Bloqueurs de publicité : Google et Apple entrent dans la danse
Les géants ont annoncé, séparément, des logiciels bloqueurs à l'intérieur même de leurs navigateurs, Chrome et Safari. Une refondation du Web en vue ?
Par Étienne Combier
Alors que le phénomène des bloqueurs de publicité n'en finit pas d'inquiéter les éditeurs de site web, et notamment de presse, Google et Apple ont décidé de prendre tout le monde de court.
Les deux géants ont annoncé ces derniers jours que leurs navigateurs, Chrome et Safari, bloqueraient de manière automatique certaines publicités et traceurs. Objectifs affichés : favoriser la navigation des internautes et protéger leur vie privée.
Dans le cas de Google, la firme de Mountain View a discrètement dévoilé le 2 juin dernier que Chrome serait équipé dès début 2018 d'un bloqueur de publicité intégré, alors que le projet était évoqué depuis plus d'un an. Seront bloquées les publicités décrites comme "détestables", tandis qu'une liste blanche d'annonceurs ne seront pas bloqués. Comme l'explique 01net, "seront bannis les fenêtres pop-up, les bannières envahissantes, les vidéos avec son et démarrage automatique, les comptes à rebours et les animations façon guirlande de Noël". Une liste blanche qui ressemble à celle déjà mise en place par… Adblock Plus accélère dans la promotion des publicités "acceptables" le leader des logiciels bloqueurs de publicité.
Côté Apple, le blocage est moins direct. Le 5 juin dernier, lors de sa conférence annuelle des développeurs, la firme à la pomme a annoncé que Safari bloquerait automatiquement les vidéos se lançant toutes seules dans iOS11, son prochain système d'exploitation. De quoi permettre au vice-président senior de l'ingénierie logicielle, Craig Federighi, d'affirmer que cette initiative "n'est pas du blocage de publicité". Néanmoins, comme le rappelle BGR, de nombreux éditeurs dépendent de ce genre de vidéos pour générer du revenu publicitaire. Le blocage chez Apple est également plus large que chez Google : le géant de Cupertino introduira un bloqueur de traceurs, qui suivent l'internaute malgré lui.
Une innovation déjà présente dans d'autres navigateurs
Le fait d'intégrer dans son navigateur des bloqueurs de publicité n'est pas en soi une nouveauté : Opéra, le mode privé de Firefox ou encore Brave le proposent depuis 2015 et 2016. Mais ces navigateurs ne concernent pas la majorité des internautes : selon Statcounter, en mai 2017, 54 % des internautes dans le monde ont utilisé Chrome et 14 % Safari. L'entrée dans le jeu de ces deux acteurs fait donc pencher très largement la balance. Apple avait également autorisé dès 2015, avec iOS9, le blocage de publicité sur Safari mobile, mais sans le généraliser automatiquement.
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De plus, ces annonces de Google et Apple sont en réalité extrêmement calculées. Alors que la part des bloqueurs de publicités continue de croître dans les pays occidentaux, même si cela se fait moins rapidement qu'avant, les deux géants se mettent en position d'arbitres entre annonceurs et utilisateurs. Selon le magazine Wired, ces annonces seraient même une "refondation" du Web tel qu'on le connaît.
Un changement radical
Pour Google, dont la majorité des revenus vient de la publicité, ce blocage peut paraître absurde. Mais en réalité, l'objectif est plutôt de prendre le taureau par les cornes. Comme le précise Wired, Google espère qu'en bloquant les publicités les plus détestées des internautes, ces derniers s'arrêtent de télécharger des logiciels bloqueurs de publicité comme Adblock. D'une autre manière, cette volonté du géant pourrait façonner profondément la publicité en ligne, lui assurant un contrôle sans commune mesure sur les publicités que l'internaute aura "le droit" de voir.
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Côté Apple, la logique publicitaire est moins présente et la firme peut donc aller plus loin. Son prochain Safari permettra aux utilisateurs de n'afficher que la partie principale d'une page, bloquant au passage les éléments sur le côté qui ne sont pas des publicités. Même l'aspect d'une page pourra être transformé par le bloqueur. De quoi faire sérieusement réfléchir les éditeurs.
En résumé, après plusieurs années de tergiversation et de débats stériles sur les bloqueurs de publicité, cette arrivée de Google et Apple pourrait changer radicalement la donne.