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Oiseaux

A Chypre, le braconnage des passereaux est devenu industriel

A Chypre, des millions d'oiseaux sont tués illégalement chaque année par des braconniers afin de servir d'ingrédient à un plat traditionnel : l'ambelopoulia.

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Fauvette à tête noire piégée, Chypre 2011

A Chypre, les braconniers enduisent de colle les branches pour piéger les oiseaux, ici une fauvette à tête noire.

© David Tipling/REX Shutt/SIPA

A Chypre, la passion pour un mets nommé ambelopoulia conduit au braconnage de plus de deux millions d'oiseaux chaque année. Selon les défenseurs des animaux, les autorités sont trop passives face à ce trafic qui fournit des profits juteux aux braconniers. Piégés par des branches enduites de colle ou des filets, des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs sont tués puis servis chaque année en secret dans des restaurants de l'île méditerranéenne. "C'est un désastre écologique", déplore l'association de protection des oiseaux BirdLife Cyprus en rappelant que le braconnage de ces oiseaux migrateurs -notamment la fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla)- est strictement interdit dans l'Union européenne.

2,3 millions d'oiseaux tués durant l'automne 2016

Selon la Société royale britannique de protection des oiseaux (RSPB), plus de 2,3 millions d'oiseaux auraient été tués par des braconniers à l'automne 2016 contre 1,4 million de 2010 : pour les associations de protection des animaux, ce braconnage est devenu "industriel". Les trafiquants vendent la douzaine d'oiseaux à 40 euros à des établissements qui proposent ensuite l'assiette d'ambelopoulia à environ 80 euros. "La capture illégale de ces oiseaux est devenue une affaire de grande ampleur. Un braconnier bien organisé peut gagner des dizaines de milliers d'euros par an sans payer aucun impôt", explique à l'AFP Tassos Shialis, coordinateur d'une campagne de protection pour BirdLife Cyprus.

Des chants d'oiseaux joués par des hauts-parleurs dernier cri

La gravité du problème n'a pas échappé au sergent Andy Adamou, qui travaille sur la vaste base britannique de Dhekelia, dans le sud-est de Chypre. En vertu des accords ayant conduit à l'indépendance chypriote en 1960, le Royaume-Uni a gardé deux importantes bases souveraines dans cette île stratégique aux portes du Moyen-Orient. Celle de Dhekelia comprend le cap Pyla, un lieu très prisé des oiseaux migrateurs qui font escale à Chypre... et par ricochet des braconniers. Ces derniers jouent des chants d'oiseaux enregistrés sur des hauts-parleurs dernier cri pour attirer leurs proies dans les buissons la nuit, puis, à l'aube, ils les arrosent de gravier pour leur faire peur et les pousser à se prendre dans les filets.

Grenades, fusils et pitbulls pour terrifier les forces de l'ordre

Ce business particulièrement lucratif rend les trafiquants dangereux : ils n'hésitent pas à menacer les policiers. "Au cours des dernières années, j'ai eu des agents attaqués, on a pointé des fusils sur eux, on a tiré juste devant eux pour leur faire peur", raconte Andy Adamou. Certains braconniers ont même lancé leur véhicule sur ceux des forces de police ou ont lâché des pitbulls pour les attaquer. Le 13 juin 2017, un officier de police a été blessé lorsqu'une grenade a été lancée à l'entrée d'un commissariat de la base de Dekhelia, des sources locales disant que l'incident pourrait être lié à une affaire de braconnage. "Nous recevons de nombreuses menaces. Nous ne les prenons généralement pas trop au sérieux, mais quand quelqu'un vous décrit exactement l'endroit où vous vivez, cela fait réfléchir", poursuit M. Adamou.

7 personnes pour traquer les braconniers et les restaurateurs

De plus, la police chypriote chargée de la lutte contre le braconnage souffre d'un criant manque de moyens. L'unité anti-braconnage ne compte que sept personnes qui doivent à la fois traquer les trafiquants et les restaurateurs. Mais pour le sergent, le principal problème demeure la forte demande des restaurants de Chypre pour ces oiseaux. Or ces établissements sont hors de sa juridiction puisqu'ils dépendent des autorités chypriotes qui ne semblent guère intéressées par le sort de ces animaux. 

Cyprus BirdLife regrette que le plan de lutte du gouvernement contre le braconnage adopté en 2015 soit largement resté lettre morte. "C'est difficile d'arrêter ce phénomène", dit le sergent Michalis Pavlides. "L'ambelopoulia est une tradition et on ne sait pas ce qui pourrait convaincre les Chypriotes d'arrêter d'en manger", poursuit-il. Mais pour BirdLife, on est aujourd'hui loin d'une pratique traditionnelle, et plus "dans un business industriel".

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