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Nucléaire

Etats-Unis : le risque d'incendie des déchets nucléaires inquiète les experts

Une étude montre des risques élevés d'incendie dans plusieurs installations nucléaires aux Etats-Unis. En cause, des piscines de stockage du combustible qui seraient "surchargées et vulnérables". 

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Installation nucléaire US

Si la centrale de Peach Bottom (Pennsylvanie) prenait feu, 4 grandes villes seraient contaminées : New York, Philadelphie, Baltimore et Washington.

STAN HONDA / AFP

Un incendie dans les piscines de stockage des déchets nucléaires : ce scénario catastrophe a été évité au Japon en 2011, où des milliers de barres d'uranium auraient pu fusionner dans la centrale accidentée de Fukushima-Daiichi. Car même usagé, le combustible des centrales dégage de la chaleur. Pareil scénario serait "pire que Fukushima", selon un groupe de chercheurs de l'Université de Princeton et de l'USC (Union of Concerned Scientists).

Un facteur 20 de différence

L'étude des chercheurs de l'USC et de Princeton a été publiée dans la revue Science. Elle s'attaque à la NRC, la Commission américaine de régulation nucléaire en charge de la sécurité en révélant "une large sous-estimation du risque d'incendie sur plusieurs sites nucléaires". Ce travail prétend que si la catastrophe survenait, les dommages seraient très supérieurs à ceux que la NRC a prévus. Dans leur "analyse imparfaite" (pour citer la contre-étude), les experts officiels ont estimé le coût d'un accident à 125 milliards de dollars. Mais, pour Frank von Hippel et son équipe, un accident de ce genre pourrait coûter plus de 2000 milliards de dollars. Notamment parce qu'il faudrait reloger 8 millions de personnes pendant plusieurs années.

Entre l'évaluation officielle et cette nouvelle étude, il y a un facteur 20. L'écart s'explique, selon le physicien de Princeton, par "les pressions de l'industrie nucléaire qui pèsent sur la NRC", poussant la Commission à sous-estimer les risques et la facture. Frank von Hippel appelle à une levée de bouclier : "Cette situation est dangereuse. Un tollé serait la seule solution pour que la Commission arrête de plier face aux industriels".

Pourrait-on relocaliser le carburant nucléaire usagé dans des conteneurs secs ?

Le doute s'est insinué en 2011. La catastrophe de Fukushima a eu des répercussions dans tous les pays friands d'énergie nucléaire. Les Etats-Unis ont alors fait appel à la NRC pour diagnostiquer d'éventuels dysfonctionnements dans leurs 99 réacteurs. "Mais cette première évaluation minimise les conséquences d'un incendie pour éviter de fermer des centrales".

La solution, la NRC l'avait déjà trouvée : relocaliser le carburant nucléaire usagé dans des conteneurs secs. Mais le coût élevé de l'opération (50 millions de dollars par piscine de stockage) justifiait, selon les estimations de la Commission, de l'abandonner. Une erreur, selon l'association Beyond Nuclear, où Kevin Kamps est spécialiste des déchets nucléaires. "La toute première étape, ce serait de transférer le combustible irradié depuis les piscines de stockages vers des HOSS (conteneurs sécurisés), le plus près possible des centrales pour limiter les transports" a-t-il commenté auprès de Sciences et Avenir.

Une étude de l'IRSS pointait déjà du doigt, en 2003, "un très grand risque pour les populations et l'environnement" à cause de l'utilisation intensive des piscines pour stocker les déchets. L'auteur de cette étude argumentait, lui aussi, en faveur des conteneurs sécurisés.

Piscine chauffée

En France aussi, Areva utilise de l'eau pour stocker le carburant nucléaire. "Quelques mètres d’eau sont à même de protéger de l’extrême radioactivité des assemblages de combustibles quand ils sont déchargés du cœur du réacteur, explique l'Andra. Puis les assemblages destinés à être traités sont entreposés dans de grandes piscines à l'usine de retraitement de La Hague". Yves Marignac, directeur du cabinet d'études WISE-Paris, écrivait dans une étude publiée en 2001 que "le site de stockage de La Hague est sensible, notamment aux attaques terroristes". Il estimait dans ce document qu'un gros-porteur chargé de kérosène, s'il s'écrasait dans l'une des piscines, pourrait causer "une catastrophe nucléaire civile sans précédent". Son étude a plus de 15 ans, elle est malheureusement toujours d'actualité.

Kevin Kamps surenchérit : "Ce serait une méga-catastrophe, car de l'hydrogène pourrait être généré dans les cuves, et exploser." Centraliser les déchets, comme l'Andra le fait en France, réduit les risques aux abords des centrales. "Mais cela augmente les risques d'incendie à La Hague, rappelle l'expert américain, et les conséquences pourraient être terribles pour la France et les pays voisins." Pascal Aubret, le directeur du site de La Hague, assure "donner une priorité absolue à la sûreté, la sécurité et la transparence" - c'est en tout cas qu'il écrivait en 2015 dans un rapport d'activité du centre de retraitement. 100 millions d'euros y sont investis chaque année dans la pérennité des installations... C'est peu, quand on songe aux 2000 milliards que pourrait l'incendie-monstre redouté par les experts américains.

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