La digitalisation des métiers de l’aéronautique

Le Salon international de l’aéronautique et de l’espace (Salon du Bourget) ouvre ses portes ce lundi. L’aéronautique est une industrie innovante qui intègre de plus en plus les outils digitaux pour la conception et la fabrication des avions. Des solutions sont également développées pour améliorer l’expérience des clients. Pour en savoir plus sur l’impact des nouvelles technologies sur le secteur et les métiers de l’aéronautique, nous avons rencontré Julien, chef de projet à la direction technique d’ALTEN, et Mickaël, en charge des projets de digitalisation pour Airbus.

La transformation digitale du secteur aéronautique

Julien gère une équipe d’une soixantaine d’ingénieurs. Pour le compte d’Airbus, il travaille à la “définition de nouvelles opérations avions et en particulier sur la conception des cockpits du futur”. Le chef de projet étudie les applications possibles de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle dans les avions.

L’objectif de la digitalisation est de fluidifier les process, pas de les complexifier. “Cela passe par une interface qui s’inscrit de manière simple dans l’environnement (drone qui analyse la structure d’un avion lors d’une visite de maintenance…), ou de la réalité augmentée pour apporter de l’information au pilote dans son champ de vision. Cela passe également par une véritable analyse de l’information car c’est encore trop souvent à l’humain de construire un raisonnement sur la donnée, l’informatique se contentant de la présenter. Nous n’en sommes qu’aux prémices mais les perspectives sont considérables, en particulier pour le pilote qui doit traiter de nombreuses informations complexes et partielles pour agir”.

VR, AR et AI au service des professionnels et des clients

Les pilotes ne sont pas les seuls concernés : ces innovations impactent tous les métiers de l’aéronautique et de nouvelles professions apparaissent, autour de l’analyse de données et de l’expérience utilisateur. ALTEN et Airbus développent des solutions basées sur la réalité augmentée, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle, au service des salariés et des clients.

  • Réalité augmentée : “à l’avenir, elle pourra considérablement améliorer le travail des opérateurs (équipages dans l’avion, opérateurs de maintenance au sol, assembleurs en usine…) en intégrant directement l’information comme des instructions dans le champ de vision.”
  • Réalité virtuelle : “elle permet de réduire fortement le coût de conception en remplaçant des équipements de simulation complexes (ergonomie du cockpit…) ou en permettant d’effectuer des tests avant la construction d’un prototype (amélioration de la maturité d’un poste d’assemblage…).”
  • Intelligence artificielle : “elle va apporter une capacité d’interprétation sur des données pour lesquelles il est difficile de modéliser un comportement, par exemple garder le contrôle de l’avion face à des circonstances imprévues et complexes (météo, pannes, défaillance physiologique du pilote…). C’est une composante clé de concepts du futur pour assister le pilote ou créer un drone.”

Ces technologies ne bénéficient pas qu’aux professionnels de l’aéronautique. Les clients des compagnies aériennes sont aussi concernés. Ces innovations peuvent “améliorer l’expérience du passager sur toutes les phases de son voyage, en simplifiant la logistique (réservation, cheminement dans l’aéroport) ou en optimisant les points d’inconfort du transport aérien (retards, correspondances…). Pour cela, un ensemble de services doivent relier l’assistant personnel du passager (Siri, Cortana, Google Assistant, Alexa…) à l’ensemble des opérateurs”.

La digitalisation pour faciliter la production des avions

Bien que les avions embarquent des technologies de pointe, les opérateurs des chaînes de production ne bénéficient pas toujours d’outils avancés pour les aider à les construire. Pour faciliter leur quotidien, Mickaël a mené un projet pour digitaliser le processus de production – notamment les fiches d’instructions, jusqu’alors imprimées sur papier. Il précise le rôle de ces fiches et les frictions liées à leur forme “papier” : “construire un avion, c’est comme construire des Lego : on utilise des pièces et une notice pour les assembler. L’opérateur accède à la liste des pièces dont il a besoin, va les chercher en magasin puis suit les instructions. C’est un système archaïque, non-efficient, utilisé depuis des décennies”.

Un projet a d’abord été mis en place pour numériser ces fiches d’instruction en PDF. Ce n’était qu’une première étape, le projet Smart Production va plus loin : “nous avons observé les pratiques des opérateurs. La numérisation des fiches en PDF n’était pas suffisante, car dans les faits, les opérateurs ne suivent pas les instructions de manière linéaire. Nous devions donc re-concevoir entièrement le fonctionnement des fiches pour qu’elles soient adaptées à la réalité du terrain. Le mot d’ordre : donner la bonne information au bon moment”.

Il s’est d’abord intéressé aux pratiques et aux souhaits des opérateurs, afin de leur proposer des outils adaptés. Une condition sine qua none pour que les projets de digitalisation, quels qu’ils soient, soient acceptés par les utilisateurs finaux d’outils digitaux. Certains préfèrent utiliser un smartphone, plus simple à emmener dans la carlingue de l’avion. D’autres préfèrent utiliser un grand touchscreen pour mieux visualiser leurs opérations. La récolte des besoins est la première étape et sans doute la plus importante. “Nous avons écrit les spécifications des besoins, conçu les interfaces homme-machine, créé des systèmes intuitifs de filtres pour permettre à l’opérateur de personnaliser ses instructions en fonction de ses habitudes. Le digital permet de gagner en temps et en précision : l’opérateur peut suivre son état d’avancement en temps réel, son manager peut améliorer le cycle de production et recevoir des alertes si le processus n’est pas optimal. Ces outils permettent aussi aux salariés de communiquer plus facilement, notamment dans le cadre d’une production en 3×8 où les équipes se croisent sans toujours avoir le temps d’échanger”.

Ce projet de digitalisation de la production des avions a été bien accueilli par les équipes. Seuls 5 à 10 % des salariés ont été réticents au début, un phénomène classique de résistance au changement . “Pour que ces nouveautés soient acceptées, il faut écouter les utilisateurs, comprendre leurs besoins et leurs craintes (tracking, complexité d’usage…). Mais les projets de digitalisation sont souvent bien acceptés, puisque notre rôle est de faciliter la vie du salarié”.

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