SURVEILLER ET PUNIR


Plongée photographique dans le système carcéral | Séb. Van Malleghem | juin 2017

«Mes images visent à dénoncer la clôture archaïque et opaque dressée autour de ces hommes et de ces femmes en rupture...  

... ce mur sur lequel s’étiole leur part d’humanité.» 

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Entre 2011 et 2014, le photographe Sébastien Van Malleghem s’est immergé dans le quotidien d’une dizaine de prisons en Belgique. Pour raconter les failles et la faillite du système pénitentiaire.

La Belgique est le quatrième pays d'Europe le plus mauvais en matière de surpopulation carcérale, selon une étude de l'Institut de criminologie et de droit criminel de Lausanne pour le Conseil de l'Europe. Elle est devancée uniquement par la Macédoine, l’Espagne et la Hongrie.

La Belgique compte en moyenne 127 détenus pour 100 places disponibles.  

Ces images jettent une lumière crue sur la promiscuité et l'indignité des conditions de vie dans les cellules. 

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné plusieurs fois le pays pour ces raisons. 

Derrière les murs, la souffrance et la détresse sont gigantesques. 

«Tu dois faire quinze ans?

Tu te tiens la tête entre les mains pendant longtemps: une heure, deux heures, trois heures…

Ou alors, tu rentres dans ta cellule, tu fais ta toilette, tu te roules un gros joint et tu le fumes. Une pilule pour dormir et t’oublies.

Puis, tu dis: on verra demain, on verra demain, on verra demain…»

– Un détenu

En prison, la privation totale est une loi d'airain. 

 Privation de mouvement. 

 Privation de lien. 

 Privation de plaisir. 

 Privation de confort. 

Dans l'exiguïté des cellules, des coursives et des cours, les détenus perdent tout contrôle sur leur vie.  

«Tout ce que tu veux exprimer, tu dois le faire via un formulaire administratif. Une autre forme de punition.» 

Chacun invente ses propres stratégies mentales pour s'échapper.  

Certains plongent dans l'addiction aux médicaments, dans la drogue, omniprésente en prison... 

... ou choissent l'abrutissement volontaire via la télévision ou les jeux vidéos. 

Beaucoup tentent de garder un minimum de rythme et d'activité physique pour ne pas sombrer. 

«Le temps, c’est un état d’esprit. Il faut le gérer.

Tu peux travailler, te lever tôt et garder le rythme. Ou tu sombres. Tu fumes tes joints et tu t’abrutis, tu joues à la PlayStation et tu regardes la télé.

Tu fais ça pendant dix ans et t’as plus de cerveau...»

– Un détenu

 Dans l'objectif du photographe... 

 Dans l'objectif du photographe...  

... se révèle le visage effrayant d'un système carcéral qui attise la violence... 

... favorise la maltraitance psychologique... 

... les abus de pouvoir, le trafic, la corruption. 

«Il y a plein de pièges en prison.

Il ne faut surtout pas laisser les gens s’immiscer dans ta vie. Ici, ce n’est pas la vie normale, ce n’est pas la colonie de vacances. C’est un centre fermé, il y a des gens ultra dangereux.

Si on te donne, tu dois rendre. Si tu fais rien, t’es susceptible d’être pisté par les autres détenus. On te piste de tous les côtés. On te cherche sur Google, on veut savoir qui tu es.»

– Un détenu

«Pourquoi ferme-t-on les yeux sur ces destins brisés?» 

 Des femmes, souvent des mères. 

 Des prisonniers en attente de leur procès. 

 Des criminels condamnés à de longues peines. 

Des détenus mentalement déficients. 

Une psychologue: «Ici, c’est le fond du panier.» 

«Il n’y a pas plus bas dans la classe sociale. La prison, c’est la fin de la route pour beaucoup.» 

«Pourquoi ferme-t-on les yeux sur ces destins brisés? Et sur ce qui les brise?» interroge le photographe. 

«Ces visages torves et défaits sont notre part d’ombre.» 

La surpopulation carcérale est un problème qui dépasse largement la seule Belgique. 

Pour le photographe, ces conditions de vie indignes ne pourront pas disparaître uniquement par la rénovation ou la construction de prisons. 

Les établissements neufs sont souvent davantage déshumanisés. 

Et quel espoir de réhabilitation une fois la dette sociale acquittée? 

«Il n'y a pas de souvenirs ici, témoigne un détenu. Rien.» 

«Tu sors.»

«Tu oublies.»

Ce reportage au long cours du photojournaliste belge Sébastien Van Malleghem est un extrait de son travail mené durant plusieurs années dans les prisons autour de Bruxelles. Ces images sont rassemblées dans un livre, Prisons, publié aux Editions André Frère.

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Crédits

Reportage photo: Sébastien Van Malleghem
Iconographie: Véronique Botteron
Réalisation: Jean Abbiateci
Date: 1er juin 2017
Code: Le Temps / NPR-Apps / Licence MIT