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À Cannes, Brexit et cinéma ne font pas bon ménage

Le cinéaste britannique Ken Loach a reçu la palme d'or en 2016 à Cannes pour son film «Moi, Daniel Blake». Eric Gaillard/REUTERS

Sur la Croisette, le «British Exit» est au cœur de nombreuses discussions. Cinéastes et producteurs observent et redoutent ses effets sur l'industrie du grand écran. Un an après la palme d'or 2016, décernée à la production britannique, Moi, Daniel Blake...

Le Brexit est un film à suspense dont les professionnels du cinéma se seraient bien passés. Le sujet est au centre de bien des discussions chez les producteurs et réalisateurs, européens comme britanniques, venus faire des affaires au Festival de Cannes.

«Nous avons vraiment le cœur brisé», explique la productrice britannique Elizabeth Morgan Hemlock, qui travaille sur un documentaire consacré aux services de renseignement, avec un réalisateur parisien. «Pendant vngt ans, j'ai passé mon temps à voyager en Europe, que ce soit pour des co-productions sur l'île de Grande Canarie (Espagne) ou au Festival du film de Berlin. Il y a une inquiétude sur le fait que les lois changent et que tout devienne plus difficile que ça ne l'est déjà», explique-t-elle: «Nous sommes en train d'être coupés de nos confrères» continentaux.

Selon l'Institut britannique du film, les investissements étrangers représentaient 86% des 2,2 milliards d'euros dépensés dans des productions britanniques ces 12 derniers mois.

Parmi les principaux motifs de préoccupation des professionnels, les conséquences qu'auront des contrôles accrus de l'immigration pour une industrie largement ouverte sur le monde, et les restrictions potentielles pour accéder aux financements européens. Ces investissements ont permis ces dernières années de financer de grands succès du cinéma britannique, comme Le discours d'un roi qui a permis à Tom Hooper de remporter un Oscar en 2011, ou la Palme d'or 2016 de Ken Loach pour Moi, Daniel Blake . L'industrie du film britannique est très largement financée par des capitaux extérieurs. Selon l'Institut britannique du film, les investissements étrangers représentaient 86% des 2,2 milliards d'euros dépensés dans des productions britanniques ces 12 derniers mois.

Certains s'inquiètent encore davantage des conséquences imprévisibles d'une sortie sèche du marché unique, en cas d'échec des négociations avec l'UE et de «hard Brexit». À Cannes, plusieurs producteurs européens sont déjà réticents à l'idée de travailler avec des maisons britanniques tant que les perspectives post-Brexit ne sont pas plus claires. «Nous sommes une entreprise internationale, qui travaille avec des agents partout, souvent aux États-Unis. Et ils nous disent “Si vous le pouvez, évitez de lancer de nouveaux projets de production avec des Britanniques”», rapporte le producteur allemand Jens Meurer. «Ce n'est pas pour punir le Royaume-Uni. Ce n'est une bonne nouvelle pour personne».

Des tournages délocalisés?

Mauvaise nouvelle supplémentaire pour les Britanniques, certaines producteurs pourraient contourner la difficulté en tournant en anglais, dans des pays de l'UE comme l'Allemagne ou la Belgique, avec par exemple des acteurs américains, affirme M. Meurer. Sur le plan technique également, certains professionnels ont beaucoup à perdre: Emjay Rechsteiner, le producteur néerlandais de The Devil's Double (2012) s'inquiète notamment de ne plus pouvoir travailler avec des ingénieurs du son britanniques - les «meilleurs d'Europe», selon lui.

Certains tentent tout de même de garder un peu d'optimisme. Au Festival de Cannes, une conférence sur le Brexit a vu affluer les professionnels inquiets, qui ont pu se mettre du baume au cœur avec une juriste bruxelloise, Sunniva Hansson. Selon elle, il n'y a pas de raison pour que le Royaume-Uni renonce au crédit d'impôt de 25% qu'il accorde aux productions de films. Les structures juridiques qui permettent de coproduire en Europe ne devraient pas non plus être remises en cause.

Sans compter que certains pays, comme l'Ukraine, n'appartiennent pas à l'Union européenne mais ont quand même accès aux mécanismes d'aide qu'elle met en place. Depuis 2007, les cinéastes britanniques ont reçu près de 130 millions d'euros du programme MEDIA de l'Union européenne.

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2 commentaires
  • Felix T.

    le

    Le problème n'est pas le Brexit, mais le chantage , les pressions et mesures de rétorsion que Macron et ses acolytes à Bruxelles vont s'évertuer à mettre sur la route des Britanniques. Le talent et la créativité n'ont pas grand chose à voir avec l'UE organisme de propagandes subventionné digne des régimes totalitaires.

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