Treize personnes ont été tuées et une quarantaine d’autres blessées lors des deux attaques quasi simultanées qui ont visé deux lieux hautement symboliques en Iran, le Parlement et le mausolée de l’ayatollah Khomeyni, mercredi 7 juin, a fait savoir le directeur des services des urgences de Téhéran. Le chef de la police de Téhéran a annoncé l’arrestation de cinq suspects, mercredi soir.
L’organisation djihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué les attaques des deux sites, distants d’une vingtaine de kilomètres, par son canal d’information habituel, Aamaq. Selon le ministère du renseignement, « trois opérations terroristes avaient été prévues ce matin à Téhéran », l’une des équipes ayant été « neutralisée » avant de pouvoir passer à l’action.
Les assaillants « étaient des Iraniens et avaient rejoint Daech [acronyme arabe de l’EI] quelque part en Iran », a déclaré tard mercredi à la télévision nationale Reza Seifollahi, secrétaire adjoint du Conseil national suprême de sécurité.
- Comment se sont déroulées les attaques
L’attaque du Parlement, au cœur de Téhéran, a débuté tôt mercredi matin. Selon les médias iraniens, les terroristes se trouvaient parmi une foule de manifestants, réunie devant le Parlement pour demander aux députés de se pencher sur une affaire d’escroquerie. Les terroristes étaient déguisés en femmes, a précisé le vice-ministre de l’intérieur, Hossein Zolfagari.
Plus de trois heures après le début de l’assaut terroriste, les autorités ont annoncé la fin de l’assaut et la mort de quatre assaillants. La télévision d’Etat a rapporté qu’un homme s’était fait exploser au quatrième étage du Parlement, alors que les forces spéciales avaient donné l’assaut contre deux assaillants armés. Des coups de feu dans l’enceinte du lieu avaient été signalés un peu plus tôt. Sur les réseaux sociaux, la photo d’un des agresseurs, alors qu’il se trouvait à l’une des fenêtres du bâtiment, a largement circulé.
Au mausolée Khomeyni, situé à 20 kilomètres au sud de Téhéran, un ou plusieurs assaillants ont pénétré du côté ouest et ont ouvert le feu avant d’actionner une ceinture explosive, selon l’agence IRNA, qui a fait état de cinq blessés. Peu de monde se trouvait aux alentours lorsque l’attaque s’est produite, en plein mois de ramadan, vers 11 h 30, heure locale (9 heures à Paris).
Le site, qui abrite la dépouille du fondateur de la République islamique, est devenu un lieu de culte pour les touristes iraniens. Desservi par le métro de Téhéran, il est situé à proximité de l’aéroport international de l’imam Khomeyni.
- Rohani appelle à la coopération, les gardiens de la révolution s’en prennent à Washington et Riyad
Le président iranien, Hassan Rohani, a appelé à « l’unité et à la coopération (…) internationale » contre le « terrorisme ». Dans un communiqué, il déclare ainsi :
« Le message de l’Iran est que le terrorisme est le problème de tous et nécessite l’unité et la coopération régionale et internationale pour lutter contre l’extrémisme et la violence. »
Ces attentats « n’auront aucun effet sur la détermination du peuple iranien », a pour sa part déclaré le guide suprême Ali Khamenei.
A rebours de ces messages d’apaisement, les gardiens de la révolution – l’armée d’élite du régime iranien – ont de leur côté accusé les Etats-Unis et l’Arabie saoudite d’être « impliqués » dans ces attentats. Un communiqué publié par l’agence de presse officielle ISNA affirme ainsi :
« Cette action terroriste après la rencontre du président des Etats-Unis avec le chef d’un des gouvernements réactionnaires de la région qui a toujours soutenu les terroristes est lourde de sens, et la revendication par Daech [l’EI] montre qu’ils sont impliqués »
Les gardiens de la révolution ont affirmé qu’ils allaient se venger, faisant valoir qu’ils « ont toujours prouvé qu’ils ne laissent jamais sans vengeance le sang d’innocents versés ».
Séparément, le chef adjoint des services de renseignement des gardiens de la révolution a également accusé Riyad et Washington, en affirmant que ces deux pays avaient « ordonné à leurs marionnettes » de mener ces attentats, a rapporté l’agence FARS.
- Premières attaques revendiquées par l’EI en Iran
C’est la première fois que l’EI revendique de telles attaques dans le pays. Si, par le passé, l’Iran a été confronté à plusieurs reprises à un terrorisme intérieur, notamment du fait de l’organisation des Moudjahidin du peuple ou de groupes armés kurdes, la menace du djihadisme sunnite se fait de plus en plus pressante alors que Téhéran est engagé militairement en première ligne en Irak comme en Syrie contre l’EI.
Depuis le début de l’année, l’EI a multiplié les menaces à l’égard de Téhéran dans le cadre de ce que le groupe djihadiste présente comme une guerre de religion entre sunnites et chiites.
Ces attaques s’inscrivent de surcroît dans un moment de tension régionale extrême, après que l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et plusieurs de leurs voisins ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de « soutien au terrorisme » et de complaisance envers l’Iran.
- Des condamnations unanimes, Trump met en garde l’Iran
La Russie, alliée de l’Iran, a condamné ces attaques et appelé à la « coordination » contre l’EI. Les Emirats arabes unis ont eux aussi condamné « toute attaque terroriste, dans n’importe quelle capitale, qui est dirigée contre des innocents », le Qatar deux attaques « qui ont fait de nombreux morts et blessés ». La France et l’Allemagne ont également condamné ces attentats avec « la plus grande fermeté ».
De son côté, le président américain Donald Trump a lancé une mise en garde à l’Iran, affirmant que ceux qui soutiennent le terrorisme s’exposaient à en être les « victimes ». « Nous soulignons que les Etats qui appuient le terrorisme risquent de devenir les victimes du mal qu’ils soutiennent », a déclaré le locataire de la Maison Blanche dans un communiqué dans lequel il souligne par ailleurs prier pour les « victimes innocentes ».
Dans la journée, le département d’Etat américain avait présenté ses condoléances « aux victimes et à leurs familles » et transmis « pensées et (…) prières au peuple d’Iran ».
A Paris, la tour Eiffel sera symboliquement éteinte jeudi soir « en hommage aux victimes », a annoncé la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, sur son compte Twitter. « Paris et les Parisiens sont solidaires », a-t-elle écrit.
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