Législatives : le fils Giscard face à la juge Vichnievsky

Chaque jour, nos journalistes passent au crible l'une des circonscriptions à fort enjeu des législatives. Aujourd'hui, la 3e circonscription du Puy-de-Dôme. Battu en 2012, Louis Giscard d'Estaing espère reprendre cette circonscription convoitée par Laurence Vichnievsky, soutenue par En Marche !

    Sur le marché de la place de la Fontaine, à Ardes, Gérard, 65 ans, paysan à la retraite, met la charrue avant les bœufs. « Ah, voilà ma nouvelle députée ! » s'enthousiasme-t-il en croisant la candidate Laurence Vichnievsky dont il salue « la droiture ». « Il faut rester très prudent », rectifie la magistrate qui s'est fait un nom lors de l'affaire Elf ou celle des frégates de Taïwan.

    Adoubée par En Marche !, la centriste du MoDem se verrait bien à la barre de la 3e circonscription du Puy-de-Dôme, prenant ainsi la place de Danielle Auroi (EELV) qui tire sa révérence. Face à elle, outre un jeune écolo soutenu par le PS, se présente Louis Giscard d'Estaing, 58 ans, prétendant UDI soutenu par les Républicains.

    « Lui, c'est lui ; moi, c'est Louis »

    Le fils cadet de l'ancien président de la République ambitionne de reconquérir le siège perdu de justesse en 2012 et qu'il avait décroché une décennie plus tôt, succédant alors à son père. « Je n'ai pas du tout un esprit de revanche », répète-t-il, même si on a du mal à le croire.

    Ce lundi après-midi, devant cinq électeurs lors d'une réunion publique à la mairie de Vernines ou chez un éleveur de moutons qui redoute le loup, il cible son adversaire. Sans jamais citer son nom. « Elle est candidate là où ça l'arrange, en fonction des circonstances », tacle-t-il. Et de signaler qu'elle a tenté sa chance aux dernières élections législatives à Marseille sous la bannière EELV et qu'elle « a obtenu 2,5 % des voix ».

    Face à son auditoire, il n'a pas un mot sur son père pourtant populaire au pays des volcans endormis. « Il n'en joue pas », assure Martine Bony, maire centriste de Vernines. LGE, premier magistrat, lui, de Chamalières (comme VGE à une époque), n'aime guère qu'on le présente comme « l'héritier ». « Lui, c'est lui ; moi, c'est Louis », rappelle ce patron des Editions Etalons, spécialisées dans les revues sur les chevaux.

    De sa filiation, au-delà du crâne dégarni et de la silhouette longiligne, il conserve un sens de la proximité, demandant par exemple le prénom du border collie qui en veut à son pantalon légèrement trop grand. « Leia, comme la princesse dans Star Wars », rétorque sa propriétaire. A ses interlocuteurs tout acquis à sa cause, il met en avant son expérience au Palais-Bourbon, évoque les codes parlementaires qu'on « ne découvre pas du jour au lendemain ». Tout ça, en fait, pour dire que le renouvellement incarné par sa rivale n'est pas la panacée.

    « L'Auvergnat ne se laisse pas embobiner »

    « Il y a beaucoup d'agressivité de sa part, ce qui est bon signe », positive Laurence Vichnievsky, 62 ans. Elle regrette que son concurrent « tweete de manière inconsidérée », « sans toujours savoir ». « Mais l'Auvergnat ne se laisse pas embobiner », lâche-t-elle à l'issue de sa séance de tractage, assise à la terrasse du bistrot le Bon Accueil.

    Au frère ennemi centriste qui promet, dans son tract, de « voter toutes les lois » allant « dans le bon sens », elle suggère : « Mais alors qu'il vote En Marche ! tout de suite ! » Elle aussi mise sur la carte terroir, histoire de casser l'image de parachutée que lui colle LGE. Cette fille d'un physicien né à Vladivostok précise que sa maman est auvergnate. Que sa résidence familiale est dans la « circo ». Qu'elle est fan de rugby, surtout du XV de Clermont sacré dimanche champion de France. En ce lundi après-midi de Pentecôte, elle file d'ailleurs applaudir les héros de retour place de Jaude à Clermont-Ferrand avec le bouclier de Brennus. Comme Louis Giscard d'Estaing...

    La conseillère régionale veut s'enraciner. « Même si je ne suis pas élue, je reste sur le territoire et je reviendrai », s'engage-t-elle auprès de Béatrice, peintre et électrice indécise. L'affaire Ferrand ne fait pas ses affaires. « Je dirais, comme François Bayrou, qu'elle alourdit la campagne. Les Français sont troublés », concède-t-elle. Sans s'attarder. « Je suis magistrate, toujours en exercice, j'ai obligation de réserve », souffle-t-elle. Pour labourer le terrain giscardien, celle qui est actuellement avocate générale à la cour d'appel de Paris a pris des jours de vacances... épuisantes. Son mari architecte, sa « part non négociable », est là pour l'épauler. « Je suis présent pour les baisses de tension », confie ce supporteur « de l'ombre ».