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Peur à Beyrouth, Paris, Bruxelles

Il n’y a pas d’échelle commune entre l’Europe, actuelle cible du terrorisme et Beyrouth, ravagée par la guerre civile et les attentats. Et pourtant un point commun : l’objectif de diviser.

- Temps de lecture: 3 min

« Le but des terroristes est de semer la peur, d’amener les gens à se méfier les uns des autres et de provoquer un climat d’insécurité en ville. J’ai connu cela, enfant et adolescente à Beyrouth, confrontée à une guerre civile et au chaos provoqué par les voitures piégées, les attentats et les enlèvements. Et j’ai ressenti la même peur au ventre, ici, après les attentats de Paris et de Bruxelles. Mais, ça a été bref, éphémère », confie Jihane Sfeir.

Française d’origine libanaise, Jihane Sfeir est née à Beyrouth en 1970. Aujourd’hui coordinatrice de l’Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM) de l’ULB, elle est spécialiste de l’histoire du monde arabe contemporain.

L’objectif ultime des terroristes est de diviser, de monter les gens les uns contre les autres

De ses années à Beyrouth, elle garde une image de violence et de peur. « Le Liban de mon enfance et de mon adolescence est un champ de bataille où s’affrontent plusieurs factions d’allégeances confessionnelles et idéologiques différentes évoluant dans un pays où l’absence de souveraineté le plonge dans un état de nature. Durant plus de 15 ans une population entière est maintenue dans la peur, dans une guerre opposant les hommes entre eux. Une guerre de tous contre tous. Les conséquences directes de cette guerre et de ce terrorisme sont bien sûr les victimes mais c’est aussi le territoire qui se fracture et se redessine ; des quartiers anciennement mixtes sont remplacés par des enclaves communautaires où chacun reste chez soi. Ce nouvel espace géographique opposant un Beyrouth Est chrétien à un Beyrouth Ouest musulman, marque la fin d’un vivre-ensemble et l’anéantissement de la souveraineté nationale. Des frontières matérielles séparent les hommes et les territoires et rendent difficile la circulation dans la ville. », observe la chercheuse. « Qu’ils agissent au Liban, en Europe ou ailleurs, l’objectif ultime des terroristes est de diviser, de monter les gens les uns contre les autres »…

Jihane Sfeir, Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM), ULB
Jihane Sfeir, Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM), ULB

Paris et Bruxelles ne sont pas Beyrouth, bien sûr. Mais,« juste après les attentats de Paris et de Bruxelles, inconsciemment, j’ai commencé à m’éloigner des voitures garées, des lieux de rassemblement, j’évitais de faire la queue ou d’aller au cinéma. Des réflexes qui resurgissent d’un coup et qui rappellent les conseils que ma mère nous donnait avant de sortir de la maison. Un kit de survie en quelque sorte que chaque Libanais ayant vécu la guerre possède. Eviter les rues encombrées, repérer les lieux afin de s’abriter en cas d’attaques, ne pas céder à la panique… et vivre avec la mort. Une familiarité avec la mort qui rend plus libre et surtout plus lucide », se souvient Jihane Sfeir.

Les attentats ont éveillé la peur ; ils ont pointé une menace – « le musulman parce que potentiellement, il pourrait être un futur djihadiste ou un futur radicalisé » (lire l’interview Andrea Rea, dans ce dossier) – ; et ils divisent encore, un an après. « Les attentats ont en effet provoqué des réactions négatives : plus de racisme, des attitudes antimusulman, etc. Mais ils ont aussi suscité des émotions positives et de nombreux actes de solidarité ».

 

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