Saga

Au cœur du feuilleton russe, un ex-conseiller de Trump invoque le droit au silence

Limogé en février par la Maison Blanche pour avoir menti sur ses contacts avec la Russie, l’ancien général Michael Flynn refuse de coopérer avec une commission du Sénat. Il est également accusé d’avoir menti au Pentagone.
par Frédéric Autran, correspondant à New York
publié le 23 mai 2017 à 6h34

C'est un épisode de plus dans l'interminable feuilleton russe. Et il risque d'alimenter les soupçons qui pèsent sur l'entourage de Donald Trump. L'éphémère conseiller à la sécurité nationale du président américain, Michael Flynn, a invoqué lundi son droit au silence pour refuser de fournir au Congrès des documents relatifs à ses liens avec la Russie. Outre le FBI, plusieurs commissions parlementaires enquêtent en effet sur l'ingérence présumée de Moscou dans la campagne présidentielle (via notamment le piratage des e-mails du parti démocrate) et sur une possible collusion entre des membres de l'équipe Trump et des proches du Kremlin.

5e amendement

Après avoir tenté sans succès de les obtenir volontairement, la commission du Renseignement du Sénat avait ordonné le 10 mai à l’ancien général Flynn de lui fournir une série de documents. Parmi eux: une liste de toutes ses rencontres et communications avec des responsables russes, ainsi que des détails sur toutes ses conversations avec l’équipe Trump liées de près ou de loin à la Russie pendant toute la durée de la campagne.

Comme l'y autorise la loi américaine, Michael Flynn a informé le Congrès, via une lettre de ses avocats révélée par Associated Press, qu'il refusait de fournir les documents concernés. Le 5e amendement de la Constitution, invoqué par l'ancien général, stipule qu'une personne ne peut être contrainte à «témoigner contre elle-même». Sous-entendu, à fournir des éléments susceptibles d'être plus tard retenus contre elle. «Le contexte dans lequel la commission a appelé le général Flynn à produire des documents indique clairement que celui-ci a une crainte raisonnable que tout témoignage qu'il fournira pourrait être utilisé contre lui», justifient ses avocats.

30 000 euros

Limogé mi-février par Donald Trump, officiellement pour avoir menti au vice-président Mike Pence sur la nature de ses contacts avec l'ambassadeur de Russie à Washington, Michael Flynn est au cœur de l'affaire de l'ingérence présumée de la Russie dans l'élection de l'an dernier. Outre ses contacts répétés avec l'ambassadeur de Russie, les enquêteurs veulent aussi en savoir plus sur un voyage qu'il a effectué à Moscou fin 2015. Lors de ce déplacement, à l'occasion des dix ans de la chaîne officielle Russia Today, Flynn avait dîné aux côtés du président russe et prononcé un discours. En échange d'une rémunération d'environ 30 000 euros. En outre, il lui est reproché d'avoir sciemment omis l'an dernier de s'enregistrer comme «agent étranger», alors qu'il a touché plus d'un demi-million de dollars pour défendre les intérêts de la Turquie.

Dans leur lettre adressée au président et au vice-président de la commission, les avocats de Michael Flynn dénoncent un parti pris contre leur client de la part de certains élus américains. «De nombreux membres du Congrès ont exigé qu'il fasse l'objet d'une enquête voire qu'il soit inculpé, écrivent-ils. Il est la cible presque quotidienne d'allégations scandaleuses, souvent attribuées à des sources anonymes au Congrès ou du gouvernement américain. Bien que fantaisistes et dépourvues de preuves, ces allégations nourrissent l'hystérie publique grandissante contre lui», ajoutent-ils pour justifier le refus de coopérer de leur client.

Immunité refusée

Contrairement à Michael Flynn, l'ancien directeur de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, et son conseiller et ami Roger Stone, ont, selon CNN, accepté de fournir des documents et des informations à la commission sénatoriale. En réponse au refus de Flynn, la commission pourrait en théorie l'accuser d'outrage au Congrès, ce qui pourrait ouvrir la voie à une procédure judiciaire. Complexe, longue et incertaine, une telle démarche est toutefois rarement menée à terme par les élus américains. «C'est le droit de Mike Flynn d'invoquer le 5e amendement. Nous découvrirons la vérité d'une manière ou d'une autre. Nous avons besoin de faits, pas de spéculation et de sources anonymes», a réagi sur Twitter le sénateur républicain de l'Oklahoma, James Lankford. L'élue démocrate Dianne Feinstein a estimé de son côté que la décision de Flynn était «malheureuse mais pas inattendue».

Il y a quelques semaines, l'ancien conseiller de Donald Trump avait réclamé l'immunité en échange de son témoignage, ce qui lui avait été refusé. Depuis, l'étau ne cesse de se resserrer. Dans une lettre rendue publique lundi après-midi, un élu démocrate de la commission de surveillance de la Chambre affirme que Michael Flynn a menti l'an dernier aux enquêteurs du Pentagone chargés d'examiner sa demande d'habilitation de sécurité de niveau «top-secret». En février 2016, deux mois seulement après son discours rémunéré par Russia Today, l'ancien général aurait ainsi assuré n'avoir reçu aucun revenu de la part de compagnies étrangères. Son manque de transparence et sa volonté apparente de tromper le Pentagone pourraient lui valoir des poursuites judiciaires. Mentir à des agents fédéraux est un effet un crime passible de cinq ans de prison.

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