchant à se dérober à une réalité (la contamination du troupeau), Pierre se laisse envahir par sa propre inquiétude, qu’il projette sur les autres, voisins, parents et amis. Toute personne extérieure à son exploitation devient pour lui une menace et le voilà bientôt qui se laisse engloutir par ses malversations.

La logique fatale du thriller renvoie à l’isolement profond du héros

Derrière cela, se profile encore le rapport trouble de Pierre à son bétail : un transfert affectif qui évacue toute forme de désir et inhibe l’expression de sa sexualité (le personnage de la boulangère amoureuse que Pierre s’acharne à repousser).

La logique fatale du thriller renvoie, on le comprend, à l’isolement profond du héros, à son enfermement irrécupérable dans un métier dangereusement envahissant, à son emprisonnement dans la somme écrasante des tâches quotidiennes. A terme, Petit paysan s’avère sans doute moins un film sur le sacerdoce de la condition paysanne, considérée dans sa généralité, que sur l’incroyable difficulté d’un homme à accepter le changement, y compris quand son propre monde semble s’écrouler tout autour de lui.

Film français d’Hubert Charuel avec Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Bouli Lanners, Isabelle Candelier, Marc Barbé, India Hair (1 h 30). Sortie en salle le 30 août. Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/pyramide-distribution-prochainement/petit-paysan.html

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