Une fois encore, la planète Zuma tremble, mais n’implose pas. L’indéboulonnable président, abhorré par l’opposition et contesté jusque dans son parti, est au centre de nouvelles révélations qui, à l’échelle de l’Afrique du Sud, sont aussi explosives que les « Panama Papers ». Les « GuptaLeaks » – près de 200 000 courriels et documents que des lanceurs d’alerte ont confiés à des journalistes d’investigation – offrent un océan de preuves accablantes.
Feuilletonnés quotidiennement depuis début juin, ils démontrent la mainmise de la richissime famille indienne Gupta sur le sommet de l’Etat sud-africain. De quoi alimenter la saga qui ébranle le Congrès national africain (ANC) depuis de longs mois, sans parvenir, pour l’instant, à en déloger son personnage principal, Jacob Zuma.
« La capture de l’Etat est odieuse », a tranché, le 14 juin au Parlement, Cyril Ramaphosa, vice-président et candidat à la succession de Zuma. Quelques jours plus tôt, Mathews Phosa, l’ex-trésorier de l’ANC, s’était montré plus virulent encore : « Après l’apartheid, le scandale Zuma-Gupta est le pire crime jamais commis contre le peuple sud-africain. Nous assistons à un pillage économique en règle. »
Les courriels décrivent un vaste système de corruption impliquant l’entourage du président, des ministres et des vice-ministres. L’influence des Gupta leur permet de contrôler des entreprises publiques pour rafler des contrats et de bénéficier de faveurs. Le plus souvent, ils monnaient leur influence en manipulant les enfants de responsables politiques. L’intermédiaire en chef n’est autre que le fils Zuma, Duduzane, dont ils subventionnent la vie dorée.
Parmi les révélations les plus croustillantes, les Gupta auraient empoché 363 millions d’euros de pots-de-vin lors de l’achat de locomotives par la compagnie ferroviaire publique Transnet. D’autres courriels évoquent une luxueuse résidence à Dubaï, où Jacob Zuma aurait prévu de se retirer après sa vie politique.
« Des institutions perverties »
Les lanceurs d’alerte ont confié les documents à Branko Brkic, un journaliste d’origine yougoslave installé depuis vingt-cinq ans en Afrique du Sud. Un gage de confiance témoigné au Daily Maverick, le site en ligne irrévérencieux qu’il a cofondé en 2009. Lui-même a quitté la Yougoslavie en 1991 après avoir publié un livre incendiaire sur Slobodan Milosevic, avant que celui-ci ne mette les Balkans à feu et à sang.
Avec les « GuptaLeaks », il espère changer la donne : « Cela fait plusieurs années que nous collectons des histoires auprès de témoins. Cette fois, nous avons les preuves matérielles, tout est là. » Au vu de la quantité colossale d’informations à traiter, Branko Brkic s’est associé au centre de journalisme d’investigation amaBhungane. L’équipe de choc a pris toutes les précautions pour préserver l’identité des lanceurs d’alerte et sauvegarder des copies à l’étranger.
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