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Législatives 2017

Quand Vallaud-Belkacem, Taubira et Hidalgo illustrent la débâcle de la gauche

Christiane Taubira et Anne Hidalgo sont allées soutenir Najat Vallaud-Belkacem à Villeurbanne. Une visite médiatisée, révélatrice de l'état de la gauche défaite à la présidentielle et aux législatives.

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Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem et Anne Hidalgo le 14 juin 2017

Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem et Anne Hidalgo le 14 juin 2017.

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

‘Que reste-t-il de nos amours
Que reste-t-il de ces beaux jours
Une photo, vieille photo
De ma jeunesse’
C’était ce mercredi, à Villeurbanne. Anne Hidalgo et Christiane Taubira étaient venues soutenir Najat Vallaud-Belkacem, en sursis dans sa circonscription de la banlieue lyonnaise. Cela a donné, pour les caméras, une séquence hommage à Charles Trenet. Ou Simone Signoret.

Elles s'étaient posées, toutes les trois, sur les marches du TNP de Villeurbanne, face à une foule clairsemée. Anne Hidalgo disait que "Najat est la bonne personne, au bon endroit. Alors, votez dimanche pour Najat!". Et Christiane Taubira en rajoutait: "il faut voter Najat Vallaud-Belkacem. C'est une très belle personne et une très belle candidature". Enfin, la candidate elle-même confirmait qu’elle était "l'unique représentante de la gauche" ici et maintenant. La gauche. Seulement la gauche. Sans mention du Parti socialiste, celui dont on ne doit plus dire le nom. Alors, va pour la gauche, si belle, si noble et si ancienne…

L’image se voulait apaisante, qui voulait raconter le quinquennat Hollande. De "belles personnes" étaient venues soutenir une autre belle personne. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes puis de l’Education nationale. Anne Hidalgo, première femme maire de Paris, élue sans difficulté dans le sillage de Bertrand Delanoë. Christiane Taubira, ministre de la Justice, mère de la loi sur le Mariage pour tous.

Elles étaient là, posant devant les caméras, comme pour rappeler au peuple que non, la gauche, ce n’est pas Emmanuel Macron et En Marche, avec ses étranges candidats venus de nulle part. Que la gauche ce sont des visages qui, à un moment, ont été les vecteurs du progrès. Le Mariage pour tous, la réforme du collège et la fermeture des voies sur berges…

La photo était belle, prise sur les marches du TNP, haut lieu de culture en banlieue lyonnaise. Trois visages de la gauche à la française des années 2000. Trois emblèmes de la réforme sociétale. Force de l'image. Trois "belles personnes", porteuses d’une certaine idée de la gauche, d’une certaine conception du pouvoir partagé et d’une certaine morale en politique invitaient, la voix douce et enjouée, les électeurs à méditer sur le destin d'une gauche qui ne mériterait pas de mourir ainsi, fracassée en un seul printemps électoral, assassinée par l’abstention et l’indifférence d’électeurs ingrats. A Paris comme à Villeurbanne et partout ailleurs en France.

Najat Vallaud-Belkacem, Anne Hidalgo et Christiane Taubira ne prenaient pas la pose pour afficher une nostalgie qui n’est plus ce qu’elle était, mais pour prendre date. Elles n’étaient pas là pour entrer dans l’histoire, mais demeurer dans l’actualité. Rester, coûte que coûte, dans le quotidien des belles personnes qui se reconnaissent comme telles. Car ce n’est pas rien d’être une belle personne. C’est une distinction. Voter pour une belle personne, c’est soi-même être une "belle personne". La France d’Emmanuel Macron ne peut vivre sans "belles personnes", et les trois amies, unies et rassemblées, le signifiaient au peuple assemblé.

Pourquoi ne pas l’avouer? La sensibilité de l’électeur frissonnait au vu de ce qu’il faut bien nommer un appel au secours. N’étions-nous pas, d’un coup, encouragé par le vent du "dégagisme", en train de commettre l’irréparable? D’acter notre égoïsme à l’égard de trois personnalités qui ont été la gauche au pouvoir, dans son essence contemporaine, et à qui nous devons tant?

Nous en étions là, à nous demander si, au fond, le "dégagisme" dont sont victimes les candidats du PS et de la gauche traditionnelle ne relève pas de l’ingratitude, quand nous avons jeté un œil sur Quotidien, l’émission de Yann Barthes sut TMC, qui consacrait un long reportage aux "belles personnes" de Villeurbanne.

Une nouvelle pudeur de gazelle

La journaliste de Quotidien, Camille Crosnier, ayant remarqué que les trois femmes en campagne évitaient soigneusement de prononcer les mots Parti socialiste, se mettait en scène, lancée aux trousses des militantes en campagne, dans le but de leur demander pourquoi cette pudeur de gazelle vis-à-vis d’un parti qui fut naguère celui de Jaurès, Blum et Mitterrand. La question était justifiée. Normale. De bon sens et de bon ton.

Sauf que visiblement, ce n’était pas l’avis des intéressées. Confrontées aux questions de la journaliste obstinée, elles se montraient beaucoup moins avenantes que sur les marches du TNP, quelques secondes auparavant. D’un air pincé et méprisant, Anne Hidalgo, répondait: "Attendez, je peux décider si je réponds, ou pas" avant d’ajouter, fusillant la journaliste du regard "OK, ça va, ça va, si c’est la seule question que vous avez…", puis de lui tourner le dos. Appelée à répondre à la même question, Christiane Taubira foudroyait à son tour la journaliste, l'oeil noir et le ton peu amène: "Madame, il y a un sujet très sérieux sur la reconstruction de la gauche, il sera traité en temps et en heure", avant de lui tourner le dos, de la même façon que sa camarade maire de Paris.

La journaliste s’obstinait et pourchassait encore et encore les trois "belles personnes", cherchant à obtenir une réponse à sa question, s’essayant même à la plaisanterie dans le but de les amadouer, mais c’était peine perdue. Christiane Taubira et Anne Hidalgo encore, se devaient de lui donner une nouvelle leçon de journalisme politique en termes peu empreints de la bienveillance que réclame l’époque. "Elle nous cherche" disait l’ancienne ministre de la Justice. Et la maire de Paris de décréter, visage de marbre et mâchoire serrée : "Mais qu’elle parle de ce qu’on fait là…" Et comme la journaliste répondait "Mais c’est ce que je fais ", la maire de Paris donnait le coup de grâce: "Je ne suis pas sûre…" Puis, après encore quelques échanges secs, tournait encore une fois le dos à la journaliste, lui signifiant son congé.

Nous sortions alors de ce reportage un brin dubitatifs, se disant que les "belles personnes" revendiquées ont un caractère particulier, ne se montrant ni avenantes, ni prévenantes… Et de penser que les trois "belles personnes" manquait à leur promesse, et d'une certaine façon, à l'essence de la gauche. Nous regrettions que 'la photo, vieille photo, de notre jeunesse' disait qu’il ne reste ni amour, ni beaux jours… Et sans regret, on la jetait.

 

 

 

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