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Le Saint-Germain-des-Prés désenchanté d’Ed van der Elsken

Dans une série conçue comme un roman-photo, le photographe néerlandais montre une jeunesse sombre, se réfugiant dans les expédients au cœur du Paris germanopratin des années 1950. Des images à voir au jeu de Paume, qui consacre une rétrospective à l’artiste.

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Publié le 09 juin 2017 à 14h05, modifié le 09 juin 2017 à 14h05

Temps de Lecture 2 min.

Vali Myers et Auguste Hommel, café Chez Moineau, Paris (1952-1954).

L’enfance, l’amour, l’entraide… A Paris, les photographes humanistes, de Willy Ronis à Robert Doisneau, ont surtout peint l’après-guerre dans une tonalité pleine d’espoir. Disparu en 1990, le Néerlandais Ed van der Elsken, qui vécut dans la capitale au début des années 1950 et traîna avec la jeunesse bohème et rebelle, est celui qui vient casser l’ambiance. Son livre Love on The Left Bank (traduit en français sous le titre Un amour à Saint-Germain-des-Prés), sorti en 1956, fera date dans l’histoire de la photographie. Dans ce roman-photo noir, Ed van der Elsken chronique ses années parisiennes dans des images sombres et sans fard, où on s’étreint et on danse dans les cafés jusqu’à l’aube, où on s’oublie aussi dans la drogue et les discussions sans fin.

  • Ed van der Elsken, figure singulière à laquelle le Jeu de paume consacre une grande rétrospective, a composé un livre en forme de roman-photo, avec des images qu’il a prises de ses amis, ses « âmes sœurs » de la marge, jeunes désœuvrés, mineurs en cavale, artistes sans le sou et sans papiers, dans le Paris des années 1950. Ici, Vali Myers et Auguste Hommel, café Chez Moineau, Paris (1952-1954).

    Ed van der Elsken, figure singulière à laquelle le Jeu de paume consacre une grande rétrospective, a composé un livre en forme de roman-photo, avec des images qu’il a prises de ses amis, ses « âmes sœurs » de la marge, jeunes désœuvrés, mineurs en cavale, artistes sans le sou et sans papiers, dans le Paris des années 1950. Ici, Vali Myers et Auguste Hommel, café Chez Moineau, Paris (1952-1954). Ed van der Elsken/Nederlands Fotomuseum

  • Vali Myers, Paris, 1953.

    Vali Myers, Paris, 1953. Ed van der Elsken/Nederlands Fotomuseum

  • Planches-contacts pour le livre  « Love on The Left bank ».

    Planches-contacts pour le livre  « Love on The Left bank ». Ed van der Elsken/Collection Anneke Hilhorst

  • Jean-Michel Mension et Auguste Hommel devant Le Mabillon, Paris, 1953.

    Jean-Michel Mension et Auguste Hommel devant Le Mabillon, Paris, 1953. Ed van der Elsken/Nederlands Fotomuseum

  • Femme lisant dans un café (1953).

    Femme lisant dans un café (1953). Ed van der Elsken/Nederlands Fotomuseum

  • Ata Kandó, photographe hongroise et épouse d’Ed van der Elsken, vérifiant le tirage de la photo de la femme en train de lire, Paris (1953).

    Ata Kandó, photographe hongroise et épouse d’Ed van der Elsken, vérifiant le tirage de la photo de la femme en train de lire, Paris (1953). Ed van der Elsken/Nederlands Fotomuseum

  • Planches-contacts (avec Vali Myers) pour le livre « Love on The Left bank ».

    Planches-contacts (avec Vali Myers) pour le livre « Love on The Left bank ». Ed van der Elsken/Collection Anneke Hilhorst

  • Vali Myers, La Scala, Paris (1950).

    Vali Myers, La Scala, Paris (1950). Ed van der Elsken/ Nederlands Fotomuseum

  • Ata Kandó, Paris, 1952 (v. 1979).

    Ata Kandó, Paris, 1952 (v. 1979). Ed van der Elsken/Nederlands Fotomuseum

  • Pierre Feuillette et Paulette Vielhomme, café Chez Moineau, Paris (1953).

    Pierre Feuillette et Paulette Vielhomme, café Chez Moineau, Paris (1953). Leiden University Library, Special Collections, Leiden, The Netherlands

  • Maquette d’Ed van der Elsken avec une photo de Vali Myers.

    Maquette d’Ed van der Elsken avec une photo de Vali Myers. Leiden University Library, Special Collections, Leiden, The Netherlands

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Ed van der Elsken, figure singulière à laquelle le Jeu de paume consacre une grande rétrospective, compose son livre avec des images qu’il a prises de ses amis, ses « âmes sœurs » de la marge, jeunes désœuvrés, mineurs en cavale, artistes sans le sou et sans papiers. Mais il y insuffle de la fiction, change les personnages et écrit un texte qui invente une histoire d’amour contrariée entre Manuel, le narrateur, et une femme aux yeux de biche marqués de khôl et à la chevelure flamboyante, Ann.

Dans la réalité, cette figure fascinante n’est autre que Vali Myers, Australienne exilée à Paris, proche de Cocteau et de Genet, qui sera plus tard une muse de la chanteuse Patti Smith. Ed van der Elsken en fait la figure centrale de son livre, et intègre certains des dessins que la jeune femme trace à longueur de journée, sous l’influence de l’opium. Dans les personnages du café Chez Moineau de la rue du Four, on retrouve une jeunesse pessimiste qui se noie dans l’alcool, marquée par l’existentialisme et le lettrisme (un mouvement précurseur de l’Internationale situationniste de Guy Debord), unie dans son refus d’un monde coupé en deux sous la menace de l’embrasement nucléaire.

« Je fais des reportages sur de jeunes voyous rebelles avec plaisir… Je me réjouis de la vie, je ne suis pas compliqué, je me réjouis de tout. » Ed van der Elsken

Le livre, qui oscille entre journal intime, fiction et reportage, passe mal à l’époque, à cause de sa plongée dans l’univers de cette jeunesse anticonformiste aux mœurs dissolues. Mais il va devenir une œuvre de référence, par ses photos intenses et sa façon de bousculer les codes du documentaire et de la narration. Ed van der Elsken multiplie les gros plans de façon cinématographique, enchaîne les photos prises sur le vif, de façon abrupte, accidentée. Les êtres semblent s’abandonner à l’objectif, aiment sans retenue, en gros plan. Cette façon de photographier au plus près, sans avoir peur de s’impliquer dans ses images, marquera toute son œuvre. « Je fais des reportages sur de jeunes voyous rebelles avec plaisir… Je me réjouis de la vie, je ne suis pas compliqué, je me réjouis de tout. L’amour, le courage, la beauté. Mais aussi le sang, la sueur et les larmes. Garde les yeux ouverts. »

« Ed van der Elsken, la vie folle », Jeu de paume, 1, place de la Concorde, Paris 8e. Du 13 juin au 24 septembre. Catalogue Xavier Barral, 288 p., 45 €. www.jeudepaume.org
« Une histoire d’amour à Saint-Germain-des-Prés », galerie Folia, 13, rue de l’Abbaye, Paris 6e. Du 16 juin au 16 septembre. www.galerie-folia.fr
« Looking for Love on the Left Bank », par Ed Van Der Elsken et Tamara Berghmans, éd. The Eyes, 33 €.

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