Afro : Libreville réveille le culte des ancêtres

Le colloque récemment tenu dans la capitale gabonaise en dit long sur la forte demande d'Afrique qui traverse toutes les communautés afro du monde. Illustration.

Par notre correspondant à Libreville, Pierre-Eric Mbog Batassi

Le professeur d'histoire, Elikia Mbokolo, très connu des auditeurs de
Le professeur d'histoire, Elikia Mbokolo, très connu des auditeurs de "Mémoire d'un continent" sur Radio France Internationale, était présent au colloque de Libreville sur les afro-descendants. © DR

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Cette rencontre des 17, 18 et 19 mai 2017 a revivifié un chapitre important de la relation entre les personnes à ascendance africaine aujourd'hui hors du continent et l'Afrique, la terre à laquelle leurs ancêtres ont été arrachés. Elle a surtout permis aussi aux afro-descendants de célébrer des retrouvailles et de lancer un cri d'espoir pour dire non à l'humanité brisée par les chaînes de l'esclavage et tracer ensemble les chemins d'un avenir plus radieux.

Non à la discrimination et la stigmatisation

Pendant cette rencontre, au-delà de l'aspect festif de l'événement, marqué par des animations musicales sur fond de tambour, le ton des échanges est grave. Les discours des panelistes sont chargés d'émotion et tous ou presque dénoncent les « siècles d'esclavage des Noirs », les « discriminations » et « les déportations » entre autres. « Les personnes d'ascendance africaine sont les plus vulnérables, les plus discriminées, les plus marginalisées de toutes les couches de population du monde, partout dans le monde, qu'elles soient les descendants des victimes de la traite transatlantique, des migrants des générations passées ou plus récentes », a dit Marie Évelyne Petrus Barry, coordinatrice du système des Nations unies et représentante permanente du PNUD au Gabon. Et de rappeler par ailleurs que la conférence contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie (Durban 2001) avait demandé à la communauté internationale de reconnaître l'esclavage et ses conséquences, notamment la stigmatisation, la discrimination, la xénophobie et l'intolérance qui y est liée comme entrave aux droits fondamentaux des personnes d'ascendance africaine. Aussi, a-t-elle demandé que des mesures concrètes soient prises pour enrayer définitivement ces phénomènes et rétablir la dignité des afro-descendants.

Les écueils à l'intégration évoqués

Cela dit, le combat est loin d'être gagné. Le racisme, la xénophobie et les discriminations font encore partie du quotidien des 300 millions d'afro-descendants dans le monde. « L'imaginaire lié à la traite négrière, à l'esclavage et à la perception de l'Afrique entraîne une discrimination sociale, économique, culturelle et parfois politique des personnes d'ascendance africaine », a regretté Kate Djombe, Martiniquaise. « En France, fait remarquer Vestris Ivanga, une Antillaise, beaucoup d'afro-descendants éprouvent encore d'énormes difficultés à trouver un logement, à avoir un poste de responsabilité ou à être reconnus pour leur travail », avant d'évoquer les brimades policières dirigées régulièrement contre les Noirs dans certaines sociétés dites modernes.

Une réparation financière exigée

Quoi qu'il en soit, le colloque de Libreville a permis de libérer la parole, de faire entendre des voix longtemps tues et presque oubliées. Et, comme on pouvait l'imaginer, les afro-descendants ont réclamé que justice soit faite, que des réparations soient assurées pour que les actes subis soient reconnus. « Il y a eu des déportations, des captures, des massacres et des pillages », soutient le Pr Elikia Mbokolo, affirmant que la traite transatlantique et l'esclavage participaient aux opérations du capitalisme qui ont mis à contribution de nombreuses banques et sociétés d'assurances identifiées en Occident. Ainsi, pour le professeur Elikia Mbokolo, il ne s'agit plus aujourd'hui d'une simple exigence morale, mais d'une « réparation financière et économique » du crime de l'esclavage et du travail réalisé dans la douleur par les déportés au profit de leurs maîtres. Et d'inviter les États africains à financer la recherche en vue d'aider les chercheurs et les afro-descendants à faire aboutir le dossier de la réparation des préjudices causés pendant plus de quatre siècles par les esclavagistes et les colonisateurs dans le continent. « Aucun État européen ne peut financer la politique de recherche en vue d'amorcer le procès pour la réparation », a-t-il insisté.