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Législatives 2017

Législatives : pourquoi Macron Jupiter ne doit pas devenir Louis XV

Les législatives ont consacré la stratégie Macron, mais pas autant qu'il l'espérait. L'électorat de droite refuse la fracture, et la gauche Mélenchon dispose d'un boulevard. Le président Macron n'a plus d'autre choix que de gouverner au centre gauche, en accord avec le noyau dur de son électorat.

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Emmanuel Macron

La droite demeure. Les Républicains, certes défaits, ont vu leur électorat refuser l’effacement. En conséquence, voici En Marche!, et Emmanuel Macron, questionnés sur l’essence de leur victoire.

(c) Sipa

Partout la recomposition. François Ruffin soutient Natacha Polony parce qu’elle citait son journal dans la revue de presse d’Europe 1. Signal faible, mais intéressant, repéré sur le réseau social Twitter ce week-end. Le cinéaste césarisé, admirateur des anciens communistes, lance un clin d'oeil appuyé à l'essayiste phare du "C'était mieux avant". Les souverainistes et/ou populistes des deux bords convergent, lentement mais sûrement, attirés par la lumière Mélenchon. Les fractures causées par la victoire d’Emmanuel Macron ne sont pas aussi profondes, donc définitives qu’elles le paraissent. A gauche comme à droite, les possibilités d’un rétablissement des forces vaincues de ce printemps électoral 2017 existent. La victoire écrasante de la République en marche ne doit pas dissuader d'examiner la situation fort d'un adage qui a toujours fait ses preuves en politique, "toute situation est porteuse de son contraire".

La question est essentielle. En Marche, de droite et de gauche, ou plutôt de gauche, contraint et forcé par le poids de l’histoire et des traditions? On sait la philosophie officielle du macronisme: constituer un grand parti central (et non centriste, comme le pense encore François Bayrou) dépassant le vieux clivage droite-gauche pour en installer un autre, progressistes vs conservateurs, déclinable en plusieurs sous clivages: ouvert vs fermés, européens vs souverainistes, mondialistes vs nationalistes, progrès sociétal vs populisme chrétien…

En clair, il s’est agi de fragmenter l’opposition au macronisme de pouvoir autant qu’il est possible, à droite comme à gauche. En partie, les victoires présidentielles et législatives, avec en renfort l’appui non-négligeable d’un corps électoral en état d’insurrection démocratique, ont consacré cette stratégie. A l’Assemblée nationale, En Marche se retrouve avec un FN de témoignage, Les Républicains battus alors qu’ils avaient élections gagnées en novembre dernier et le PS et la France insoumise en leur état de gauches irréconciliables. De ce point de vue, la victoire est totale. Mais.

Les premiers signes de résistance

Mais, les premiers signes de résistance sont d’ores et déjà apparus avec ce second tour des élections législatives. La droite demeure. Les Républicains, certes défaits, ont vu leur électorat refuser l’effacement. Nous précisons bien l’électorat, et non les éventuels élus députés qui, demain, se montreront prêts à tout pour aller à la soupe d’Emmanuel Macron au nom de leur « constructivisme ». Des candidats LR ont sauvé leur siège, (exemple à Paris dans les 16e et 17e arrondissements de Claude Goasguen et Brigitte Kuster) parce que leurs électeurs de droite sont venus à leur secours. Et bien des députés LREM sont moins bien élus que ne le laissaient penser les résultats du premier tour.

La fracturation espérée de l’électorat de droite n’a pas eu lieu aussi profondément que ne l’espérait Emmanuel Macron. LR est désormais de nouveau en position d’incarner une possibilité d’alternance d’ici 2022. A trancher le débat sur l’alliance (Wauquiez?) ou non (Bertrand?) avec le FN sur fond de convergence populiste chrétienne. Si oui, serait-ce la bonne solution pour récupérer les électeurs modérés partis chez En Marche?

En conséquence, voici En Marche, et Emmanuel Macron, questionnés sur l’essence de leur victoire. Si la droite n’est pas aussi cassée que prévu, si le mouvement En Marche s’est cependant bel et bien substitué au PS, si la France insoumise et le PCF demeurent à gauche de la gauche, quelle est la place réelle, celle de la vérité, d’En Marche sur l’échelle politique. Autrement dit, la centralité apparente ne dissimulerait-elle pas un grand parti de centre gauche et de gauche modérée? Question cruciale.

Emmanuel Macron a dit et répété que la campagne présidentielle se gagnait à droite, ce qui est une réalité. Quand François Bayrou, à la mi-février, a décidé de faire alliance, il a apporté les quelques points de droite et de centre droit qui ont aidé le candidat En Marche à creuser le petit écart dont il avait besoin pour l’emporter. Mais à ce moment-là de l’histoire, Emmanuel Macron, homme de gauche, libéral, mais de gauche, avait construit les fondations de son aventure à gauche, sur des valeurs de gauche, avec un encadrement politique qui venait pour l’essentiel de la gauche. Certes, la machine En Marche avait intégré la volonté du dépassement, condition de la victoire, mais il n’empêche: si la présidentielle s’est gagnée à droite, elle s’est d’abord jouée à gauche, sur les décombres du PS, et avec la mise en œuvre d’une stratégie d’empêchement de François Hollande, qu’Emmanuel Macron fut le premier à déployer.

Une droite LR au noyau dur intacte

Aujourd’hui, la situation est la suivante. Le parti En Marche s’est substitué au PS à 80%, PS qui n’est pas encore complètement mort. Le mouvement du président est en outre flanqué sur sa gauche d’une gauche encore forte de 25% des voix, et incarnée par un Mélenchon qui va se lancer dans une opération séduction des souverainistes de tous bords, soit en capacité d’unir François Ruffin et Natacha Polony, le tout sur une ligne identitaire et sociale dans des proportions qui restent à déterminer. Si cette jonction s’opère, la force qui en résultera peut être considérable. Enfin, la droite LR n’a pas été fracturée en son noyau dur, et elle demeure en capacité, contrairement au PS, de produire des présidentiables crédibles d’ici 2022.

Emmanuel Macron est donc un président de centre gauche, soutenu par une majorité parlementaire dont la majorité est elle-même de centre gauche, le tout représentant seulement un quart de l’électorat. La substitution au PS est quasi-achevée, mais c’est une construction qui a besoin d’être fortifiée. Cette situation ne peut être sans conséquence sur des projets comme la réforme du code du travail ou l’inscription dans le droit pénal ordinaire de mesures relevant de l’application de l’état d’urgence.

Ici se pèse le poids de l’électorat socialiste, social-démocrate, libéral de gauche dans l’électorat Macron (que nous ne confondons pas avec les élus) rappelant au passage que le noyau dur de cet électorat, socle initial du macronisme, est composé des électeurs Hollande 2012. Et si l’on veut bien se remémorer la manière dont cet électorat a fini par contraindre François Hollande à renoncer à inscrire dans la constitution la déchéance de nationalité, il est possible que l’on puisse assister à un mouvement du même ordre avec la légalisation dans le droit ordinaire de dispositions relatives à l’état d’urgence, surtout avec la mouvance France insoumise en renfort. Autrement dit, si l’électorat En Marche est central, c’est bien un électorat de gauche qui en est le pivot. Celui sur lequel tout l’édifice repose. Si la gouvernance Philippe, avec Le Maire et Darmanin aux affaires économiques, penche trop à droite, le risque de déséquilibre existe. Et la chance pour la France insoumise, voire le PS, de récupérer en partie des électeurs de gauche En Marche qui ne s'y retrouveraient plus lors des élections municipales et européennes prochaines...

Cette situation oblige le président Macron, nécessairement. Les lecteurs les plus avertis saisiront comme il convient la référence, le sens et la portée de la seule conclusion qui s’impose. Jupiter a été élu pour faire du Roosevelt, pas du Louis XV.

 

 

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