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EN IMAGES : À Al Hoceima, la colère ne dort pas la nuit

Au cœur des manifestations du hirak, ce mouvement de protestation né dans le Rif marocain, le photographe français Louis Witter a saisi en photo toutes les émotions d’Al Hoceima la rebelle
Dans la nuit, les gyrophares bleus des camions blindés de la police marocaine contrastent avec les flashs blanchâtres des téléphones portables brandis en signe de défi par les manifestants. Ces derniers affirment que la présence des journalistes, dont les vidéos et les photos deviennent virales sur les réseaux sociaux, les protège d’une répression plus violente, les autorités n’ayant pas envie que des images de policiers frappant les jeunes d’une région pauvre se diffusent dans le monde. Al Hoceima, le 6 juin 2017 (MEE/LouisWitter)

AL HOCEIMA, Maroc – Tous les soirs depuis le début du Ramadan, les protestataires d’Al Hoceima, cette ville du Rif marocaine devenue un symbole de résistance, se retrouvent face aux forces de l’ordre.

Tous les soirs, ils sont plusieurs centaines, hommes et femmes, à descendre dans la rue pour demander la libération des leaders du mouvement, le hirak (mouvance).

Le feu, qui a été allumé par la mort du vendeur de poisson Mouhcine Fikri, écrasé par une benne à ordures en octobre dernier, couvait en réalité depuis des années. La colère des habitants de la région, qui s’estiment marginalisés, a été canalisée en revendications socio-économiques pour le développement de la région et depuis sept mois, les manifestations ne se sont jamais arrêtées. 

Sur place depuis une semaine, le photographe français Louis Witter, qui suit la contestation dans le Rif depuis la mort de Fikri, se fond chaque soir parmi eux pour capturer ce que les mots peinent parfois à retranscrire : la colère, la tension ou la détermination.

Comme une barrière entre les policiers et les manifestants, la banderole clame : « Non à la militarisation… Non à la hogra [injustice]… Non aux kidnappings. Pacifique… Pacifique ». Le soir où ils parviennent à se retrouver sans trop d’encombres, les manifestants peuvent être 400. Les regards trahissent la tension, un peu plus perceptible avec le temps qui passe. Al Hoceima, le 6 juin 2017

Une cinquantaine de camions rien que pour le centre-ville, soit quelque 400 policiers, une dizaine à chaque carrefour : chaque soir après les tarawih (prières du soir pendant le Ramadan), le dispositif sécuritaire se déploie pour empêcher les manifestants de se rassembler en une seule et même marche. Sur la photo, on aperçoit les policiers en tenue et en civil (avec des gilets aux bandes réfléchissantes ou en chemise avec talkie-walkie). Al Hoceima, le 6 juin 2017

Ce soir-là, dans une ruelle, les policiers commencent à avancer vers les manifestants qui partent en courant dans tous les sens. Certains d’entre eux tombent, comme cette femme et son enfant en bas âge qui se trouvaient dans une poussette. Mais les policiers continuent à avancer. Les manifestant, qui pour la plupart, viennent à la rescousse de la femme et de l’enfants, s’énervent contre les policiers, à l’image de l’homme au premier plan. Al Hoceima, le 6 juin 2017

Les enfants – les garçons uniquement – cherchent à se joindre aux plus grands dans les manifestations. Mais ceux qui ont la vingtaine, et se retrouvent en première ligne, les chassent à l’arrière des rassemblements pour les mettre à l’abri. Les petits cherchent aussi à faire « comme les grands » : sur le capot de cette voiture, un des garçons a relevé son tee-shirt en cagoule, comme les manifestants qui craignent d’être identifiés par la police. Al Hoceima, le 6 juin 2017

Des jeunes, bouteille d’eau à la main, passent par la montagne pour contourner les barrages policiers et rejoindre les manifestants. Pour ne pas se faire repérer, ils marchent en silence, en comptant sur le bruit du vent venu de la mer et de la fête foraine en contrebas pour étouffer le bruit de leur pas contre les rochers. Al Hoceima, le 6 juin 2017

La nuit est déjà bien avancée sur Al Hoceima. Il est plus de 23 h, le rassemblement terminé, les manifestants rentrent chez eux. À cause du quadrillage policier qui bloque les routes, les habitants passent par la ville basse pour remonter et certains sont obligés de faire de grands détours pour rejoindre leur domicile. Al Hoceima, le 7 juin 2017

Deux jeunes ont réussi à contourner la police par la montagne et se retrouvent sur une des routes qui borde la ville, à une centaine de mètres d’un cordon de policiers. Derrière eux, des immeubles et des petites maisons, en bordure du quartier populaire de Sidi Abed L’adolescent, sur le mur, crie « Silmya ! Silmya ! » (pacifique). Al Hoceima, le 7 juin 2017

« Liberté pour les prisonniers ! », crie la foule, qui se dresse debout, les bras croisés vers le ciel, faisant mine d'avoir les mains menottées. « Nasser Zefzafi est notre leader ! » : les manifestants, déterminés, tiennent au caractère pacifique de leurs rassemblements. « Les manifestations sont pacifiques et doivent le rester », répètent-ils en mettant en avant le fait qu’ils sont « éduqués et civilisés » et qu’« ils ne demandent que leurs droits ». Al Hoceima, le 8 juin 2017

Depuis le mois de novembre, les femmes manifestent aussi. La foule se divise naturellement en deux, avec d’un côté les hommes et de l’autre, les femmes. Sur la photo, la manifestante, main sur la bouche, crie des slogans pendant que d’autres lancent des youyous. Al Hoceima, le 8 juin 2017

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