"Les jours heureux par le CNR"

Légende :

Couverture du programme d'action du Conseil national de la Résistance, baptisé "Les jours heureux", adopté le 15 mars 1944.
Voir la brochure dans l'album joint.

Genre : Image

Type : Brochure

Source : © Fondation de la Résistance Droits réservés

Détails techniques :

Brochure imprimée
Dimensions : 20,2 x 11,6 cm

Date document : juin 1944

Lieu : France

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Analyse média

Signé le 15 mars 1944 à l’unanimité des membres du Conseil national de la Résistance, le « programme d’action de la Résistance » comprenait deux parties : l’une sur les mesures à prendre avant et pendant la libération du territoire (et notamment le renforcement et l’organisation de la lutte armée) et la seconde, consistant en un programme de réformes pour l’après-libération marqué par la volonté d’instaurer une « démocratie économique et sociale ». Il est largement mis en œuvre à la Libération par le Gouvernement provisoire de la République française avec le soutien de la quasi-totalité des tendances politiques.

Le programme est édité clandestinement en brochure par le mouvement Libération de zone sud. Deux jeux de clichés en galvanotypie, exécutés à Paris, permettent une double impression, en région lyonnaise et surtout à Toulon, par l’imprimerie Azzaro (200 000 exemplaires). L’exemplaire reproduit, qui appartenait à un des responsables de Libération-sud, Serge Ravanel, fait partie d’ une édition numérotée à 100 exemplaires sous couverture cartonnée, tirée à Paris chez l’imprimeur Gaulier (11 rue Malebranche), en juin 1944. Le titre de la brochure avait de multiples connotations à l’époque. Il rappelait un grand succès du théâtre de boulevard de 1938 adapté en film en 1941, mais c’était aussi la traduction de Happy Days, la chanson emblématique de la première campagne électorale de Roosevelt, au moment du New Deal.


Auteur : Paulina Brault

Sources :

Bruno Leroux, Traces de Résistance, Fondation de la Résistance, 2011.

Claire Andrieu, Le programme commun de la Résistance, Les Editions de l’Erudit, 1984 ; Jules Meurillon, Julien Léonard. Un résistant ordinaire éditeur clandestin de Libération (1940-1945). Préface de Lucie Aubrac, Morlaix, impr. du Viaduc, 2000.

Contexte historique

Le CNR exerce une influence déterminante sur l'histoire de la Résistance. L'annonce de sa réunion achève de décider les Alliés à autoriser le départ pour Alger du général de Gaulle. Sa création a donc contribué à rendre possible un modèle démocratique de libération à travers la création du Comité français de la Libération nationale : le Conseil soutient le CFLN face aux alliés qui refusent de le reconnaître comme gouvernement légitime et face à Vichy ; il se fait aussi le porte-parole de la Résistance intérieure auprès du CFLN, car les consignes venues de Londres ou Alger montrent parfois une méconnaissance de la réalité en France. Le Conseil lance des mots d’ordre, répercutés par les organisations de Résistance (manifestations patriotiques…). Sa commission d’action contre la déportation (CAD) coordonne la lutte contre le STO. Le Conseil est aidé par les Comités de la Libération au niveau départemental ou local : représentants les Résistants locaux, ils ont pour rôle le développement de la lutte contre l’occupant et l’installation des autorités nouvelles. 
Le 6 juin 1944, le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) n’est pas associé aux opérations militaires du débarquement et le général Eisenhower s’adresse aux Français sans le mentionner ; les Résistants, par la voix du CNR et des CDL, émettent une vigoureuse protestation. Le Conseil, le 18 juin 1944, après avoir consulté tous ses membres, lance un appel général à l’insurrection.

En outre, la rédaction par le CNR d'un programme commun adopté à l'unanimité des membres le 15 mars 1944 a préparé les voies d'une rénovation démocratique dans le pays. Ce programme, également appelé "Les jours heureux", a inspiré les grandes réformes de la Libération : nationalisation des grands moyens de production, planification, comités d'entreprise, statut du fermage et du métayage, sécurité sociale.

Pour en citer quelques unes :
- réforme de la Fonction publique ; création de l’ENA (juin 1945) 
- premières ordonnances sur la Sécurité Sociale (octobre 1945) 
- nationalisation de la Banque de France et des grandes banques de crédit (décembre 1945) 
- nationalisation du gaz et de l’électricité et des grandes compagnies d’assurances (avril 1946) 
- loi sur les Comités d’entreprises ; création des Charbonnages de France et nationalisation de toutes les Houillères (mai 1946) 
- loi sur les prestations familiales (août 1946) 
- loi sur les assurances vieillesse (septembre 1946) 
- statut de la Fonction Publique (octobre 1946). 

Il faut rappeler que le droit de vote et d'éligibilité des femmes n'était pas prévu dans le programme du CNR. La décision d'un droit de vote réellement universel est prise par le Comité français de la Libération nationale (CFLN) après avis favorable de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger, le 27 mars 1944. Il faut encore attendre l'ordonnance du 21 avril 1944 qui régit le fonctionnement du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) ayant succédé au CFLN pour voir officialisé dans les textes ce droit. Son article 17 précise : "Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes".

Si le CNR a surtout été un symbole, si ce n’est pas lui qui a mené en France le combat armé pour la Libération, son rôle a été fondamental vis-à-vis de l’extérieur. Il a aussi contribué à maintenir l’unité.

Si le programme du CNR a joué un rôle symbolique déterminant dans la vie politique jusqu'en 1946, il n'en va pas de même du CNR lui-même. Son effacement de la scène nationale s'est produit en trois temps : d'abord, dès les premiers jours de la Libération, en raison de l'affirmation incontestée de l'autorité du GPRF, puis avec le "retour à l'ordre républicain" définitivement adopté par le Parti communiste au mois de janvier 1945, et enfin lors de la remise en marche de la démocratie représentative avec la reprise des compétitions électorales. Vestige du passé dès 1945, il a peu à peu cessé toute activité.


Paulina Brault