Assistants parlementaires : les affaires qui visent Bayrou et le Modem

Première passe d'armes au gouvernement. Le Premier ministre a dû recadrer, mardi, son garde des Sceaux, attaché à sa liberté de parole, y compris sur des enquêtes le concernant. 

Depuis 2009, l'Europe s'est employée à mieux encadrer le statut de ses assistants parlementaires.
Depuis 2009, l'Europe s'est employée à mieux encadrer le statut de ses assistants parlementaires. (LP/ALAIN AUBOIROUX)

    L'homme qui a mis le feu judiciairement à la maison MoDem doit maintenant se protéger du retour de flammes. Matthieu Lamarre, un ex-salarié, a allumé la mèche le 7 juin. Ce jour-là, il adresse un courrier au parquet de Paris pour dénoncer la situation des assistants parlementaires européens du parti centriste. Il sait, écrit-il, que la presse enquête sur le sujet et veut prendre les devants. C'est pourquoi Lamarre effectue un «signalement» à la justice dans lequel, documents à l'appui, il montre que son salaire était largement pris en charge par le Parlement européen entre décembre 2010 et novembre 2011. Or, selon lui, sa mission au 133 bis, rue de l'Université à Paris (VII e ), siège du MoDem, consistait à gérer le site Internet et non à travailler spécifiquement pour l'eurodéputé qui l'employait. C'est sur la base de cette déclaration que le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour «abus de confiance» afin de vérifier si le MoDem a fait prendre en charge fictivement une partie de sa masse salariale par les instances européennes.

    Le nom de ce témoin n'a pas résisté à la pression médiatique et politique. D'autant que, si Lamarre affirme agir en son nom propre, sa fonction actuelle, conseiller pour la presse de la maire socialiste Anne Hidalgo, n'est pas anodine. Sa démarche a suscité une vive contre-attaque de François Bayrou, qui, depuis ce week-end, lâche des informations permettant d'identifier le témoin. Depuis, la défense du MoDem s'organise auprès des médias. A l'instar d'Erwan Quinio, ex-assistant parlementaire de Jean-Luc Bennahmias à Bruxelles qui nous a fait parvenir un courriel, reprenant des échanges d'e-mails de l'époque, pour contredire Matthieu Lamarre. Il «était à disposition de Jean-Luc Bennahmias, assure Quinio. Le lien hiérarchique était évident. Il lui avait donné des consignes précises sur la gestion de son image».

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    Lamarre, lui, ne semble pas avoir l'intention de changer de cap. Il est convoqué par les enquêteurs après le second tour des élections législatives. Difficile en effet de mener des investigations avant cette échéance, sans être soupçonné d'instrumentaliser le scrutin. Il y a fort à parier que l'enquête ne prendra son essor que la semaine prochaine après l'audition de Corinne Lepage, ex-eurodéputée, la première à dénoncer la situation des collaborateurs du MoDem dans un livre.

    Dès lors, les investigations pourraient se concentrer sur le cas de Karine Aouadj. Un cas sensible puisqu'il concerne directement l'actuel garde des Sceaux. Karine Aouadj, secrétaire du MoDem et assistante de François Bayrou, fut parallèlement embauchée à temps partiel pendant deux ans en tant que collaboratrice parlementaire de l'eurodéputé Claire Gibault, à partir de 2004. Un contrat de complaisance ?

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    «Pas du tout», nous répond cette ex-députée européenne qui ne souhaite «enfoncer, ni absoudre personne». «J'ai été eurodéputée du MoDem de 2004 à 2006. J'ai aujourd'hui arrêté la politique (NDLR : elle est actuellement chef d'orchestre). Du lundi au jeudi, j'étais à Bruxelles ou à Strasbourg, et le vendredi à Paris, c'est à ce moment-là que je voyais cette assistante. Celles qui étaient à mes côtés à Bruxelles lui demandaient des notes pour mes dossiers au Parlement.»

    Puis, comme le raconte «le Canard enchaîné», à compter de 2010, la situation de Karine Aouadj change. Par un avenant à son contrat, elle devient assistante parlementaire à temps partiel de Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem. «Elle n'a jamais travaillé pour l'Europe», lâche anonymement un membre de son entourage, cité par l'hebdomadaire. Version contestée dans l'entourage de Bayrou, où l'on précise qu'en tant qu'assistante, Karine Aouadj s'occupait de l'agenda, des rendez-vous et du téléphone. Il aurait été mis un terme à sa collaboration «d'un commun accord» à la fin de 2016, ou au plus tard au début de 2017 après plusieurs années de congés maladie.