A l’occasion de la Journée internationale des migrants, nous republions cet article initialement publié en juin 2017.
Après le verrouillage de la route migratoire des Balkans, les Européens se sont attelés au casse-tête de l’axe de la Méditerranée centrale. Parmi les propositions mises sur la table par la Commission européenne, des « centres de transit » chargés de retenir les migrants avant qu’ils n’entament la traversée vers l’Europe.
Une solution qu’on retrouvait dans le programme d’Emmanuel Macron :
« Nous développerons des actions et des projets dans les principaux pays de départ et de transit des migrants, de manière complémentaire et additionnelle à notre aide au développement, en appuyant également l’installation de points de contrôle dans ces pays avant l’arrivée dans l’UE, l’aide à la lutte contre les passeurs et le retour des migrants non autorisés à entrer dans l’UE. »
Les quatre premiers ont été ouverts en 2015, sous l’égide de l’Union européenne et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au Niger, l’un des grands points de passage de l’Afrique vers l’Europe, via la Libye notamment.
Limiter l’immigration économique
Concrètement, il s’agit de centres ouverts (les migrants n’y sont pas détenus et peuvent en partir dès qu’ils le souhaitent) offrant abri, nourriture et assistance médicale, mais aussi de l’aide pour revenir dans leur pays d’origine et des formations pour trouver un travail et sortir ainsi de la problématique de l’immigration économique.
C’est en tout cas l’ambition des Européens… car, en réalité, comme le laisse apparaître le dernier bilan de l’OIM que nous avons pu consulter en juin, seules quelques centaines de personnes ont bénéficié de formations sur les plus de 9 000 migrants de pays tiers accueillis dans les quatre centres de transit de l’OIM au Niger (Niamey, Arlit, Agadez et Dirkou) depuis 2015.
Par ailleurs, les personnes qui sont acceptées dans ces centres sont obligatoirement des candidats au retour ; les centres ne voient donc pas passer l’essentiel des mouvements migratoires. Depuis le début de l’année, plus de 134 000 personnes ont tenté la traversée depuis l’Afrique jusqu’aux rives européennes. L’Union européenne elle-même compte près de 9 millions de migrants africains, selon l’agence européenne de surveillance des frontières, Frontex.
Des migrants éduqués et jeunes
Reste que les informations glanées sur les migrants dans le cadre de l’action de l’OIM, qui dispose également de « centres de suivi » à Séguédine et Arlit, permettent de brosser à grands traits le portrait d’une partie des migrants africains. Niger, Nigéria et Mali constituent plus des trois quarts des pays d’origine des migrants observés dans les centres nigériens.
Les pays d’Afrique de l’Ouest sont aussi représentés dans les statistiques car le Niger se trouve sur la route dite, dans le vocabulaire de Frontex, « de l’Ouest méditerranéen ». Cette immigration, contrairement à d’autres pays africains, est essentiellement économique, comme en témoignent les intentions des migrants « profilés » par l’OIM.
Sur la totalité des migrants que voient passer les centres de suivi nigériens, 94 % sont des hommes et 6 % des femmes. Près de 90 % ont entre 18 et 59 ans. 42 % sont mariés et 52 % migrent avec des membres de leur famille, selon des données plus anciennes de l’OIM.
10 % des migrants ont atteint le supérieur
Comme l’indiquaient déjà d’autres statistiques, les migrants sont éduqués : près de la moitié des migrants passant par les centres de transit ont un niveau d’éducation du secondaire et 10 % ont atteint le supérieur ; seuls 23 % n’ont fait aucune étude, 20 % se sont arrêtés au primaire.
Certes, « le taux de diplômés du supérieur est bien moindre sur le continent africain qu’en France », mais « pour quitter l’Afrique, il faut désormais bénéficier d’un certain niveau de capital économique, social et intellectuel », expliquait ainsi Mathieu Ichou, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED) dans le dernier numéro de Population et Sociétés.
Ce sont d’ailleurs le plus souvent sur des fonds propres que les migrants financent leur voyage, un budget qui peut atteindre 10 000 euros.
Vols et violences sur la route des migrants
Si le commerce est le premier métier indiqué par les migrants avant leur départ (28 % des cas), ils sont nombreux (22 %) à affirmer avoir travaillé dans le bâtiment pour survivre et gagner un peu d’argent durant leur voyage. Mais la majorité des migrants est sans emploi.
60 % ont subi au moins un incident pendant leur trajet
En dépit de l’investissement considérable consenti par les migrants, ces derniers sont particulièrement vulnérables pendant leur trajet. 60 % des personnes interrogées dans les camps de transit disent avoir subi au moins un incident pendant leur trajet : menaces (31 % des incidents), vol (40 %), violence physique (20 %).
Certains ont affirmé s’être vus privés de leur salaire, de liberté de mouvement, de leurs documents, de nourriture ou d’eau. Ils sont très peu nombreux à reconnaître avoir été sujets aux violences sexuelles et à la prostitution, « des sujets de nature très sensibles qui ne sont pas rapportés facilement par les victimes », note l’OIM.
Parmi les raisons de retour au pays, l’insécurité est devenue de très loin la première réponse (72 %, contre 24 % lors de la précédente enquête), mais aussi le refoulement (15 %) et le manque de travail (11 %). Une des explications au refoulement tient à l’absence de papiers d’identité : 66 % des migrants qui arrivent au centre n’ont pas de papiers d’identification, qu’ils aient été perdus ou confisqués… ou jamais obtenus.
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