Talleyrand, le diable boiteux, seul personnage à la mesure de Napoléon. Aussi détestable qu’admirable, suprêmement intelligent et de surcroit visionnaire en géopolitique. Son esprit fait merveille, mais il inspire aussi quelques critiques du même ton. Bref, l’humour est à la fête, sans forcer le trait dans l’Histoire en citations.
« Quand Monsieur de Talleyrand ne conspire pas, il trafique. »1786
Chateaubriand déteste cet homme politique qui a trahi la noblesse, la religion, la France, qui vit en état de débauche et s’enrichit sans le moindre scrupule.
C’est un fait, Talleyrand sera accusé de bien des trahisons et des malversations. Mais dans son esprit, il sert la France, et c’est souvent vrai. La politique est un métier complexe, il y fera carrière, alors que Chateaubriand échouera, n’ayant ni les qualités, ni les défauts pour ça. Génie littéraire du siècle (avant Hugo qui le prend pour modèle), sa vocation sera surtout dans l’opposition aux divers régimes - Révolution, Empire, Restauration.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Ne dites jamais de mal de vous. Vos amis s’en chargeront toujours. »1787
TALLEYRAND. Dictionnaire des citations françaises, Dournon
Le mot qui lui est attribué va bien à ce cynique, sans illusion sur les hommes. Mérimée, dans ses Lettres d’Espagne, reprend la citation : « Un vieux diplomate de mes amis, homme très fin, m’a dit souvent… »
« Si, quand cet homme vous parle, son derrière recevait un coup de pied, sa figure ne vous en dirait rien. »1789
Joachim MURAT (roi de Naples), parlant de Talleyrand. Murat (1983), Jean Tulard
Souvenir de son éducation religieuse et manières de seigneur, jointes à des qualités de grand diplomate. Tout le contraire de Murat, jeune homme pauvre, fils d’aubergiste, intrépide et impétueux, surnommé le Sabreur, mais piètre politicien.
« Ne suivez jamais votre premier mouvement, il est toujours généreux. »1790
TALLEYRAND, aux jeunes secrétaires d’ambassade. Mémoires d’un touriste (1838), Stendhal
Pour l’écrivain contemporain Cioran, c’est « le plus grand praticien du cynisme ; tous les philosophes cyniques sont des enfants de chœur à côté de lui ».
« Vous êtes un voleur, un lâche, un homme sans foi. Vous ne croyez pas à Dieu ; vous avez toute votre vie manqué à tous vos devoirs, vous avez trompé, trahi tout le monde […] Tenez, Monsieur, vous n’êtes que de la merde dans un bas de soie. »1834
NAPOLÉON Ier, à Talleyrand, Conseil des ministres restreint convoqué au château des Tuileries
Il a appris que Talleyrand complote avec Fouché pour préparer sa succession - sans nouvelles de lui, on l’imagine victime de la guérilla en Espagne où il aide son frère Joseph. Sitôt rentré, il épargne Fouché, ministre de la Police, mais injurie le prince de Bénévent, impassible - et sort en claquant la porte.
« Quel dommage, Messieurs, qu’un si grand homme soit si mal élevé ! »1835
TALLEYRAND, 28 janvier 1809, Talleyrand, ou le Sphinx incompris (1970), Jean Orieux
Mot parfaitement en situation, après l’injure lancée devant témoins par l’empereur furieux. Talleyrand se venge de l’affront public, avec une certaine classe diplomatique. Il redit ce mot à divers ambassadeurs.
« Que voulez-vous, mon cher, la religion se perd ! »1837
TALLEYRAND à Fouché, ministre de la Police, en 1809. Le Crapouillot (1955)
Il s’étonnait qu’on ne trouve pas un moine fanatique, genre Jacques Clément qui assassina Henri III, pour débarrasser la France du Corse. Il rejoindra Talleyrand dans la disgrâce. Les deux compères se retrouvent au pouvoir à la Restauration : « le vice appuyé sur le bras du crime », notera Chateaubriand.
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