Donald Trump réserve encore sa décision sur l'accord de Paris, mais plusieurs multinationales américaines n'ont pas attendu le verdict présidentiel pour s'engager à réduire leurs émissions de CO2, soucieuses de leur image comme de leur rentabilité.

Bien avant que ne plane la menace d'un retrait américain, Coca-Cola et le conglomérat industriel General Electric (GE) ont promis de réduire leur empreinte carbone de respectivement 25 % et 20 % d'ici à 2020, tandis qu'Apple se targue déjà d'utiliser 100 % d'énergies renouvelables pour ses activités aux États-Unis.

«Nous pensons que le changement climatique est réel et que la science fait foi», affirmait fin avril le patron de GE, Jeff Immelt, prenant le contrepied d'une administration Trump climatosceptique.

Contacté par l'AFP, le géant de l'agrochimie Monsanto se dit, lui, «déterminé» à passer à l'action en aidant les agriculteurs à «s'adapter au changement climatique et à en atténuer les effets».

Même des poids lourds du secteur énergétique, qui auraient a priori le plus à perdre, ont suivi le mouvement impulsé par l'accord de Paris de décembre 2015, qui vise à limiter la hausse du thermomètre mondial à moins de +2 °C par rapport à l'ère préindustrielle.

Le géant pétrolier Chevron «continue de soutenir l'accord de Paris parce qu'il constitue un premier pas vers un cadre international», assure à l'AFP une de ses porte-parole, Melissa Ritchie.

Son rival ExxonMobil a, lui, récemment imploré l'administration Trump de rester dans cet accord afin de répondre efficacement aux «risques» climatiques.

Conversion

Il y a encore quelques années, les milieux d'affaires américains pesaient pourtant de tout leur poids pour entraver les négociations climatiques conduisant notamment à l'échec du sommet de Copenhague en 2009.

La prise de conscience environnementale a sans doute joué un rôle, mais la lente conversion verte du «Corporate USA» n'est pas liée qu'à des raisons philanthropiques.

«Les entreprises s'engagent davantage sur le climat sans tenir compte de la décision (de M. Trump) parce que cela leur permet d'économiser de l'argent, de réduire les risques et surtout parce ce que ça leur ouvre des opportunités massives», affirme à l'AFP Kevin Moss de l'organisation environnementaliste World Resources Institute.

La donne économique a, de fait, radicalement changé. De grands investisseurs se détournent des énergies fossiles et les entreprises sont pressées de toutes parts d'adapter leur modèle de croissance à un monde délesté du carbone.

«Nos clients, partenaires et les États exigent des technologies qui produisent de l'électricité tout en réduisant les émissions», affirme M. Immelt.

Au cours des dernières années, les cours du pétrole se sont par ailleurs effondrés, le prix du baril évoluant autour de 50 dollars contre plus de 80 il y a dix ans. Résultat: les investissements dans cette énergie fossile sont devenus bien moins rentables.

Signe des temps, des actionnaires d'ExxonMobil ont contraint mercredi le groupe à la transparence sur l'impact du changement climatique sur leur activité.

Même si le président Trump veut le remettre au goût du jour, le charbon n'a par ailleurs plus la côte aux États-Unis face au boom du gaz naturel qui émet moitié moins de CO2 lors de sa combustion, même si ses techniques d'extraction sont décriées pour leur impact environnemental.

Le coût des énergies renouvelables (éolien, solaire...) a parallèlement fondu sous l'effet des incitations publiques, dynamisant le secteur et le rendant plus attractif.

American Electric Power, un des principaux producteurs d'électricité aux États-Unis, assure ainsi être déterminé à se «diversifier» et à investir «dans les renouvelables et dans d'autres innovations qui augmentent l'efficience (énergétique) et réduisent les émissions», assure à l'AFP sa porte-parole Melissa McHenry.

«Du fait des prix compétitifs du gaz naturel et du déclin des prix des renouvelables, continuer à se désengager du carbone est judicieux à nos yeux», soulignait la PDG du groupe d'énergie Duke Energy, Lynn Good, dans les colonnes du Wall Street Journal.

L'image des entreprises est également en jeu aux États-Unis où plusieurs sondages dessinent une opinion majoritairement soucieuse du changement climatique et désireuse de rester dans l'accord de Paris.

Un certain scepticisme continue certes de prévaloir dans certains secteurs, notamment sur les modalités exactes des efforts climatiques et sur leur impact.

L'American Petroleum Institute (API), qui représente 625 entreprises, dit ainsi se méfier des «contraintes imposées par le gouvernement qui pourraient augmenter les coûts de l'énergie», indique à l'AFP son porte-parole Eric Wohlschlegel.

Beaucoup veulent en tout cas croire qu'un retrait américain de l'accord de Paris ne suffira pas à freiner l'élan actuel.

«Les entreprises continueront parce que tout le monde le fait», affirme M. Moss, rappelant que seuls deux pays n'ont pas paraphé l'accord: le Nicaragua et la Syrie.