Le témoignage bouleversant du premier réfugié gay tchétchène en France

Le témoignage bouleversant du premier réfugié gay tchétchène en France
Manifestation contre la persécution des homosexuels en Tchétchénie, devant l'ambassade de Russie à Paris le 13 avril 2017 (ROMANE VERCHERE/SIPA)

Arrêté par la police, il a préféré passer pour terroriste qu'homosexuel, c'était moins dangereux. Ce premier réfugié tchétchène LGBT raconte les disparitions et les pièges.

Par Le Nouvel Obs
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Il a fui son pays pour échapper à la mort : le premier réfugié homosexuel tchétchène en France a été interviewé par l'émission "Quotidien", diffusée mercredi 31 mai. Son visage n'apparaît pas à l'écran et il reste anonyme.

Ce témoin a été arrêté parce que son numéro de téléphone était dans le carnet d'adresses d'un homme qui "faisait partie de la même communauté homosexuelle" que lui. "C'est la pratique habituelle des services spéciaux tchétchènes" pour chercher à savoir qui est gay. Convoqué par la police, il s'est vu passer les menottes.

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Il est ensuite emmené en voiture dans ce qui ressemblait à "une forteresse", pas un poste de police ordinaire mais "plutôt une sorte de fort militaire".

Pendant tout l'interrogatoire, il feint de penser qu'on l'a arrêté pour des raisons liées au terrorisme, explique-t-il. "Je voulais à tout prix éviter toute conversation au sujet de l'homosexualité."

Appartements piégés

Pourquoi préférer passer pour terroriste que pour homosexuel ? Parce que "comme ça, ma famille m'aurait soutenu" ; "si tu es accusé d'être gay, c'est pas seulement toi qui es responsable, c'est toute ta famille".

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"Ils battent et ils torturent ceux qui sont pris en flagrant délit, en plein acte sexuel, et aussi ceux qui ont des photos intimes sur leur téléphone", rapporte-t-il. Lui n'avait rien de tout ça, "j'ai toujours été prudent".

Tchétchénie : trois associations LGBT portent plainte pour génocide des homosexuelsDans certains appartements de Grozny, les propriétaires installent des caméras et des micros, "pas seulement pour attraper des homosexuels, mais aussi les hétéros qui ont des relations hors mariage". Lorsqu'un couple était pris, "ils cassaient les portes et ils entraient".

Le réfugié n'a pas de nouvelles de l'ami dont le carnet d'adresses avait été saisi, malgré ses recherches : "Et je connaissais d'autres gens qui ont disparu", des personnes dont il savait qu'elles étaient gays, qui ont subitement disparu et ne sont jamais revenues au travail – il pense qu'elles sont mortes.

"Couvert de honte son pays" : la mort pour ses frères

Interrogé sur sa volonté de ne pas apparaître à l'écran (même sa voix est modifiée), il souligne que c'est surtout pour sa famille. Sa mère serait humiliée et ses frères "seront tués à coup sûr si on apprend que je suis en France, si on apprend que j'ai parlé aux journalistes", parce qu'il sera accusé d'avoir "couvert de honte son pays".

Pense-t-il pouvoir rentrer un jour en Tchétchénie ? "Seulement si elle fait partie des Etats-Unis d'Amérique", ironise-t-il. En fin d'interview, on apprend qu'un des mots de français qu'il a déjà appris est "liberté".

T.N.

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