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"Mes tweets n'engagent pas mon ministère" : le concept improbable défendu par Bayrou
Docteur François et Mister Bayrou.
Montage via Sipa et Twitter.

"Mes tweets n'engagent pas mon ministère" : le concept improbable défendu par Bayrou

Il a osé le faire

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Pour justifier son soutien à Marielle de Sarnez dans une affaire en cours, via Twitter, l'entourage du Garde des Sceaux précise que François Bayrou s'est uniquement exprimé... à titre personnel. Pratique, mais tout sauf crédible.

On connaissait déjà l'expression un brin artificielle "mes tweets n'engagent que moi", subtilement apposée dans les biographies, sur le réseau social à l'oiseau bleu. Grâce à François Bayrou, on découvre aujourd'hui un concept voisin et improbable qui pourrait s'intituler "mes tweets n'engagent pas mon ministère". Ce mardi 30 mai, le Garde des Sceaux a en effet modifié son profil Twitter dans le but étonnant de dissocier ses prises de position en ligne de son action gouvernementale.

Pour le ministre de la Justice, toute l'affaire débute dans la nuit de lundi à mardi. Dénoncée à la justice par une élue FN pour un supposé emploi fictif au Parlement européen, la ministre des Affaires européennes, Marielle de Sarnez, publie rapidement un communiqué de presse combatif. Elle nie tout délit, alors que le parquet a ouvert une enquête préliminaire. François Bayrou prend alors sur lui de... "liker" et relayer le message de sa collègue sur Twitter, qui est accessoirement son bras droit depuis de longues années au MoDem.

Evidemment, ce "retweet" fait réagir. Venant du ministre de la Justice et à propos d'une affaire judiciaire en cours, il pourrait s'apparenter à une pression exercée sur les magistrats. Auprès du Parisien, le syndicat FO Magistrats s'interroge lourdement sur les motivations du ministre : "Comment interpréter le fait que le Garde des Sceaux, qui s’est abstenu de tout commentaire dans l’affaire Ferrand au nom de l’indépendance de la Justice, tweete en faveur d’une collègue ministre alors qu’elle est sur le point de lancer une procédure judiciaire ?".

Contacté par le quotidien francilien au sujet de ce qui pourrait être qualifié de bourde du ministre, le cabinet de l'intéressé livre alors une explication inattendue : le ministre ne s'est pas exprimé... en tant que ministre. "Il s'agit de son compte personnel", fait valoir l'entourage de François Bayrou, qui ajoute qu'"il n'y a aucune critique concernant la Justice". Pour justifier cette argumentation, les proches du ministre vont même jusqu'à... modifier son profil Twitter. De "garde des Sceaux", le président du MoDem devient subitement simplement "maire de Pau".

En passant outre le fait que François Bayrou a modifié son profil Twitter près de 24 heures après son "retweet" litigieux, il est tout à fait possible d'envisager qu'un ministre puisse disposer d'un compte personnel sur Twitter. Encore faut-il que le contenu des messages corresponde à cette assertion. Or, ce n'est pas le cas du président du MoDem. Dans son dernier tweet, le Garde des Sceaux évoque par exemple... son ministère.

Le saucissonnage de ses prérogatives qu'il défend apparaît de surcroît particulièrement spécieux. Ainsi, celui qui est à la fois ministre de la Justice, président du MoDem et maire de Pau nous assure que, quand il évoque une enquête préliminaire touchant son bras droit dans le parti centriste, c'est uniquement en tant... qu'édile de la capitale du Béarn. Difficile à croire, mais pratique pour s'affranchir du devoir de réserve qu'implique la fonction de ministre.

Cette vision très audacieuse de l'expression politique ouvre en tout cas grandement le champ des possibles : quand il défend l'action du gouvernement, Edouard Philippe pourrait préciser s'exprimer uniquement en tant que conseiller municipal du Havre, histoire de gratter quelques minutes de temps de parole gratis. S'il souhaite critiquer un collègue ministre, Nicolas Hulot pourrait préciser s'exprimer exclusivement en tant qu'activiste écolo. Et si jamais Jean-Yves Le Drian souhaite se payer Donald Trump, il lui suffirait de rayer la mention "ministre des Affaires étrangères" de son compte Twitter. Facile, la vie de ministre.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne