Après l’agression au marteau, mardi 6 juin, d’un policier qui patrouillait sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris, la police se concentre sur le profil et le parcours atypiques de l’agresseur, Farid I., âgé de 40 ans.
Blessé au thorax par des tirs de riposte, l’homme a été placé en garde à vue à l’hôpital, mercredi matin, et mis en examen pour tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste sur personne dépositaire de l’autorité publique et association de malfaiteurs terroriste.
Selon le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, qui s’exprimait à l’antenne de RTL, l’homme n’avait pas « donné de signes de sa radicalisation » et toutes les indications confirment la thèse « d’un acte isolé ».
« Aux antipodes de tout ce qu’on décrit »
Les papiers d’identité retrouvés sur lui indiquent que l’homme est né en Algérie en janvier 1977, et était inscrit depuis 2014 comme doctorant en sciences de l’information de l’université de Lorraine, à Metz. Farid I., qui n’a pas « d’antécédents psychiatriques connus à ce stade » selon une source proche de l’enquête, était « aux antipodes de tout ce qu’on décrit », a affirmé à l’AFP son directeur de thèse, Arnaud Mercier, le décrivant comme « doux comme un agneau ».
Titulaire d’une licence en traduction décrochée en Algérie en 2000, puis d’une licence de journalisme obtenue en Suède en 2011, il a exercé comme journaliste à la radio suédoise. Selon le tabloïd suédois Expressen, il a été marié jusqu’en 2005 à une Suédoise, avant de rentrer en Algérie pour travailler.
D’après une fiche à son nom sur le site professionnel LinkedIn, Farid I. a ensuite fondé et dirigé un journal local à Béjaïa, en Kabylie. Il a également travaillé pour le quotidien algérien El Watan, connu pour sa ligne radicalement anti-islamiste.
« Il a peut-être pété un plomb et agressé un policier mais de là à prêter allégeance à Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique, EI], c’est inimaginable », a estimé Kamel Medjoub, qui l’avait recruté pour El Watan et a travaillé près d’un an avec lui. Farid I. ne présentait « aucun signe d’engagement religieux ou de radicalisation », affirme le journaliste, qui dit ne pas comprendre ce « grand virage ».
Un journaliste « sérieux, impliqué socialement »
Farid I. avait également collaboré à plusieurs reprises avec le média français Rue89, pour évoquer des actualités algériennes. « A deux reprises, en septembre 2013 puis en avril 2014, il a collaboré avec la rédaction », a fait savoir L’Obs, propriétaire du site, mercredi.
« Les deux articles publiés sur notre site, tout comme les autres sujets qu’il nous avait proposés, étaient engagés (la pauvreté et la corruption en Algérie, l’insuffisante prise en charge gynécologique des femmes à Béjaïa ou le portrait de Nourredine Belmouhoub, l’homme qui tient tête au général). »
L’ancienne rédactrice en chef adjointe de Rue89 Blandine Grosjean, qui a longuement échangé avec lui par mail, décrit un journaliste « sérieux, impliqué socialement, soucieux de la cause féministe ».
Vidéo d’allégeance à l’EI
En 2014, il avait réussi à s’inscrire en doctorat, par une candidature indépendante. D’après le président de son université, Pierre Mutzenhardt, interrogé par France Bleu Lorraine Nord, Farid I. ne « montrait rien de suspect ». Selon son directeur de thèse, que Farid I. avait suivi lorsqu’il avait été muté à Paris à la rentrée 2015-2016, « il était plutôt occidentalisé, défendait des valeurs de la démocratie, de liberté de la presse ».
« Son sujet visait à étudier la manière dont les médias maghrébins traitaient les élections nationales organisées dans les autres pays. Avec notamment une problématique tout à fait intéressante : la façon dont les médias couvraient ces élections pour délivrer implicitement des messages. »
Farid I. était domicilié à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Lors d’une perquisition dans sa résidence étudiante, la police a retrouvé une vidéo d’allégeance à l’organisation djihadiste Etat islamique. Un élément qui corrobore les propos tenus par Farid I. au moment où il porta son marteau au cou du policier en faction : « C’est pour la Syrie. » Puis, une fois atteint par les tirs, il murmura être « un soldat du califat ».
La section antiterroriste du parquet de Paris a ouvert une enquête en flagrance, confiée à la section antiterroriste de la brigade criminelle et à la direction générale de la sécurité intérieure.
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