Le Parlement européen a adopté de peu l’interdiction d’utilisation des pesticides sur les terrains désignés d’« intérêt écologique ». Les groupes de protection de l’environnement appelle l’UE à changer le processus de décision lié à sa politique agricole.
Les forces politiques de droite n’ont pas réussi à bloquer une proposition de la Commission pour l’interdiction des pesticides sur les « surfaces d’intérêt écologique ».
La PAC prévoit que les exploitants dont les terres arables dépassent les 15 hectares doivent dédier au moins 5 % de leur terrain à l’amélioration de la biodiversité, les surfaces d’intérêt écologique. Cela inclut des mesures touchant aux bordures des champs, aux champs en jachère, aux bandes tampons et aux haies et arbres. Les autorités nationales établissent leur liste des surfaces d’intérêt écologique, en fonction d’une liste commune, ainsi que des priorités et systèmes agricoles nationaux.
Selon la législation nouvelle, les agriculteurs qui reçoivent des subventions dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) pour améliorer la biodiversité des terrains d’intérêt écologique ne pourront plus y utiliser des pesticides.
Avant le vote final au Parlement, 363 eurodéputés avaient soutenu une résolution cherchant à éliminer la proposition d’interdiction. Il manquait 13 voix à l’initiative pour passer.
« Cette interdiction, qui semble évidente, a reçu le feu vert du Parlement européen [le 24 juin], malgré une tentative désespérée des eurodéputés de la commission parlementaire sur l’agriculture de la rejeter », s’est félicité EEB, le Bureau européen pour l’environnement, qui regroupe différentes organisations de protection de l’environnement.
« Il faut briser la mainmise de ces eurodéputés sur le processus politique. Pour commencer, on pourrait donner à d’autres commissions plus d’influence sur la PAC, surtout dans le contexte des négociations sur son avenir, qui doivent commencer d’ici la fin de l’année », ajoute Faustine Bas-Defossez, responsable des politiques pour l’organisation.
Les conservateurs vent debout contre la proposition
En février, la Commission européenne a présenté son intention d’interdire les pesticides sur les surfaces d’intérêt écologique. Albert Dess, eurodéputé allemand conservateur (PPE) et John Stuart Agnew, du parti britannique UKIP (ELDD), se sont immédiatement opposé au projet.
En mai, la commission parlementaire dédié à l’agriculture, dirigée par ces deux eurodéputés, a décidé de défendre l’utilisation des pesticides dans ces zones et a donc réussi à bloquer la proposition de l’exécutif.
Ils ne sont cependant pas parvenus à convaincre assez de leurs collègues lors du vote en séance plénière.
Vote des partis
Le vote a eu lieu de manière anonyme, mais il semblerait que les formations de droite (PPE, CRE et ENL) se soient unies contre la proposition. Les libéraux et démocrates de l’ALDE étaient divisés, et la gauche progressiste (Verts, Gauche européenne et S&D) a soutenu l’interdiction.
Selon les informations obtenues par Euractiv auprès de sources au sein du Parlement, les socialistes italiens, espagnols et portugais n’auraient néanmoins pas suivi la ligne directrice de leur groupe.
L’argument principal des partis de droite était que la proposition de la Commission n’était pas assez « écologiquement saine » et faisait courir un risque aux cultures de protéagineux non-OGM. Un « comportement honteux », estime Marco Contiero, militant Greenpeace.
« Avec cette proposition sur l’acte délégué, la Commission met en danger la culture européenne de produits protéagineux non OGM et la stratégie européenne qui y est associée », a assuré Albert Dess, porte-parole du PPE pour la commission sur l’agriculture. « Le résultat sera que les nourritures nécessaires devront être importées d’Amérique du Sud. »
Pour Eric Andrieu, porte-parole du S&D sur l’agriculture, les arguments du PPE sont « dangereux », « peu convaincants » et ne tient pas compte de l’objectif de l’interdiction : protéger la santé des citoyens et l’environnement.
« Nous réfutons les arguments de la droite selon lesquels cette mesure porte atteinte à la production de protéagineux et de légumineuses », avait-il rétorqué. « La question de l’indépendance en protéines végétales est vitale, mais ne se réglera pas uniquement à travers les surfaces d’intérêt écologique. Il est urgent de mettre en place une vraie stratégie européenne d’indépendance végétale afin de réduire nos importations de soja destinées à l’alimentation animale et trouver des solutions pérennes qui ne nuisent pas à l’environnement. »