Législatives : il n’y aura pas de bureaux de vote dans les prisons

Jean-Jacques Urvoas, le garde des Sceaux du gouvernement sortant, en a informé les défenseurs début mai.

Marseille (Bouches-du-Rhône), le 9 décembre 2016. Un second bâtiment a ouvert mi-mai aux Baumettes.
Marseille (Bouches-du-Rhône), le 9 décembre 2016. Un second bâtiment a ouvert mi-mai aux Baumettes. AFP/Bertrand Langlois

    Pour voir des isoloirs dans les prisons, il faudra encore attendre. Le 14 mars dernier, l'ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas avait annoncé «qu'une étude de faisabilité allait être menée en vue d'une éventuelle expérimentation du vote en détention des personnes détenues aux élections législatives de juin prochain». Une promesse faite au lendemain d' une rencontre avec François Korber, le délégué général de l'association d'aide aux détenus Robin des Lois, qui a fait de l'installation de bureaux de vote derrière les murs son nouveau combat. Une campagne menée aux côtés du député (EELV) Sergio Coronado ainsi que des avocats Emmanuel Ludot et Jean-Christophe Ménard, et de la professeure de droit pénal Martine Herzog-Evans.

    Lors de leur «appel citoyen» lancé en novembre dernier, les promoteurs de cette réforme rappelaient que moins de 4% des quelque 50 000 détenus en droit de glisser un bulletin dans l'urne avaient fait usage de leur droit lors l'élection présidentielle de 2012. Depuis 2009, la loi pénitentiaire permet aux détenus de s'inscrire sur les listes de la commune de la prison. Et de voter ensuite, soit par procuration, soit grâce à une permission de sortie.

    «Dans les faits, ces possibilités sont très difficiles à mettre en œuvre, nous confiait à l'époque Jean-Christophe Ménard, également maître de conférence en droit public. Il n'est pas évident de trouver une personne digne de confiance à qui confier une procuration. Aux municipales de 2014, seuls 519 prisonniers ont utilisé ce système. Quant aux permissions de sortie, elles ne sont quasiment jamais octroyées : seulement 54 en 2014.» L'annonce de l'expérimentation promise par le Garde des Sceaux avait donc de quoi réjouir les promoteurs de la mesure.

    Urvoas préconise le vote par correspondance

    Las. Dans un courrier du 5 mai, à quelques jours de la fin de son bail à la Chancellerie, Jean-Jacques Urvoas explique que l'essai ne pourra pas être transformé. «Il ressort de l'analyse effectuée par mes services et des éléments recueillis auprès de certains établissements, en lien avec les services de la préfecture et des mairies, qu'une telle expérimentation n'est pas envisageable pour les élections à venir compte tenu du cadre fixé par le code électoral, et en l'absence de base légale autorisant une telle expérimentation», précise-t-il.

    Jean-Jacques Urvoas se dit néanmoins «attaché à la promotion de la participation des personnes détenues aux processus électoraux» et préconise le recours au vote par correspondance sous pli fermé, «sur le modèle de l'élection des députés représentant les Français de l'étranger».

    «Cette réponse nous consterne, réagit François Korber. Le vote par correspondance ne pourra pas mieux fonctionner que le vote par procuration. Il ne permettra pas d'incarner la dimension symbolique et citoyenne du bulletin dans l'urne. En permettant aux détenus de participer à ce rituel républicain, on favorisera leur réinsertion future.» Sur le fond, les partisans de la réforme considèrent qu'une modification législative n'est pas nécessaire et qu'un décret suffirait.

    Malgré ce coup d'arrêt, Robin des Lois ne compte pas en rester là. François Korber demande désormais à être reçu par les nouveaux ministres de l'Intérieur et de la Justice.