La devise officielle des réseaux sociaux est l’influence. Plus vous en avez, plus vous avez de résonance, donc du pouvoir, pour vendre des idées ou des produits. Cette influence se mesure en « followers » (« suiveurs »), en amis, en nombre de personnes qui sont exposées à ce que vous diffusez.
Comme tout système, il peut être manipulé : en achetant des faux « followers » ou de faux « likes », la résonance gonfle artificiellement. On donne l’impression d’être plus populaire qu’on ne l’est réellement. Un exemple parmi d’autres : le compte Twitter de Donald Trump, un des plus suivis de la planète, compte 31 millions de « followers », dont la moitié seraient des robots, selon l’application Twitter Audit. Officiellement, Twitter refuse de communiquer sur ce sujet;
Ce marché noir existe depuis presque aussi longtemps que les principaux réseaux sociaux eux-mêmes. Il est essentiellement virtuel et passe par des sites louches pilotés depuis l’Europe de l’Est ou l’Asie vendant des « robots » qui vous suivent, « likent » vos photos ou vos messages contre compensation financière. Facebook annonce régulièrement des campagnes contre cette vente de « likes » et ces comptes « inauthentiques ».
De la popularité virtuelle pour 50 roubles
Des images, prises le 6 juin par un journaliste russe, montrent que ce marché a commencé à déborder dans le monde réel. La machine se trouve dans le centre commercial Okhotny Riad, dans le centre de Moscou, et vend des « likes » et des « followers » sur Instagram et Vkontakte, le Facebook russe. On peut acheter de la popularité virtuelle en faisant ses courses. Pour 50 roubles (78 centimes d’euros), on a 100 likes sur une photo. Pour 100 roubles (1,57 euro), 100 « followers ».
Quand Vasili Sonkin a vu ce distributeur, il l’a pris en photo et partagé l’image en donnant son sentiment sur sa découverte :
« Le cyberpunk qu’on mérite. »
L’image a été reprise par son collègue Alexeï Kovalev, qui l’a rediffusée sur son compte Twitter, ce qui explique la soudaine popularité médiatique de la « machine à acheter des likes Instragram en Russie ».
Face aux doutes de ceux qui ne pouvaient l’essayer, et aux sous-entendus parlant d’arnaque, Sonkin est retourné quelques jours plus tard filmer l’acte d’achat. Il montre le déluge de « likes » sur son téléphone, « essentiellement des hommes brésiliens à moitié nus ».
Snatap, la compagnie qui imaginé la machine légèrement dystopique, a joyeusement surfé sur la vague de publicité gratuite hors des frontières russes. Elle a affirmé à Motherboard qu’il en existait une vingtaine en Russie, et quelques autres en Allemagne, Pologne ou République tchèque. Elle leur a fait suivre une vidéo promotionnelle où on voit une autre fonctionnalité : imprimer ses photos Instagram.
Bien sûr, devenir « micro-influenceur » en accumulant des faux « followers », que ce soit par un échange virtuel ou dans un centre commercial russe, veut aussi dire donner accès à son compte à des boîtes inconnues.
Comme le résume justement Motherboard, ce petit boost à l’ego ne coûtera pas seulement quelques roubles, « il est très probable que vous découvriez que votre compte envoie des publicités pour les clients de Snatap ».
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu